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Mobillité et écologie : comment concilier les enjeux économiques et sociaux ?

MMobillité et écologie : comment concilier les enjeux économiques et sociaux ?

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Pollution : limiter la mobilité est-ce une solution ? Le transport a-t-il réellement un impact sur le changement climatique ? 

Dans ce deuxième podcast dont le triptyque est consacré à la mobilité, pollution, et transition écologique…nous allons tenter d’éclaircir ces questions.

Pour cela, nous  nous entretenons avec Maxime HURE, Maître de conférences HDR en science politique à l’université de Perpignan (CDED Centre du droit économique et du développement) et chercheur associé au laboratoire Triangle. 

> Écoutez le podcast :

> Lire la retranscription des propos de l’interview :

Nous avons vu précédemment que limiter la mobilité pourrait réduire les émissions de CO2, cependant, cela n’engendrerait-il pas une atteinte à la liberté de circulation ?

Maxime Huré – Alors ce que l’on peut dire, c’est que cette limitation de la mobilité, ce n’est pas encore une voie choisie par les pouvoirs publics, mais on se rend compte que c’est une des possibilités offertes pour baisser les émissions de CO2 dans le secteur des transports et de la mobilité.
Pourquoi ce n’est pas une voie choisie aujourd’hui par les pouvoirs publics, parce qu’il est important de noter que dès lors que ces pouvoirs publics essayent d’encadrer ou de contraindre les pratiques individuelles de mobilité, sans intégrer pleinement la dimension sociale inhérente à chaque déplacement, cela engendre des mouvements sociaux et des réactions individuelles visant à défendre effectivement un mode de vie, la liberté de circuler ou encore la liberté de choisir son mode de déplacement. On pense ici par exemple aux mobilisations des Gilets Jaunes fin 2018, début 2019.

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Est-il vrai que le transport a un impact considérable sur ce changement climatique, comment expliquez-vous ce fort impact des transports en France et de ce fait quelles solutions pourrait-on envisager ?

M.H. Oui tout à fait, alors sur ce point, on peut même rappeler que la grande majorité des individus vivent la mobilité comme une contrainte, et surtout ils n’ont pas forcément beaucoup de choix pour se déplacer. En France, ils le font bien souvent en automobile, même majoritairement. Dans d’autres pays, notamment ceux qui affrontent des situations de grande pauvreté, la mobilité quotidienne, elle est encore plus contraignante et se résume pour beaucoup à des déplacements à pied dans un périmètre de quelques kilomètres.

Donc finalement les choix d’utiliser des modes de déplacement relativement polluants et sur de grandes distances, bien souvent pour les loisirs, reposent en réalité sur un très faible nombre d’individus à l’échelle mondiale, c’est-à-dire sur les populations les plus favorisées disposant de revenus importants. Ensuite, ce débat, il peut renvoyer à la manière de réguler et de gouverner nos sociétés. Doit-on choisir, par exemple, une régulation par le marché, c’est-à-dire par les fluctuation des cours des matières premières et de l’énergie, comme c’est un peu le cas actuellement, mais qui agissent comme une contrainte auprès des individus ? Doit-on y ajouter un amortisseur social pour les populations les plus touchées par ces variations ? Ou même doit-on davantage s’appuyer sur la régulation politique à l’échelle européenne, nationale ou locale pour encadrer les mobilités ?
Donc, à travers des mécanismes d’intervention ou de non-intervention de la part des femmes et des hommes politiques, il s’agit bien de réfléchir à la manière de faire société et à la question d’un avenir commun qui permettent aux générations futures de trouver leur place.

Et quel serait alors l’impact économique ou encore l’impact social ?

M.H. Les discours et les représentations de la modernité dans la période de l’après-guerre et pendant les Trente Glorieuses ont assimilé finalement la notion de liberté à celle de déplacement automobile. De ce fait, une grande partie de nos activités économiques et sociales qui s’est organisée autour du système automobile, dans un pays où la production industrielle automobile relève d’une histoire assez particulière. Donc cette démocratisation de l’automobile a accompagné le progrès social, mais elle a aussi créé ce que Gabriel Dupuy appelle « la dépendance automobile », c’est-à-dire un système où les individus sont dépendants de la voiture pour accéder aux activités et aux services du quotidien.

De la même manière, une partie de nos activités sociales s’est organisée autour des loisirs longue distance au tournant des années 1980-1990, en s’appuyant sur des discours positifs attribués au développement touristique international et à la mondialisation culturelle. Cette transformation a propulsé l’aviation comme un moyen de transport moderne et relativement accessible avec l’avènement des compagnies dîtes Low Cost.
Donc ces évolutions ont structuré de manière décisive nos sociétés, et même l’aménagement du territoire et les modes de vie.

Cependant, tout cela a un impact…qui est d’avantages de pollution…

M.H. Oui, la massification de l’utilisation de l’automobile et de l’avion a généré des effets négatifs, comme l’augmentation des pollutions et des émissions de CO2, ce que les économistes nomment les « externalités négatives ».
À l’échelle individuelle, nous sommes devenus des hyper-mobiles pour reprendre le terme d’Yves Crozet car nous nous déplaçons toujours plus, toujours plus loin et toujours plus vite. Cette situation pousse certains experts et chercheurs à remettre en cause aujourd’hui cette course à la vitesse. Mais limiter ou restreindre les déplacements individuels dans le cadre de notre système économique et social actuel et même au regard de notre aménagement de l’espace pourrait potentiellement être perçu comme une nouvelle contrainte forte pour de nombreux individus, de nombreux ménages. Donc il faut nous interroger sur les solutions à imaginer.
Faut-il plutôt envisager des incitations à l’autolimitation ou à la sobriété pour reprendre un mot à la mode aujourd’hui ? Dans quelle mesure une relocalisation des activités à grande échelle, y compris touristiques, pourrait accompagner de nouveaux comportements de mobilité ? Quid encore des effets du télétravail et des transformations liées au numérique ? Ce que l’on peut dire c’est que ces questions stimulantes occupent une réflexion importante de nombreux chercheurs en sciences sociales aujourd’hui.


Précédemment : Mobilité : ses enjeux dans la France d’aujourd’hui

> À suivre…

Notre troisième et dernier podcast concernant le thème de la pollution et mobilité abordera le thème de la diminution du CO2 avec les progrès technologiques, les nouveaux modèles de vie  …Rendez-vous jeudi prochain  !

>> Pour en savoir plus :

Triptyque – Laboratoire Triangle

Mobilité : ses enjeux dans la France d’aujourd’hui

MMobilité : ses enjeux dans la France d’aujourd’hui

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Pollution, mobilité, transition écologique…autant de mots qui abreuvent notre quotidien, et auquel ce triptyque est consacré. Dans ce premier podcast nous allons d’abord essayer de comprendre la mobilité en France aujourd’hui. Qui l’organise et pourquoi le transport à un réel impact sur la transition écologique ?

Pour cela, nous allons nous entretenir avec Maxime HURE, Maître de conférences HDR en science politique à l’université de Perpignan (CDED Centre du droit économique et du développement) et chercheur associé au laboratoire Triangle. 

> Écoutez le podcast :

> Lire la retranscription des propos de l’interview :

D’abord, pour comprendre la mobilité des personnes en France , tentons de comprendre qui, aujourd’hui l’organise ? Et selon vous, est-ce judicieux, pourquoi ?

Maxime Huré – La mobilité des personnes en France est organisée par les pouvoirs publics qui financent la construction des infrastructures comme les routes, les chemins de fer, les aménagements cyclables et piétons, etc… Ces pouvoirs publics élaborent aussi les réglementations et organisent la gestion des services publics de transport, le plus souvent en partenariat avec des opérateurs privés. Alors la particularité française – mais que l’on retrouve également dans d’autres pays européens – réside dans le fait que les compétences des politiques de mobilité sont réparties entre plusieurs niveaux institutionnels : l’Union Européenne, l’État, les régions, les départements, les intercommunalités et les communes. Cette répartition des compétences en France fait suite aux réformes de décentralisation engagées dans les années 1980 et permettent aux échelons locaux d’être à l’initiative de nombreux projets et innovations et de gérer des compétences très élargies. Alors concrètement, pour vous donner un exemple, concernant la gestion des transports à Lyon : les transports collectifs urbains (TCL) sont gérés par le Sytral qui regroupe la Métropole de Lyon et d’autres partenaires, les politiques en faveur du vélo en ville ou encore certaines voiries sont gérés par la métropole de Lyon. En revanche, si vous prenez un TER (Train Express Régional), il s’agit d’une offre de transport pilotée par la région Auvergne-Rhône-Alpes, en partenariat avec SNCF, y compris pour les lignes ferroviaires qui desservent la métropole de Lyon. Cette fragmentation institutionnelle et politique constitue en soit un objet d’analyse des politiques publiques et soulève de nombreuses problématiques en fonction de chaque contexte territorial.

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Est-il vrai que le transport a un impact considérable sur le changement climatique ? Comment expliquez-vous, ce fort impact des transports en France ? Et, de ce fait, quelles solutions pourrait-on envisager ?

M.H. – Il est vrai que la mobilité des personnes et le transport de marchandise si on agrège les deux, représentent 32% des émissions de CO2 en France en 2022. Il s’agit du secteur qui émet le plus de CO2, devant l’agriculture, l’industrie et le bâtiment. Et ce pourcentage en plus ne tient pas compte des émissions de l’aviation, liées aux vols internationaux au départ ou à destination de la France. Donc le problème est que nous n’arrivons pas à diminuer de manière significative ces émissions de CO2 dans les transports, notamment pour atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) visant à réduire de 28% les gaz à effet de serre d’ici 2030.

Pourquoi ?

M.H. – Cette situation s’explique par de multiples raisons qui relèvent à la fois des difficultés à transformer un système de mobilité lié à notre modèle économique et qui renvoient aussi à des valeurs et des habitudes difficiles à faire évoluer. Par ailleurs, on observe un décalage entre les objectifs de l’action publique et les mesures prises pour atteindre ses objectifs.
Cette situation, elle crée un décalage avec les discours vantant la mobilité durable, verte ou propre, pour faire référence à des travaux menés par mes collègues Hélène Reigner, Thierry Brénac et Frédérique Hernandez. Donc, pour le moment, ce que l’on peut dire, c’est que ni l’électrification des véhicules, ni le développement des transports collectifs, assez importants quand même, ni même les récentes politiques en faveur du vélo en ville n’ont permis de diminuer significativement les émissions de CO2 dans le secteur des transports. Et même on peut dire que ces émissions continuent à progresser, c’est là où c’est inquiétant.

Alors autre chose, il ne faut pas raisonner uniquement en termes d’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi poser la question sociale de la mobilité et donc celle des inégalités qui renvoit à une question politique sous-jacente. La seule baisse notable par exemple des émissions de CO2 en France lors de ces vingt dernières années, elle est intervenue en 2020, suite aux restrictions de déplacement imposées pendant la pandémie de la COVID-19.
Mais cela pose de nombreuses questions : Quels sont les effets de cette période de restriction sur notre système de mobilité ? La réduction de nos déplacements est-elle la seule voie possible pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de CO2 ? Qu’est-ce que cela impliquerait pour les populations et les différents milieux sociaux concernés ? Donc dans un monde aux ressources, même de plus en plus limitées, faut-il organiser une régulation, un rationnement des mobilités et à quelle échelle : individuelle ou à l’échelle des territoires, celle des entreprises peut-être aussi ? Cette dernière question est au cœur d’un projet de recherche que nous avons mené avec des collègues du Lab’urba et du laboratoire LVMT à Paris, en partenariat avec le Forum Vies Mobiles.


> À suivre…

Le deuxième podcast tentera de répondre à la question :  comment concilier la dimension écologique des mobilités et leurs enjeux sociaux et économiques  …Rendez-vous jeudi prochain  !

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Triptyque – Laboratoire Triangle

Le vélo serait-il le symbole d’une société en crise ?

LLe vélo serait-il le symbole d’une société en crise ?

En selle !
Car nous poursuivons notre étude sur le vélo, sujet de notre triptyque. Dans ce deuxième podcast, nous allons découvrir comment ce dernier peut illustrer les sociétés de crise, et notamment les cas de crise énergétique.

Allez vous êtes prêts ? On enfourche de nouveau notre vélo et on part  avec Clément LUY, doctorant en études italiennes à Triangle dont le travail de thèse porte sur le cyclisme à l’époque du régime fasciste italien. 

> Écoutez le podcast :

> Lire la retranscription des propos de l’interview :

Nous avons appris précédemment que le cyclisme et le vélo étaient très populaires dans l’Italie fasciste, mais que le régime a longtemps hésité à promouvoir ces activités. A partir du milieu des années 1930, il y a un revirement : que se passe-t-il concrètement ?

Clément Luy – Oui, tout à fait, on a parlé dans le podcast précédent très rapidement du contexte de crise et de sanctions économiques qui expliquait ce changement rapide. Dès que ce choix est fait un peu par obligation, la production des industries italiennes est fortement encouragée et promue par la propagande, notamment lorsqu’elle permet de mettre en place des prix accessibles aux consommateurs parce que le vélo ça coûte quand même encore un peu cher. Les associations fascistes du temps libre, donc le Dopolavoro, que j’ai déjà évoqué la dernière fois, s’organisent pour avoir de plus en plus de promotions et de tarifs de groupe en quelque sorte pour l’achat groupé des vélos et du matériel. Mais la situation empire progressivement avec le début de la seconde guerre mondiale en 1939, l’État fasciste incite de plus en plus à se déplacer à vélo en exerçant un contrôle strict des prix de vente, qui va se transformer carrément en 1942 en un contrôle des modèles vendus qui doivent tous correspondre à un même « type » pour économiser des matières premières. Enfin, la taxe sur la circulation des vélos est abolie et les cyclistes sont mêmes autorisés à emprunter l’ensemble des routes, y compris les premières autoroutes jusqu’ici réservées aux voitures. C’est vraiment un symbole de l’échec des rêves de motorisation, de l’automobile portés par le fascisme.

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L’Etat contrôlait donc le prix de vente des vélos afin que la majorité des personnes puissent en acheter. Aussi, pourrait-on dire que c’est un peu comme aujourd’hui avec les aides financières  ?

C.L. – C’est difficile de faire un tel parallèle historique mais il est certain que dans les moments de crise, les vélos apparaissent comme un moyen de transport simple, économique, sûr et assez fiable pour les trajets du quotidien. C’est quelque chose que l’on retrouve à plusieurs occasions donc actuellement, comme tu l’as dit, mais aussi il y a cinquante ans, en 1973 au moment de la crise pétrolière où en Italie l’usage privé des automobiles est interdit le dimanche et les jours fériés, ce qui entraîne un retour des vélos sur les routes italiennes pour les promenades du dimanche. Là encore, en 1973, c’est un moment de crise qui incite à promouvoir le déplacement à vélo. Malgré ces parallèles, ces similitudes, les discours sont très différents, les raisons de promouvoir le vélo ne sont pas du tout les mêmes en 1940, en 1973 et aujourd’hui parce que les sociétés ont bien changé. Mais le point commun du « vélo bon pour la santé » peut être aussi souligné. Sinon, on est dans des contextes bien différents.

Donc, finalement, à chaque crise d’énergie est corrélé l’usage du vélo ?

C.L – En effet c’est arrivé à plusieurs reprises et dans plusieurs contextes pour plusieurs raisons différentes au XXe siècle.

Pourrait-on dire que le vélo peut être une ressource en cas de crise ?

C.L – On pourrait, parce qu’il y a une facilité à utiliser le vélo qui en fait un substitut utile à d’autres moyens de transport beaucoup plus coûteux et beaucoup plus énergivores. C’est vraiment un aspect qui est mis en avant dans les manuels d’utilisation du vélo, ou dans les articles de presse publiés en Italie au début des années 40 et à la fin des années 30. Et il n’est d’ailleurs pas impossible que justement quand les privations se terminent, donc à la fin de la seconde guerre mondiale, et au début des trente glorieuses du miracle économique italien dans les années 1950, on cherche très vite à remplacer le déplacement à vélo par le déplacement en vespa ou en mobylette justement pour oublier cette situation de crise passée. Le vélo reste symbole de pauvreté et de privations, ce que l’on peut voir par exemple dans le film « le voleur de bicyclettes » qui est sorti en 1948 : c’est pour ça que les Italiens cherchent très rapidement à trouver d’autres moyens de transport, au moins pour leurs déplacements du quotidien, comme la vespa, les mobylettes. Le cyclisme, lui en tant que sport amateur ou professionnel, reste très populaire, comme en témoigne les histoires des grands champions des années 1940 et 1950.

Mais aujourd’hui, nous pouvons aussi ajouter que l’utilisation du vélo peut s’avérer être une alternative quant à l’émission de CO2, et notamment en ville ?

C.L – C’est une évidence et c’est la nouvelle urgence à laquelle on fait face, et c’est pour cela que l’État, ou la mairie ou la métropole, et puis même les administrations interviennent pour soutenir l’usage du vélo. Bien entendu, cette urgence écologique est nettement moins présente dans les années 1930, 1940, elle est carrément absente. Et on voit ainsi régulièrement, que dans un contexte de crise, l’Etat et les administrations publiques sont à l’initiative, de mesures de soutien. Ainsi, c’était aussi le cas en Italie, à la fin des années 1930, avec toutes les interventions de l’État pour soutenir la production et faire baisser les prix pour les consommateurs. C’était une intervention qui était elle aussi nécessaire en raison de l’urgence de la situation. De la même manière, l’Etat est intervenu très fortement lors du choc pétrolier de 1973, avec cette interdiction dont j’ai parlé pour les voitures de circuler le dimanche ; ou maintenant en France, avec les aides financières dont tu as parlé. Ces différentes mesures évidemment sont toutes différentes car elles prennent en compte la spécificité des contextes historiques et des urgences auxquelles il faut faire face et puis elles sont aussi limitées par les marges de manœuvre de l’État.


Précédemment : le vélo, outil de propagande, loisir ?

> À suivre…

Le prochain podcast du triptyque consacré au vélo posera la question de la popularité de ce moyen de transport.

>> Pour en savoir plus :

Triptyque – Laboratoire Triangle

Le vélo : vecteur de propagande ? Loisir ou déplacement écologique ? Triptyque

LLe vélo : vecteur de propagande ? Loisir ou déplacement écologique ? Triptyque

En selle pour ce triptyque ! Pourquoi ? Parce qu’il est consacré au vélo !

Et dans ce premier podcast, nous allons découvrir comment il est devenu le moyen de locomotion le plus répandu en Italie, sous l’ère du fascisme.

Allez vous êtes prêts ? On enfourche le vélo et on part pour une balade historique avec Clément LUY, doctorant en études italiennes à Triangle dont le travail de thèse porte sur le cyclisme à l’époque du régime fasciste italien. 

> Écoutez le podcast :

> Lire la retranscription des propos de l’interview :

Pourquoi le cyclisme a-t-il vécu des heures de gloire sous l’ère du fascisme ?

Clément Luy – Je pense en effet que l’on peut vraiment parler d’un âge d’or, dans l’Italie fasciste comme dans la France des années 1930 pour le déplacement à vélo et le sport cycliste. Dans les journaux et revues de l’époque, le cyclisme est présenté comme le sport le plus populaire en Italie, au-delà même du football et de la boxe qui ont déjà une très bonne réputation. Les courses en tous genres attirent des milliers de personnes. Il y a une grande effervescence, de très nombreux clubs et associations cyclistes, partout en Italie et en particulier dans le Nord, des dizaines de courses sont organisées tous les week-ends, pour les cyclistes de tous les niveaux.

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Et en même temps, le vélo c’est aussi un moyen de transport pas cher ….

C.L. – Oui, c’est en train de devenir un des moyens de transport du quotidien. Entre 1922 et 1945, donc les années fascistes, il y a entre trois millions au début et jusqu’à six ou sept millions de vélos en circulation en Italie, d’après les statistiques que l’on peut trouver dans les livres d’histoire, c’est un nombre très important qui reflète le niveau de développement industriel et économique des différentes régions : il y en a moins dans le sud et dans les zones les plus reculées, les plus éloignées des villes du sud. A côté de cela, les voitures sont encore très rares, même si les dirigeants fascistes les préfèrent car elles sont plus modernes, et beaucoup plus rapides. Par conséquent, tant par sa présence dans la vie quotidienne que dans l’activité sportive, soit des amateurs de bas ou de haut niveau ou des professionnels, le cyclisme est bien présenté comme le sport le plus populaire ; l’activité a vraiment plein de formes différentes : du simple moyen de déplacement, jusqu’au sport amateur ou de haut niveau, ou à mi-chemin, l’activité cyclo-touristique avec toutes les excursions dans les collines, en montagne, dans les campagnes, très présente dans les organisations du régime comme le Dopolavoro qui est une organisation de loisirs, créée pour tous les travailleurs pour occuper des heures du temps libre.

Et comment l’Etat a poussé les individus à l’époque, à faire du vélo. Et surtout à en produire ?

C.L. Alors pour répondre précisément à cette question, il faut probablement distinguer deux périodes, ce qu’a très bien fait l’historien Stefano Pivato, un des grands spécialistes italiens du sport. Dans les années 1920 et au début des années 1930, le régime fasciste est plutôt méfiant envers le vélo, pour de multiples raisons : ça ne correspond pas à l’idéal de modernité et de vitesse qu’il met en avant, qui est réservée à la voiture, c’est un sport qui est trop connoté « populaire », voire parfois « de gauche » socialiste ou communiste pour le fascisme ; et puis le problème c’est que les courses cyclistes mettent en valeur le mauvais état des routes, au contraire de l’image de modernité que le fascisme veut donner de l’Italie pour développer le tourisme. Et puis le sport pour le régime fasciste ça a l’objectif de construire un homme nouveau, viril, fort musclé, or la morphologie du cycliste ne correspond pas vraiment à cette image, et à ce concept de musculature, contrairement à celle d’autres sportifs comme les boxeurs. Malgré tout, il n’y avait pas vraiment besoin de pousser les Italiens à faire du vélo, c’est déjà une activité pour se déplacer qui est considérée comme très pratique, très efficace et un sport très populaire, bien que les chiffres dont j’ai parlé soient en dessous de la moyenne européenne et en particulier dans le sud de la péninsule. Enfin, à partir de 1935 se développe un discours sur la nécessité d’équiper les Italiens en « bicyclettes autarciques » et de les faire pratiquer cette activité cycliste le plus possible.

Et pourquoi un tel revirement quant à l’approche du vélo ?

C.L. C’est pour plusieurs raisons historiques, l’Italie subit de plein fouet les effets de la crise économique de 1929 puis l’effet des sanctions diplomatiques décrétées par la France, la Grande Bretagne et la Société des Nations puisqu’elle a envahi l’Ethiopie en 1935-1936 contre toutes les règles du droit international fixées par la Société des Nations. Donc dans ces conditions, il y a beaucoup de restrictions, le rêve automobile s’évanouit et un grand travail est mené pour présenter le vélo comme le moyen de locomotion idéal : économique, peu consommateur de matières premières dont la rareté se fait sentir, fabriqué en Italie donc vraiment « autarcique ». Le régime fasciste promeut un discours en faveur du vélo qu’on voit dans les journaux, dans des publications, dans les discours politiques, et puis même dans les actualités cinématographiques, des sortes de premiers JT qui sont présentés au début des séances de cinéma. L’enjeu est de montrer que faire du vélo, c’est bon pour la santé et c’est être un vrai « patriote », mais aussi un autre enjeu de ce discours c’est de montrer que dans d’autres pays, il y a des privations similaires et que la situation italienne ressemble à celle d’autres pays.


> À suivre…

Restez en selle car le prochain podcast du triptyque vélo expliquera comment le vélo illustre les sociétés de crise…et notamment de crise énergétique.

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Triptyque – Laboratoire Triangle

Pollution de l’air : ces freinages qui nous étouffent

PPollution de l’air : ces freinages qui nous étouffent

Ce n’est pas un brouillard comme les autres. Derrière ses apparences de terme original, celui que l’on surnomme « smog » n’a rien de positif, bien au contraire. Inodore, il trotte au-dessus de nos têtes tel un cocktail dangereux, un mélange toxique de gaz et de particules fines en suspension. Un fléau de santé publique qui touche régulièrement les mégalopoles européennes. Dans le collimateur de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), ces particules qui tuent prématurément plusieurs millions de personnes chaque année dans le monde. À la source de ces polluants : l’industrie, les transports ou encore le chauffage, au bois notamment.

Avec la mise en place de nouvelles lois portées sur ces secteurs, la qualité de l’air en Europe s’est progressivement améliorée ces dernières années. Concernant le secteur des transports, un nouveau type de pollution, encore peu étudiée, préoccupe de plus en plus : celle générée par l’abrasion des freins des véhicules. Au sein du Laboratoire de Mécanique des Contacts et des Structures, le LaMCoS (1), la problématique est prise à bras de corps depuis plusieurs années.

Selon une étude publiée en 2022 par la revue médicale britannique « The Lancet Planetary Health », la pollution de l’air extérieur entraînerait chaque année dans le monde 4.2 millions de décès prématurés. En cause l’industrie, le chauffage au bois mais également le transport. Dans l’Union européenne, en 2021, on comptait près de 250 millions de véhicules particuliers (+6,5% par rapport à 2017) et près de 30 millions de « véhicules utilitaires » (8.6% par rapport à 2017) en circulation. Un trafic routier qui génère une importante pollution aux particules fines. Paradoxalement, la pollution de l’air générée par les échappements de ces véhicules a globalement baissé ces dernières années, à l’échelle de l’Union européenne, notamment sous la pression réglementaire et grâce à la généralisation des filtres à particules (FAP) devenus obligatoires depuis 2011 sur les moteurs Diesel neufs. Désormais c’est une autre problématique qui préoccupe les autorités sanitaires comme les scientifiques : la pollution hors échappement (PHE).

(…)

>> Rendez-vous sur le site point2bascule.fr pour :

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Parcourir le monde : mobilité agonistique et prestige des champions à l’époque impériale

PParcourir le monde : mobilité agonistique et prestige des champions à l’époque impériale

Une conférence présentée par

Madalina Dana, professeur d’histoire grecque à l’université Lyon 3, laboratoire HiSoMA – MOM

À l’époque impériale les cités de tout l’Orient grec s’empressent de créer des concours « internationaux », grâce aux privilèges accordés par les empereurs qui donnèrent souvent leur nom à ces agônes. Une foule d’athlètes se met, avec plus de vigueur encore qu’à l’époque hellénistique, à sillonner la terre habitée pour honorer l’invitation des cités fières de leurs compétitions. Il était certainement plus facile pour les grands centres agonistiques, grâce à leur réputation établie de longue date, d’attirer des concurrents prestigieux, mais les concours récents gagnent progressivement en importance, menant ainsi à une nouvelle configuration de la géographie agonistique, d’abord en Grèce, puis en Asie Mineure et dans des régions excentrées comme l’intérieur de l’Anatolie, la Syrie ou le Pont-Euxin. Ces circuits agonistiques se reflètent dans les palmarès des champions (récemment étudiés dans l’ouvrage monumental de Jean-Yves Strasser), qui nous donnent la clé du prestige de l’agôn, placé plus ou moins haut dans la hiérarchie des concours, mais aussi de leur propre prestige, mis en avant dans l’épigraphie civique et instrumentalisé parfois à des fins politiques et diplomatiques. Bien au-delà de leur réputation acquise dans les circuits agonistiques, ces champions, citoyens romains depuis leur naissance, représentent une élite de l’empire, célébrés et adulés dans tous les endroits qu’ils honorent de leur présence.

La conférence sera précédée par une visite du musée et de son exposition temporaire « Embarquement pour Délos » à 17h, limitée à 20 personnes.

Programme complet du cycle de conférences 2023-2024 en pdf

Scénarios pour le tourisme d’altitude de 2050

SScénarios pour le tourisme d’altitude de 2050

Projetez-vous dans le futur d’une montagne à +2°C, où l’enneigement s’amenuise, et qui réinvente son rapport au tourisme.

Anne Galienne et Laureline Chopard (agence Poprock) présentent certains résultats d’un travail de design fiction réalisé dans le cadre de la revue « Les Passeurs », pour imaginer ce que l’évolution de l’enneigement des domaines skiables changera pour l’aménagement du territoire et la vie en montagne. Chacun des trois scénarios sélectionnés est analysé et commenté :
  • La fin du tout skiLoïc Giaccone, journaliste environnement/science spécialisé montagne et adaptation au changement climatique ;
  • Les mobilités d’altitudes réinventéesÉtienne Faugier, historien, spécialiste des mobilités et du tourisme / Université Lumière Lyon 2, laboratoire d’études rurales ;
  • Le droit pour sauver l’environnement de montagneIsabelle Michallet, juriste en droit de l’environnement / Université Jean Moulin Lyon 3, laboratoire environnement – ville – société.

Pop’Sciences Forum, enregistré le 3 juin 2021 dans les jardins des Musées Gadagne.

 

Promesses et limites de la mobilité hydrogène | Vidéo Pop’Sciences

PPromesses et limites de la mobilité hydrogène | Vidéo Pop’Sciences

Sauver l’emploi en même temps que la planète, c’est la mission officielle de l’hydrogène, un gaz présenté comme la solution idéale pour verdir l’industrie et le transport tout en relançant l’activité industrielle. Mais l’hydrogène ne fera pas à lui seul la transition énergétique avertissent les experts : il n’est pertinent que pour un nombre limité d’usages.

4 janvier 2021

Entretien avec Bruno Faivre d’Arcier, professeur émérite au Laboratoire Aménagement Économie Transport (Université Lumière-Lyon 2 / ENTPE), enregistré dans le cadre du 7e numéro de Pop’Sciences Mag : ÉNERGIES. UNE TRANSITION A PETITS PAS

Pour aller plus loin, découvrez l’article de Cléo Schweyer  :

 

Quels transports pour l’après-Covid ?

QQuels transports pour l’après-Covid ?

Plus de vélos, moins de transports en commun, le transfert de mobilité suite au premier confinement semble avoir des effets durables sur notre façon de circuler. Pour Olivier Klein, chercheur en aménagement et urbanisme, même si la voiture individuelle résiste encore, la mobilité d’avant ne sera pas celle d’après… Pour CNRS Le Journal, il développe son analyse dans un podcast de la série « La parole à la science ».

Olivier Klein est enseignant-chercheur à École nationale des travaux publics de l’État, ingénieur des travaux publics de l’État, directeur adjoint du Laboratoire Aménagement, Économie, Transports et coporteur du projet Covimob, qui s’intéresse aux transformations des pratiques de mobilités dues à la crise sanitaire du Covid-19.

PETIT CAMPUS : une collection de contenus scientifiques vulgarisés pour le jeune public.

PPETIT CAMPUS : une collection de contenus scientifiques vulgarisés pour le jeune public.

À l’occasion de la Fête de la science, l’Université Gustave Eiffel a proposé aux élèves et leurs professeurs des ateliers animés par plusieurs de ses chercheurs, sur le thème de la nature. Trois ressources pédagogiques PETIT CAMPUS inédites, conçues pour l’occasion, ont servi de support aux collégiens pour préparer la rencontre avec le chercheur ou la chercheuse.

Afin de répondre à une véritable attente de la part des jeunes, l’Université Gustave Eiffel a souhaité rendre accessibles ses travaux scientifiques auprès de ce public, en créant la collection PETIT CAMPUS. Ses contenus vulgarisés, à partir des dossiers thématiques de l’Université Gustave Eiffel, s’accompagnent de vidéos, de jeux, et de ressources pour les enseignants. Des sujets technologiques, innovants, sociétaux y sont proposés, répartis en 4 thématiques : mobilités, infrastructures, risques et environnement et territoires. L’occasion de permettre aux jeunes de s’approprier ces sujets et de développer leur esprit critique.

 

Les ressources pédagogiques PETIT CAMPUS conçues à l’occasion de la Fête de la science :

 

©EPICTURA

Ces ateliers ont été proposés dans le cadre de la Fête de la science 2020

Retrouvez toutes les ressources PETIT CAMPUS

Retrouvez les autres activités de la Fête de la science 2020 à revivre depuis chez vous