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Une intelligence artificielle plus frugale ?

UUne intelligence artificielle plus frugale ?

« Il est possible d’aller vers une IA plus frugale »

« Faire aussi bien (voire mieux) avec moins de ressources » : ce pourrait bien être la maxime préférée de Stefan Duffner, enseignant-chercheur au laboratoire LIRIS1. Spécialiste de l’apprentissage et de la reconnaissance des formes au sein de l’équipe Imagine2, il explore une approche de l’Intelligence Artificielle (IA) plus frugale. Comment faire de l’IA robuste, sécurisée et fiable avec moins de données ? Comment relever le défi de la sobriété dans un domaine tenaillé par une course à la performance permanente ? Quel degré d’erreurs est-il acceptable pour un système à qui l’on demande de prendre des décisions pour nous-même ? Stefan Duffner propose d’explorer un concept qui encourage une approche de compromis, entre performances et impacts sur l’environnement. Explications.

Pourquoi, de tous les outils du numérique, l’intelligence artificielle devrait-elle prendre le pli d’une certaine frugalité ou sobriété ?
Derrière le terme « intelligence artificielle » se cache un monde très vaste. Pour ma part, je m’intéresse à l’apprentissage automatique et aux réseaux de neurones profonds, appelé « deep-learning », qui sont des méthodes qui régissent nos principaux usages de l’intelligence artificielle. Ces dernières années, les outils faisant appel à des IA, se sont largement démocratisés, au moyen d’appareils embarqués et de données massivement exploitées. Si l’utilisation de ces données volumineuses permet d’avoir des modèles très précis, il est désormais reconnu qu’elle présente de lourdes conséquences sur le plan environnemental, notamment en matière de consommation d’énergie. Aussi, cette exploitation de données massives va souvent de pair avec des calculs de plus en plus complexes et lourds.

Une autre part de la consommation énergétique de l’IA vient de l’apprentissage. Pour qu’un modèle d’intelligence artificielle fonctionne, il a besoin d’être entraîné, d’apprendre. Souvent déployée sur des data centers de grande envergure, cette activité peut s’avérer très gourmande en énergie.

Ces approches actuelles, qui ne tiennent pas compte des ressources limitées de la planète, ne sont plus tenables. C’est pour cette raison qu’une partie de la communauté scientifique appelle à plus de frugalité dans l’utilisation des intelligences artificielles, en étudiant d’autres approches plus sobres, tout au long du cycle de développement de l’IA. (…)

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[1] Laboratoire d’InfoRmatique en Image et Systèmes d’information (UMR 5205 CNRS / INSA Lyon / Université Claude Bernard Lyon 1 / Université Lumière Lyon 2 / École Centrale de Lyon)
[2] Computer vision, Machine Learning, Pattern recognition

Pour un nouveau paradigme économique plus sobre et frugal

PPour un nouveau paradigme économique plus sobre et frugal

 

Gilles Dufrénot

Professeur de sciences économiques à Aix-Marseille Université et membre de l’École d’Économie de Marseille

 

Dans son ouvrage Les pauvres vont-ils révolutionner le XXIe siècle ? paru en 2018, Gilles Dufrénot met en exergue un paradoxe saisissant. Les moyens de sortir de la pauvreté et d’être plus riche n’ont jamais été aussi importants. Pourtant la réalité montre que les différences sont de plus en plus fortes entre les plus puissants et les plus pauvres.

Les deux révolutions industrielles du XXe siècle ont forgé un système de production de masse mondialisé, standardisé, libéral et basé sur une logique de marchés. Les travailleurs se sont toujours inscrits dans cette innovation permanente comme les pierres angulaires du profit marchand. D’une part, notre modèle économique nous rend capables de produire en surabondance, de concentrer les richesses et de surexploiter les ressources. D’autre part, il fait la part belle aux privations involontaires et à de plus en plus de précarité et d’inégalités. Pour l’économiste, c’est cet équilibre parfois non-soutenable qui produit de l’exclusion sociale et qui est à l’origine de conflits sociaux ou de crises financières. Pour lui, « le système de redistribution du XXe siècle a maintenu et quelque peu contraint la pauvreté, mais il ne suffit plus. » Notre société de croissance incite à faire en sorte d’augmenter le niveau de vie moyen, mais en considérant les bombes démographiques en devenir (en Asie et en Afrique) nous sommes, pour ce chercheur, face aux limites du système de surproduction et de surconsommation.

Propos recueillis par Samuel Belaud. Une interview vidéo réalisée par Visée.A, pour le Pop’Sciences Mag#4 : LE MEILLEUR EST-IL A VENIR ?

Devra-t-on tous devenir pauvres ? Non, mais pour bon nombre de chercheurs et d’intellectuels, nos standards devront être revus à la baisse pour maintenir la planète stable économiquement, socialement et écologiquement. Un nouveau paradigme économique doit voir le jour pour Gilles Dufrénot, auquel il faudra appliquer une certaine dose de sobriété et de frugalité.

Retrouvez l’enquête Demain quelle sera la place du travail ? dans le 4e numéro de Pop’Sciences Mag