AAda Lovelace : Mathématicienne Cet article s’inscrit dans le cadre d’une balade urbaine proposée par Pop’Sciences – Université de Lyon, en collaboration avec la Mairie de Belleville-en-Beaujolais et la Communauté de communes Saône-Beaujolais. Elle est le fruit d’un travail collectif mené avec le Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes, une classe de seconde du lycée Aiguerande et les étudiants du Campus connecté.Plaque symbolique située à l’angle de la rue Pasteur et de la rue Pillard, où le nom d’Ada Lovelace fait écho à celui de Louis Pasteur, deux figures scientifique majeures.Aujourd’hui, l’informatique est partout : nos téléphones, nos voitures, nos hôpitaux, nos loisirs, l’intelligence artificielle. Tous ces outils obéissent à des programmes informatiques, ces suites d’instructions conçues pour être exécutées par des machines. Mais qui a écrit le premier programme de l’histoire ? Remontons le temps, jusqu’au XIXe siècle, à la rencontre d’une pionnière méconnue : Ada Lovelace.© The Board of Trustees of the Science Museum | Portrait d’Ada Lovelace par Alfred Edward Chalon Une enfance bercée par les sciences et loin de la poésie.Augusta Ada Lovelace, plus connue sous le nom d’Ada Lovelace, naît le 10 décembre 1815 à Londres. Fille d’un célèbre poète, Lord Byron, et d’une mathématicienne, Annabella Milbanke surnommée la « princesse des parallélogrammes ». Les parents d’Ada se séparent alors qu’elle est âgée de seulement quelques mois. Entourée de tuteurs, Ada reçoit une éducation rigoureuse : trois heures de musique, autant de mathématiques, et deux leçons de français quotidiennes ! Un petit génie se façonne…Le calcul au XIXe siècle : une science inexacte.Au début du XIXe siècle, ingénieurs, banquiers et navigateurs s’appuient sur des tables mathématiques… pleines d’erreurs. Chaque étape — calculs, retranscriptions, impressions — est réalisée à la main. Ces erreurs, bien que difficiles à quantifier précisément, auraient coûté des millions au gouvernement britannique et causé des naufrages. Une solution s’impose : automatiser les calculs. Si des traces de machines à calculer automatiques datant de l’Antiquité ont été découvertes ; au XIXᵉ siècle, elles restent encore des curiosités, encore peu fiables.© The Board of Trustees of the Science Museum | Exemple de table mathématique pour les logarithmes de 1 à 108000. Rencontre avec Charles Babbage.À 17 ans, en 1832, grâce à sa tutrice Mary Somerville, Ada rencontre Charles Babbage. Mathématicien renommé, il vient de conceptualiser sa « machine à différences », destinée à calculer automatiquement des tables numériques. Ada est immédiatement fascinée. Elle se lie d’amitié avec Babbage, correspond régulièrement avec lui, et collabore à ses travaux. Une vie familiale qui l’éloigne des mathématiques.En 1835, Ada épouse William Lovelace. De cette union naîtront trois enfants en moins de quatre ans. Malgré le soutien de son mari pour ses talents scientifiques, ses grossesses rapprochées et une santé fragile l’éloignent temporairement de ses recherches mathématiques. Soutenue par son mari et Charles Babbage, elle reprend ses études en 1839 avec Auguste de Morgan, logicien anglais, auteur du « Calcul intégral et différentiel ».La machine analytique de Babbage – premier programme informatique.En 1833, Babbage commence à concevoir un nouveau calculateur automatique : la machine analytique. Cette machine à vapeur, constituée de roues et d’engrenages, devait être capable de réaliser des calculs à l’aide d’instructions inscrites sur des cartes perforées, comme celles utilisées dans les métiers à tisser Jacquard. Peu soutenu en Angleterre, Babbage présente sa machine en Italie en 1840 et rencontre beaucoup de succès. Un scientifique italien publie un article enthousiaste, en français. Ada, bilingue, accepte d’en faire la traduction… mais va bien au delà : pendant neuf mois, elle y ajoute de nombreuses notes, signées de ses initiales « A.A.L. ». Dans la dernière note, elle rédige le premier algorithme de l’histoire, permettant de calculer les nombres de Bernoulli. Les algorithmes existaient déjà, mais c’est le premier à être décrit avec un formalisme et dans un langage destiné à être exécuté sur une machine. Mais surtout, elle anticipe un avenir où les machines pourraient manipuler des symboles, de la musique ou des mots, et non plus uniquement des chiffres. C’est une vision de l’ordinateur universel, bien avant son temps. La force d’Ada Lovelace réside dans sa capacité unique à relier la logique scientifique aux idées abstraites et philosophiques — ce qu’elle appelait peut-être sa « science poétique ».© Science Museum Group | Portion de la machine à différences n°1 de Charles Babbage. Cette machine et le premier calculateur automatique. Un héritage immense.Ada Lovelace ne verra jamais la machine de Babbage fonctionner : elle meurt d’un cancer de l’utérus à seulement 36 ans. Après la mort de Babbage, leurs travaux tombent dans l’oubli. Les notes d’Ada auraient été redécouvertes dans les années 1940 par Alan Turing, qui les aurait lues et s’en serait inspiré pour formuler « l’objection de Lady Lovelace » : une machine ne peut rien créer d’original par elle-même. En 1980, le Département de la Défense des États-Unis donne son nom à un langage de programmation. ADA est encore utilisé aujourd’hui dans l’aéronautique, les transports et les systèmes embarqués. Pour aller plus loin, une sélection de podcast Radio France :Ada Lovelace, la science poétique à l’époque victorienne ;Ada Lovelace, la grande ordinatrice. > Retour au sommaire : Balade : a la recherche des femmes