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Semaine de l’industrie 2024 : Emmanuel Macron a-t-il eu un moment saint-simonien ?

SSemaine de l’industrie 2024 : Emmanuel Macron a-t-il eu un moment saint-simonien ?

Au cœur de l’œuvre de Saint-Simon, l’industrie occupe une place centrale. Alors que débute la Semaine de l’industrie, dans quelle mesure Saint-Simon a-t-il inspiré la politique d’Emmanuel Macron ? Retour sur la pensée d’un auteur français majeur trop méconnu. Saint-Simon y apparaît comme un penseur de l’économie, du social, mais aussi du politique. Ni libéral, ni socialiste, mais terriblement moderne.

En mai dernier, le 7ᵉ sommet Choose France 2024 a rappelé les nombreuses mesures en faveur de la réindustrialisation mises en œuvre par l’État : fiscalité attractive, investissements dans l’innovation avec France 2030, dans l’industrie verte et dans les compétences, délais d’implantation des sites industriels réduits, simplification et numérisation des procédures… De son côté, la semaine de l’industrie qui se déroule du 18 au 24 novembre 2024 a pour objectif de faire naître des vocations chez les jeunes en changeant leur regard sur l’industrie et ses métiers grâce à l’organisation d’événements sur l’ensemble du territoire national.

L’an prochain la mission des commémorations nationales de l’Institut de France a décidé d’honorer la mémoire du philosophe et économiste Claude-Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon (1760-1825), philosophe, économiste et militaire français. Ce dernier est aussi le fondateur du saint-simonisme, une école de pensée qui eut un impact considérable dans le développement économique de la France et de ses colonies jusqu’au point de qualifier le XIXe siècle de siècle des saint-simoniens. Certains ont vu dans le président Emmanuel Macron le reflet de la pensée de Henri de Saint-Simon. En témoigne selon ces auteurs la volonté qui semble venue de Saint-Simon de liquider les réalités anciennes afin de leur substituer, sur tous les plans, un « nouveau monde » fluide, ouvert, sans identités ni barrières, afin que rien ne vienne gêner le mouvement perpétuel des individus et des biens qu’exige la mondialisation. Mais qu’en est-il vraiment ?

L’entreprise et l’industrie sacralisées

Henri de Saint-Simon souhaitait laïciser le politique, poursuivant ainsi le travail des Lumières et de la Révolution, sans pour autant sacraliser l’État. La nouvelle force qui se substitue à l’arbitraire du pouvoir politique c’est l’industrie. La nouvelle force qui se substitue à l’inégalité des ordres nobiliaires, c’est le travail. La manifestation de la force du travail et de l’industrie est la construction d’infrastructures d’intérêt public maillant dans leur réseau le territoire national.

C’est l’entreprise qui se trouve sacralisée en tant que nœud conférant au système sa solidité, sa résistance et son adaptabilité. Saint-Simon ne va pas concevoir une religion politique autour de la figure de l’État, mais une religion industrielle autour de la figure de l’Entreprise. La problématique à laquelle répondent ses écrits est la suivante : « comment occuper le vide créé par la critique de la religion et de l’État associé ? »

Abeilles contre frelons

La doctrine politique qu’il fonde est l’industrialisme qui n’est ni le libéralisme ni non plus le socialisme de certains de ses disciples comme Pierre Leroux. Ce qui pour Saint-Simon définit l’industrie c’est l’activité de production utile qu’elle soit théorique ou pratique. L’industrie forme un seul et vaste corps dont tous les membres se répondent et sont pour ainsi dire solidaires. Saint-Simon donne une définition très large de l’industriel : l’agriculteur, le savant, l’artiste, ou le banquier sont des industriels dans la mesure où ils contribuent à la production de richesses contrairement aux oisifs que sont les hommes politiques, les légistes, les nobles, les religieux, les fonctionnaires ou les militaires.

Les industriels sont les « abeilles » opposées aux « frelons ». Ce ne sont pas des consommateurs, mais des producteurs de biens et de services matériels satisfaisant les besoins des membres de la société. Par le travail, la classe industrielle qu’ils constituent est en contact direct avec la nature et produit toutes les richesses par son travail.

Ni libéral, ni socialiste

Saint-Simon à partir de 1821 soulignera combien le libéralisme n’est pas l’industrialisme. Le parti libéral vise un changement d’hommes à l’intérieur du système féodalo-militaire, comme l’a montré la Révolution avec l’exercice du pouvoir par les légistes et les métaphysiciens coalisés, alors que le parti industrialiste vise le changement du système social. La conception libérale de l’égalité est formelle et arbitraire alors que la conception industrialiste évalue l’utilité productive concrète et mesurable de chacun.

L’industrialisme de Saint-Simon est un utilitarisme moral qui valorise les productions pour leur contribution utile à la société. L’industrialisme consacre la valeur du travail créateur de richesses et célèbre la classe des travailleurs. Saint-Simon a pour objectif « d’améliorer le plus possible le sort de la classe qui n’a point d’autres moyens d’existence que le travail de ses bras ». L’amélioration du sort de la classe des travailleurs, la « classe la plus pauvre », passe par l’expansion des entreprises qui accroissent l’offre de travail. Le projet d’émancipation des hommes doit être achevé par la libération des forces productives propriétaires des outils et détentrices des capacités.

La critique du consommateur oisif

L’entreprise est identifiée à la modernité, au Nouveau Monde que Saint-Simon avait découvert en 1779 en Amérique et au système social à venir. Saint-Simon célèbre l’industrie contre les Églises et le vieil appareil étatique du système féodal et militaire. Il identifie société et industrie, conformément au traité d’économie politique de J.B. Say qui nomme « entrepreneur d’industrie, celui qui entreprend de créer pour son compte, à son profit et à ses risques, un produit quelconque ». La société légitime est formée des « hommes industrieux ».

La glorification de l’industriel producteur va de pair avec la dénonciation de son terme opposé, le consommateur non producteur. Saint-Simon instaure un clivage majeur interne dans l’ordre temporel selon le critère du travail productif : plus que la propriété, c’est le travail qui démarque les gouvernants des gouvernés. La société légitime est celle de l’industrie et de la production définie par le travail ; la société illégitime est pour l’essentiel installée dans et autour de l’État, ce sont les purs parasites non producteurs qui vivent de la rente publique.

Saint-Simon intègre dans le social le clivage production/consommation de l’économie politique classique. Ce clivage lui permet d’identifier la seule fonction utile du gouvernement, à savoir la protection de l’industrie : il doit empêcher les fainéants de voler le travail des industriels. Le gouvernement rend un service à la société en veillant à la sécurité de ceux qui produisent, mais il reste ambivalent. Soit il est analysé du point de vue de l’Industrie et il est son nécessaire gardien, soit il est analysé comme pouvoir politique, et il devient arbitraire et inutile : « La matière du gouvernent c’est l’oisiveté ; dès que son action s’exerce hors de là, elle devient arbitraire, usurpatrice et par conséquent tyrannique et ennemie de l’industrie ».

Un pouvoir réduit de l’État

En fait la politique nouvelle visée par Saint-Simon est une économie politique, voire une économie du politique qui dépasse la division entre économie et politique telle qu’elle est définie par Jean-Baptiste Say. En même temps qu’il politise l’industrie, Saint-Simon dépolitise le gouvernement réduit à un simple service : son approche de l’économie est politique et celle de la politique est économique. La vérité du politique est dans la science et la science de la production.

La science politique positive n’est pas une théorie du pouvoir, comme chez Machiavel, mais de la définition des intérêts généraux de la société. Le pouvoir de l’État est très réduit, car il est exclu du pouvoir spirituel qui revient aux intellectuels qui produisent les connaissances de leur temps, il est limité au pouvoir temporel de protection des industriels. Le politique est expulsé du pouvoir de l’État, pour s’incarner dans le travail productif, matériel ou intellectuel. C’est la société et non le gouvernement « qui seule peut savoir ce qui lui convient, ce qu’elle veut et ce qu’elle préfère ». Saint-Simon désacralise l’État et le pouvoir politique au profit de la société et de l’industrie.

Ainsi pouvons-nous voir une résurgence de cette influence saint-simonienne non seulement dans sa « politique de l’offre » du président Emmanuel Macron, mais aussi dans la chasse à l’oisiveté qu’il mène en lançant en janvier 2024 l’« acte II d’une loi pour la croissance » et une nouvelle réforme du marché du travail.The Conversation

> L’auteur :

Patrick Gilormini, Economie & Management, UCLy

Cet article est republié sous licence Creative Commons.

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Amérique latine : ruptures politiques récurrentes, inégalités sociales persistantes | The Conversation

AAmérique latine : ruptures politiques récurrentes, inégalités sociales persistantes | The Conversation

Les pays d’Amérique latine connaissent régulièrement des alternances politiques mouvementées, qui à la fois s’inscrivent dans les dynamiques sociales en cours sur le continent et les influencent. Un ouvrage collectif qui vient de paraître aux Presses de l’Université de Rennes, Alternances critiques et dominations ordinaires en Amérique latine, s’efforce d’éclairer l’entrelacement entre le politique et le social, à travers neuf enquêtes mêlant approches « par le haut » et « par le bas ». Nous vous proposons ici un extrait de l’introduction, où les quatre spécialistes ayant dirigé cette publication expliquent les interrogations à l’origine du livre et les méthodes employées pour y apporter des réponses.

Depuis la Révolution cubaine de 1959, l’Amérique latine est souvent pensée à travers les évènements et faits d’armes les plus spectaculaires qui jalonnent son histoire politique. Vastes mobilisations protestataires et insurrections, guérillas et révolutions, coups d’État et dictatures militaires rythment les dernières décennies.

En Europe, en partie du fait d’un rapport à la région pétri d’un « exotisme familier » (c’est-à-dire où la proximité linguistique et plus généralement culturelle tend à donner l’illusion d’une meilleure prise sur les réalités du terrain), les représentations les plus ordinaires de la politique latino-américaine sont souvent bien plus tranchées que s’agissant d’autres régions du monde. Entre le poids des certitudes et la force des émotions, les bouleversements réguliers des scènes politiques outre-Atlantique déchaînent les passions et polarisent les discours politico-médiatiques, militants et académiques.

À partir du milieu des années 1990, dans un contexte de luttes contre des gouvernements néolibéraux, cette dialectique de fascination-répulsion s’est intensifiée. Ces luttes ont pris de multiples visages : des résistances indigènes centre-américaines à celles des pays andins en passant par les paysans Sans-terre brésiliens, les combats des chômeurs (piqueteros) et travailleurs argentins ; de la fondation de communautés zapatistes du Chiapas (Mexique) aux processus constituants et « révolutions » se réclamant du « socialisme du XXIe siècle » (Venezuela, Bolivie, Équateur), en passant par la démocratie participative à Porto Alegre (Brésil). Populistes sinon autoritaires pour les uns, démocrates et émancipateurs pour les autres, les mouvements associés au « tournant à gauche » des années 2000 ont ainsi suscité des réactions contrastées. À partir de 2015, on a assisté à un « virage à droite » qui a entraîné son lot de réactions symétriquement inverses.

Enfin, ces dernières années, d’immenses mobilisations féministes (Argentine, Chili) et des protestations antigouvernementales multiformes ont émaillé la région (Venezuela, Nicaragua, Chili, Équateur, Bolivie, Colombie). Ce contexte de polarisation a reconduit les politiques et médias européens dans leur enclin à la romantisation ou au dénigrement des acteurs politiques latino-américains du moment.

Au demeurant, force est de constater que malgré la fréquence des reconfigurations partisanes et des entreprises charismatiques prétendant conjurer une instabilité économique et politique chronique, la région reste des plus inégalitaires et violente au monde. Les injustices de classe, les tensions raciales et les violences patriarcales se perpétuent. Ainsi, par-delà les multiples formes qu’emprunte le politique, les structures sociales de domination demeurent relativement stables. C’est là le constat paradoxal qui est au fondement de nos réflexions.

Identifier et penser ensemble alternances critiques et dominations ordinaires

Si la recherche en sciences sociales n’est pas toujours étanche à la polarisation suscitée par la politique latino-américaine, elle a pu suivre deux tendances analytiques principales pour interpréter les évolutions régionales des dernières décennies.

La première donne une place centrale à la caractérisation de la nature des régimes politiques. Depuis les années 1980, les « transitions démocratiques » et « sorties de conflit » ont fait l’objet de travaux sur les transformations des institutions qui les accueillent, la qualité ou stabilité de leurs « performances » et les adaptations des populations au rôle de citoyen actif dans de nouvelles démocraties, plus ou moins libérales.

À partir des années 2000, une série d’analyses « par le haut » se sont penchées sur les crises et les alternances vécues dans différents pays, les cadres sociaux produits par les réformes néolibérales des années 1980 et 1990, l’arrivée de gouvernements progressistes au pouvoir à la suite d’une vague de mouvements sociaux, les « populismes ». À l’étude de modes de gouvernance « progressistes » devenus de moins en moins pluralistes – voire autoritaires –, a succédé celle des retours des droites dans certains pays et de leur très grande hétérogénéité, de ses variantes libérales plus classiques aux formes plus conservatrices ou réactionnaires, sinon fascisantes. Si ces travaux informent sur les variables et tendances macrosociologiques qui traversent ces sociétés, ils peuvent écraser, sous le poids de catégories générales (et en particulier celles de classification de régimes), la complexité de phénomènes dont les logiques dépassent celles des soubresauts politiques conjoncturels.

Une deuxième perspective de recherches explore plutôt les différentes évolutions politiques, économiques et sociales des sociétés latino-américaines à partir de l’observation d’acteurs non institutionnels et au moyen d’une approche « par le bas ». Si ces analyses ne prétendent pas faire l’économie de l’étude du champ politique et de son influence sur la société et son devenir, elles se préoccupent avant tout d’observer de près des dynamiques construites par d’autres acteurs, en général sous les angles de la « participation » et des mobilisations collectives protestataires. Il s’agit là d’un éventail large et pluriel de travaux qui s’emploient à saisir le gouvernement du social, ses résiliences et mutations, à partir de ses expressions hétérogènes dans l’expérience concrète de groupes pour la plupart dominés. Ces analyses tendent toutefois à ne pas prendre parti – ou seulement implicitement – quant à la théorisation de l’évolution des structures de domination. La montée en généralité est d’autant plus difficile que les terrains dits « subalternes » sont souvent cantonnés à des productions monographiques. L’un dans l’autre, on assiste souvent à une validation tacite des cadres analytiques macrosociaux préexistants en termes de classification de régimes et, par extension, de leur superposition avec les clivages gauche/droite et des biais qu’ils tendent à reproduire.

Ainsi, s’il nous apparaît nécessaire de prendre appui sur ces traditions de recherche, c’est avec l’objectif de les questionner et de les approfondir conjointement. On constate en effet que les sociétés de la région font régulièrement l’expérience d’alternances gouvernementales que l’on peut qualifier de critiques. Critiques, d’abord, au sens où celles-ci sont communément assimilées à des ruptures plus ou moins radicales avec le passé, qu’elles prennent la forme de « refondations » ou de « durcissements de régime », « révolutions » ou « contre-révolutions ». Critiques, ensuite, car ces alternances ont très souvent lieu à la suite de moments de crise politique plus ou moins intense, quand des leaders et gouvernements nouvellement élus prétendent traduire, aménager ou au contraire conjurer les revendications protestataires qui ont émergé au cours des crises. Critiques, enfin, parce qu’en certains cas elles débouchent assez rapidement sur de nouvelles crises ouvertes.

Or, quelles que soient les formes qu’elles aient revêtues, ces alternances critiques n’ont que marginalement affecté les logiques ordinaires d’exploitation et de domination dans la région. Quoique selon des modalités et avec des temporalités diverses d’un pays à l’autre, on constate la reproduction de structures économiques et sociales profondément inégalitaires, dans lesquelles l’accumulation de richesses par les uns produit l’exclusion des autres. Aussi, ces continuités ont pu prendre place au sein de cadres juridicopolitiques de moins en moins pluralistes. Il s’agit là d’une dynamique qui transcende largement les clivages partisans entre gouvernants des pays de la région.

Cet extrait est issu de « Alternances critiques et dominations ordinaires en Amérique latine », sous la direction de Fabrice Andréani, Yoletty Bracho, Lucie Laplace et Thomas Posado. Éditions des Presses universitaires de Rennes

Pour une approche pluridisciplinaire et ethnographique des alternances et dominations

Pour saisir les alternances critiques et leurs relations aux dominations ordinaires, une approche pluridisciplinaire et empirico-inductive basée sur une recherche de terrain de type ethnographique est essentielle. Différentes traditions de recherches en sciences sociales peuvent être mobilisées pour parvenir à cette fin : les travaux portant sur l’analyse des régimes politiques, des crises et des transformations institutionnelles, les recherches sur l’État et les politiques publiques, les travaux sur les organisations politiques et l’action collective dans ses diverses expressions syndicales et contestataires, les recherches sur les inégalités et leurs conséquences quotidiennes sur individus, les groupes sociaux et les espaces.

Plusieurs disciplines, dont les frontières divergent selon les pays et dans le temps, ont un apport significatif sur plusieurs de ces thématiques sur les terrains latino-américains. Pour certaines, ces thématiques renouvellent leurs recherches, à l’instar de l’anthropologie, de l’histoire, de l’économie, du droit au travers de questions de recherche somme toute très proches, voire parfois au travers d’approches interdisciplinaires qui décloisonnent les savoirs et les compétences. Le point de rencontre entre ces différentes disciplines, qui permet de proposer un regard pluridisciplinaire sur les alternances critiques et les dominations ordinaires en Amérique latine est la pratique de l’ethnographie en tant que méthode de recherche.

En effet, les divers travaux réunis dans cet ouvrage se construisent à partir d’enquêtes de terrain dans lesquelles les différents chercheurs ont observé et parfois participé à construire les dynamiques sociales qu’ils se sont proposé d’étudier. Si la relation au terrain est une question centrale, c’est aussi la manière dont elle pèse sur le choix des catégories d’analyse et la définition des problématiques de recherche qui nourrit la réflexion collective. Ainsi se pose la question de la circulation de méthodologies et de connaissances. Les manières d’entrer et d’exister sur le terrain de part et d’autre de l’Atlantique dialoguent entre elles pour saisir ce que le politique fait au social.

Enfin, notre attention toute particulière aux dominations ordinaires est pour partie nourrie par l’approche intersectionnelle. Conscients des croisements des diverses formes de domination, et des spécificités de chaque forme d’hybridation possible des minorations par la classe, la race et le genre, nous concevons les dominations ordinaires comme agissant en système, tout en étant dépendantes de contextes spécifiques. Dans ce sens, les diverses expectatives propres aux périodes de crise et d’alternance politique sont une variable importante pour la compréhension des évolutions de ces phénomènes de domination, d’altérisation et de minoration.The Conversation

> Les auteur.e.s

Fabrice Andréani, Doctorant en science politique Univ. Lyon 2 (Triangle). Chargé de cours, AUP & Paris 8, Université Lumière Lyon 2 ;

Lucie Laplace, étudiante en science politique – Amérique latine – migrations, Université Lumière Lyon 2 ;

Thomas Posado, maître de conférences en civilisation latino-américaine contemporaine, Université de Rouen Normandie ;

Yoletty Bracho, maîtresse de conférences contractuelle en science politique, Université d’Avignon

Cet article est republié sous licence Creative Commons.

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The Conversation

Rome et les autres…

RRome et les autres…

Lugdunum musée et théâtre Romain vous invite à assister à la conférence captivante qui explore les relations complexes entre l’Empire romain et les peuples qu’il a rencontrés, conquis, et intégrés.

Les Romains ont été très tôt confrontés à une multitude de peuples différents. Comment sont-ils parvenus à faire d’une pluralité une unité durable ?

À la différence des Grecs, qui distinguaient l’espace politique de celui des combats, les Romains ont établi une continuité entre les deux.
Association, intégration, pluralisme et mobilité, l’analyse de ces pratiques permettent de mieux comprendre leur conception de la cité, d’interroger les raisons de leur succès et la place de l’Autre dans l’Empire.

Intervenante : Claudia Moatti, professeur émérite à l’Université Paris 8, Professor of Classics and Law, University of Southern California

>> Pour plus d’information, rendez-vous sur le site : 

Lugdunum Musée et Théâtres Romains

La manifestation des autres

LLa manifestation des autres

L’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon vous invite à l’exposition : La manifestation des autres, imaginée par l’artiste Sophie Lamm dans le cadre de la soutenance du Diplôme supérieur de recherche en art — DSRA — au sein de l’unité de recherche Art contemporain et temps de l’histoire — ACTH .

L’exposition collective présente les œuvres d’artistes de générations différentes partageant une attention particulière aux autres et la création de formes qui, avec des approches diverses, répondent à l’im-pensée, au surgissement de ce qui pour l’artiste est au seuil de l’atelier.

L’exposition a été pensée comme un éclairage sur ce qui dans la pratique picturale est souvent abordé comme une énigme, résultat d’une confrontation complexe de l’auteur avec des sources se référant à de multiples images déjà produites comme à des faits sociaux et politiques.

Sophie Lamm revisite dans sa recherche la notion de métamorphose, présentée dans l’ouvrage anthropologique, poétique et politique Masse et Puissance d’Elias Canetti, pour étudier et rendre intelligible la relation qui se noue entre l’élaboration de sources et le travail de stratification de la matière peinte et sa qualité organique propre.

Elle construit le dialogue avec les œuvres des artistes convoqués à partir de deux projets se situant au départ et à la conclusion du parcours de recherche au sein de l’unité Art contemporain et temps de l’histoire : l’installation La Ronde à l’intérieur, (2020), œuvre produite par le Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA avec le soutien de CDA-Développement et du Programme Résidence en entreprises du ministère de la Culture et la dernière série de peintures À la mémoire des sans noms.

Remerciements : Galerie Papillon (Paris), IAC-Institut d’art contemporain (Villeurbanne), Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA (Bordeaux), pour les prêts d’œuvres accordés.

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ENSBA

Législatives : le mode de scrutin actuel est-il juste ? | The Conversation

LLégislatives : le mode de scrutin actuel est-il juste ? | The Conversation

C’est un sujet qui revient avec chaque élection nationale en France, qu’il s’agisse de la présidentielle ou des législatives. Le mode de scrutin actuel, appelé « scrutin majoritaire uninominal à deux tours », est-il juste ? Des deux côtés de l’échiquier, Marine Le Pen (RN) et Jean-Luc Mélenchon (LFI) estiment que ce mode de scrutin n’est plus compatible avec le « pluralisme de notre vie politique ».

En 1947 déjà, Michel Debré déclarait dans son ouvrage La mort de l’état républicain :

« Nous considérons volontiers, en France, le mode de scrutin comme un mécanisme secondaire. C’est une erreur, une erreur grave[…]. Le mode de scrutin fait le pouvoir, c’est-à-dire qu’il fait la démocratie ou la tue. »

Nous ne pouvons qu’être d’accord avec M. Debré, l’un des rédacteurs de notre constitution et chacun pressent qu’effectivement le mode du scrutin est tout sauf neutre dans la détermination de qui est élu.

En tant que chercheurs, nous nous efforçons de comprendre les propriétés, au sens mathématique, des différents modes de scrutins. En tant que citoyens, nous sommes persuadés d’un réel débat autour de cette question pourrait permettre de remobiliser nos concitoyennes et concitoyens autour de la question électorale, fondamentale à notre démocratie.

Le scrutin majoritaire à deux tours : cet outil archaïque

S’il permet de dégager un ou une gagnante à chaque fois, le « scrutin majoritaire uninominal à deux tours », ne présente pas que des propriétés positives.

La grande qualité de ce scrutin est, comme son nom l’indique, de dégager une majorité de votants en faveur du vainqueur. Majorité absolue dans le cas de l’élection présidentielle, éventuellement majorité relative dans le cadre de triangulaire lors des législatives, mais à chaque fois majorité tout de même.

Mais cette majorité ne tient pas compte de la minorité : avec ce système un candidat peut être élu à la majorité absolue même si son programme est jugé très négativement par 49,9 % des électeurs. En ce sens, cette « tyrannie de la majorité », comme le dit Alexis de Tocqueville, peut mener à l’élection de candidats très clivants : convaincre une moitié des électeurs (plus un) suffit, quitte à se faire détester par l’autre moitié.

Cette caractéristique forte se double de plusieurs défauts : le premier d’entre eux est qu’il peut nous pousser à « voter utile » plutôt que de voter pour notre candidat favori : à quoi sert de voter pour un candidat qui ne sera pas au deuxième tour ? A rien ! Donc autant voter dès le premier tour pour son meilleur choix parmi les candidats qui ont des chances de se qualifier.

Souhaite-t-on vraiment un moyen d’expression démocratique qui incite fortement les votants à ne pas être sincères ? Un autre défaut bien connu est que le résultat du scrutin majoritaire à deux tours peut dépendre de la présence ou non de « petits » candidats. Par exemple, lors de l’élection présidentielle de 2002, la présence de plusieurs autres candidats de gauche au premier tour a vraisemblablement fait qu’il a manqué à Lionel Jospin les quelques centaines de milliers de voix qui lui auraient permis d’être qualifié au deuxième tour et, peut-être, de gagner l’élection. Souhaite-t-on vraiment un mode de scrutin qui soit si sensible aux manœuvres politiques ?

Et ce ne sont pas les seuls défauts du scrutin majoritaire à deux tours. D’autres peuvent être trouvés dans notre ouvrage « Comment être élu à tous les coups ? » publié chez EDP Sciences.

Mais c’est une chose de dire que le scrutin majoritaire à deux tours n’est pas un bon mode de scrutin, c’est autre chose de trouver le « meilleur » mode de scrutin. Depuis les travaux de Borda et Condorcet au XVIIIe, de nombreux chercheurs se sont penchés sur ce problème en proposant de non moins nombreux modes de scrutin, tous imparfaits. En 1951, l’économiste américain Kenneth Arrow semble mettre un terme à tout espoir en démontrant un théorème (dit d’impossibilité) indiquant que tout mode de scrutin ne pourra jamais vérifier de manière simultanée un petit ensemble de propriétés pourtant souhaitables. En ce milieu de XXe siècle, il semble que le mode de scrutin parfait n’existe pas et que les mathématiques ont tué la démocratie.

Les modes de scrutin basés sur des évaluations : nouvel eldorado ?

Cependant, Arrow ne parlait que des modes de scrutins utilisant des ordres de préférence, c’est-à-dire les modes de scrutin basés sur les classements des candidats (du plus apprécié au moins apprécié) par chaque électeur. Mais il existe une autre catégorie de modes de scrutin, qui utilise des évaluations : chaque votant peut donner une « note » ou une appréciation à chacun des candidats. L’avantage de ce mode de scrutin ? Disposer d’une information plus complète et souvent plus nuancée des votants sur les candidats.

Deux familles de modes de scrutin basés sur les évaluations se distinguaient jusqu’à présent :

  • les modes de scrutin « à la moyenne » (le « range voting », le vote par approbation) : le candidat élu est celui dont la moyenne des évaluations est la plus élevée.
  • Les modes de scrutin « à la médiane » (le « jugement majoritaire » et autres variantes) : le candidat élu est celui dont la médiane des évaluations est la plus élevée.

Le plus simple d’entre eux est le vote par approbation, chaque votant donne une voix à tous les candidats qu’il juge acceptables (l’échelle des évaluations est alors réduite au minimum : 0 : inacceptable, 1 : acceptable). Le candidat élu est celui qui reçoit au total le plus de voix. C’est exactement ce qui se passe lorsque l’on participe à un « doodle » : parmi des dates proposées, les votants choisissent celles leur convenant et la date la plus choisie l’emporte ! Ça serait très simple à mettre en pratique dans notre vie politique : il suffirait de permettre aux votants de glisser autant de bulletins différents qu’ils le désirent dans leur enveloppe (ou en d’autres termes de prévoir un « doodle » à 40 millions de lignes…).

Notons que ces modes de scrutin utilisant des évaluations ne sont plus sensibles au vote utile et que le vainqueur ne dépend plus de la présence ou de l’absence d’un autre candidat proche de lui dans l’élection. Ils vérifient en outre l’ensemble des propriétés souhaitables défini par Arrow !

Nous avons récemment proposé, avec Irène Gannaz et Samuela Leoni, un formalisme unificateur pour ces modes de scrutin, soit une manière de voir chacune de ces méthodes comme une variante particulière d’une unique méthode de vote.

Dans une configuration où chaque votant donne une note à chaque candidat, chaque votant peut être représenté dans l’espace par un point dont les coordonnées sont ses évaluations données aux candidats. Un exemple pour une élection avec trois candidats est illustré dans la figure suivante : chaque axe représentant un candidat et chaque point un votant, les évaluations entre -2 et 2 ont été générées au hasard pour cette figure :

Représentation graphique d’un système de vote par note pour 3 candidats. | ©Antoine Rolland

L’idée sous-jacente commune à tous ces derniers modes de scrutin est de repérer le point le plus « au centre » du nuage de points des évaluations (en rouge sur la figure), de le considérer comme le votant « type », et de déclarer élu son candidat préféré.

Ce formalisme permet de proposer un modèle général pour les modes de scrutin utilisant les évaluations (range voting, vote par approbation, jugement majoritaire, etc.), mais aussi d’ouvrir la voie à de nombreux autres modes de scrutin, inconnus jusqu’alors. À chaque définition de point le plus « au centre » du nuage (et il y en a beaucoup !) est alors associé un mode de scrutin différent.

Les modes de scrutin par évaluations sont bien meilleurs d’un point de vue logico-mathématique. Sociétalement parlant, ils permettraient de privilégier les candidats plus consensuels.

À nous, société civile et citoyenne, de nous saisir de cette question pour redevenir acteur/actrice de notre destinée démocratique commune. Comme disait G. Bernanos : « On n’attend pas l’avenir comme on attend un train, l’avenir, on le fait. »The Conversation

> Les auteurs : Antoine Rolland, Maitre de conférence en statistique, Université Lumière Lyon 2  

et Jean-Baptiste Aubin, Maître de conférence en statistique, INSA Lyon – Université de Lyon

Cet article est republié sous licence Creative Commons.

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L’art dans tous ses états | Scène 27

LL’art dans tous ses états | Scène 27

Pour son dernier événement de la saison, la Scène 27 vous donne rendez-vous le 27 juin pour aborder cette thématique grâce à des ateliers artistiques, au jeu Point of View et à un débat grand format dans une ambiance décontractée et bienveillante ! L’occasion de remettre en question sa vision du sujet et de rencontrer de nouvelles personnes autour d’un verre.

L’art est omniprésent dans nos vies : que ce soit par notre propre processus créatif en écrivant, dansant, innovant, ou dans la construction de notre identité à travers toutes les œuvres (musicales, visuelles ..etc) qui nous influencent et nous façonnent chaque jour.

Toutes ces créations artistiques provoquent des émotions, des aspirations ou encore des actions sociétales.  L’art peut faire débat lorsqu’il devient politique, on s’en sert alors parfois de propagande ou d’outil de dénonciation.

Il est le reflet de problématiques sociales quand son accès est inégalitaire, que les IA sont capables de remplacer les artistes, ou lorsqu’il est question de distinguer ou non l’œuvre de l’artiste.

Finalement l’art est un domaine universel, constituant chaque culture, influençant chaque époque historique et en créant une connexion entre des personnes du monde entier. 

Le programme : 

  • 19h – 21h : IMMERSION – Jeu P.O.V / Stand partenaires
  • 20h30 – 22h : L’AGORA – Grand débat version Scène27
  • 22h – 23h30 : L’AFTER – Concert et débat chill

>> Pour plus d’information, rendez-vous sur le site :

Scène 27

 

De l’émeute à l’épuisement, expériences de l’extrême en politique | Cycle « Penser critique »

DDe l’émeute à l’épuisement, expériences de l’extrême en politique | Cycle « Penser critique »

La question des émotions fait désormais partie des critères d’analyse des contestations sociales et politiques. C’est cette question, jusqu’alors assez inédite dans l’étude des mouvements sociaux, qui sous-tend les travaux de Romain Huët depuis plusieurs années.

Une conférence sur les expériences de l’extrême en politique à partir des ouvrages Le vertige de l’émeute et De si violentes fatigues de Romain Huët.

Intervenant : Romain Huët est maître de conférences en Sciences de la communication à l’université de Rennes 2 et chercheur au PREFICS (Pôle de Recherche Francophonies, Interculturel, Communication, Sociolinguistique).

Pour en savoir plus :

Penser critique

Festival Mode d’emploi 2023

FFestival Mode d’emploi 2023

Les débats contemporains vous intéressent ? Vous vous posez des questions, vous voulez vous engager dans la discussion, tenter de formuler des solutions ? Le festival des idées Mode d’emploi, conçu et réalisé par la Villa Gillet est le rendez-vous à ne pas manquer ce mois de novembre !

Des ateliers, des rencontres auront lieu dans toute la Métropole de Lyon avec un trentaine de philosophes, politistes, sociologues, anthropologues, des scientifiques et des journalistes pour explorer les mondes en transition en interrogeant : les cadres politiques et juridiques de nos démocraties, les circonstances dans lesquelles perdurent les inégalités, les possibilités offertes par la réinvention de notre rapport au vivant, les évolutions des modèles de travail, les transformations à l’œuvre dans de nombreux pays du monde de Cuba à l’Allemagne en passant par la Turquie, l’Ukraine ou encore le Mexique.

Tout le programme sur le site de la Villa Gillet :

Festival Mode d’emploi

Festival Mode d’emploi 2023

Les grands témoins | Les 50 ans de l’Université Jean Moulin

LLes grands témoins | Les 50 ans de l’Université Jean Moulin

À l’occasion de son 50e anniversaire, l’Université Jean Moulin propose une série de conférences « Les grands témoins » mettant en lumière des sujets d’actualité et éclairant le débat sur des questions sociétales.

PProgramme

  • Être magistrat en temps de crises | Jeudi 21 septembre 2023 à 18h30

Intervenant : François Molins, Procureur général honoraire près la Cour de Cassation.

Conférence animée par : Pascale Deumier, professeure à la Faculté de Droit et Éric Carpano, Président de l’Université Jean Moulin.

Lieu : Palais de l’Université – Amphithéâtre Roubier – 15 quai Claude Bernard, Lyon 7e .

> Inscription obligatoire en cliquant ici

 

  • La protection de l’environnement dans le prétoire | Jeudi 5 octobre 2023 à 17h30

Intervenante : Corinne Lepage, avocat, ancienne ministre.

Conférence animée par : Philippe Billet, professeur à la Faculté de Droit et Jean Untermaier, professeur émérite

Lieu : Palais de l’Université – Amphithéâtre Roubier – 15 quai Claude Bernard, Lyon 7e .

> Inscription obligatoire en cliquant ici

 

  • Projection du documentaire « Bigger than us » – Sélection officielle Cannes 2021 | Jeudi 5 octobre 2023 à 17h30

Réalisatrice : Flore Vasseur

La projection sera suivie d’une table-ronde.

Intervenants :

– Chloë Vidal, adjointe au Maire de Lyon, Démocratie locale et redevabilité, évaluation et prospective, vie étudiante,

– Amélie Bohas, maître de conférences, iaelyon School of Management, Responsable transition écologique,

– Valérie Revest, professeur des Universités, iaelyon School of Management, Responsable de la valorisation de la recherche, en charge des grandes conférences de l’iaelyon School of Management

Lieu : Manufacture des Tabacs – Amphithéâtre Malraux – 18 rue Rollet, 69008 Lyon.

> Inscription obligatoire en cliquant ici

 

  • Rencontre littéraire | Jeudi 19 octobre 2023 à 18h

Intervenante : Brigitte Giraud, écrivaine, Prix Goncourt 2022

Animée par : Benoît Auclerc, chargé de mission à la Culture et enseignant à la Faculté des Lettres et Civilisations

Lieu : Bâtiment Athéna – Amphithéâtre Quinet – 7 rue Chevreul, Lyon 7e

> Inscription obligatoire en cliquant ici

 

  • Réussir la transition écologique | Mardi 24 octobre 2023 à 18h

Conférence inaugurale de l’École universitaire de la transition écologique.

Intervenant : Cédric Vilani, professeur à l’Université Claude-Bernard Lyon 1, Médaille Fields 2010

Rencontre animée par : Gilles Bonnet, 1er vice-président de l’Université Jean Moulin en charge du conseil d’administration, du pilotage et de la stratégie numérique

Lieu : Manufacture des Tabacs – Amphithéâtre Malraux – 18 rue Rollet, 69008 Lyon.

> Inscription obligatoire en cliquant ici

 

  • L’intelligence artificielle est-elle une charité ensorcelée ? | Jeudi 26 octobre 2023 à 18h30

Intervenant : Jean-Gabriel Ganascia, professeur des universités à la Faculté des Sciences de Sorbonne Université, ancien président du Comité d’éthique du CNRS.

Lieu : Palais de l’Université – Amphithéâtre Roubier – 15 quai Claude Bernard, Lyon 7e.

> Inscription obligatoire en cliquant ici

 

  • Une histoire du conflit politique. Élections et inégalités sociales en France | Mercredi 15 novembre 2023 à 18h

Intervenants : Thomas Piketty et Julia Cagé, économistes

Conférence organisée en partenariat avec : la Villa Gillet dans le Cadre du Festival Mode d’Emploi 2023.

Lieu : Manufacture des Tabacs – Amphithéâtre D – 18 rue Rollet, 69008 Lyon.

> Inscription obligatoire en cliquant ici

Enregistrement réalisé à l’occasion du 50e anniversaire de l’Université Jean Moulin Lyon 3. L’université avait proposé une série de conférences intitulée « Les grands témoins » mettant en lumière des sujets d’actualité et éclairant le débat sur des questions sociétales.

 

Le débat sur la valeur travail est une nécessité | The Conversation

LLe débat sur la valeur travail est une nécessité | The Conversation

Débattre de la notion de travail devrait questionner la centralité même de ce dernier dans nos vies par rapport à d’autres enjeux, comme la famille, l’intime, la place du politique.
Sarah CHai/Pexels, CC BY-NC-ND

La question du travail est au cœur de questions brûlantes d’actualité telles que la réforme des retraites, l’utilisation industrielle de l’intelligence artificielle ou bien encore la remise en cause du modèle productiviste.

Paradoxalement ces multiples interrogations sur les évolutions concrètes du travail ont lieu au moment même où le travail continue à être présenté comme une valeur morale indiscutable et cela de la gauche à la droite de l’échiquier politique.

Tout se passe comme si les débats nécessaires sur les transformations de la place du travail dans notre quotidien étaient limités voire empêchés par un consensus non interrogé, une doxa, sur la centralité indépassable du travail pour avoir un revenu, pour s’émanciper, pour créer de la solidarité, etc.

Et pourtant accepter de débattre sur la place du travail dans la société de demain est sans doute un préalable à toute bifurcation nous permettant de remédier à la triple crise économique, démocratique et écologique que nous vivons.

DDéfinir l’espèce humaine

Le travail, activité visant à transformer son environnement, peut être perçu comme l’élément qui définit la spécificité humaine. L’homme en créant par le travail les conditions de son existence se différencie ainsi de l’animal soumis aux aléas de la nature. Simultanément le travail comme effort pour aller au-delà de soi-même est perçu comme un moyen d’émancipation. Dans ces conditions, le travail comme valeur morale reste central alors même que le travail comme activité économique n’obéit plus à la même nécessité qu’autrefois du fait de l’évolution technologique.

Déjà l’ouvrier spécialisé a été remplacé par la machine dans de nombreuses entreprises et nous sommes aujourd’hui avec l’intelligence artificielle au début de questionnements quant à l’avenir des activités intellectuelles. Cette tension entre la raréfaction du besoin de travailler pour produire de la richesse économique et le consensus autour de la nécessité de travailler et l’une des sources, dans nos sociétés, de dégradation de l’emploi (défini comme du travail rémunéré).

Faute d’envisager une diminution drastique du temps de travail et de décorréler obtention d’un revenu et emploi, nous assistons à une lente dégradation de la qualité et de l’intérêt du travail : précarisation, parcellisation des tâches, etc.

Cela se traduit par des phénomènes comme «les bull shit jobs» mis en évidence par l’anthropologue David Graeber, le «quiet quitting» (faire le minimum dans l’emploi qu’on occupe), la souffrance au travail, ou la grande démission. Cela participe aussi à l’opposition des Français au report de l’âge de la retraite et à la montée d’un ressentiment vis-à-vis des élites économiques mais aussi politiques ce qui alimente la crise démocratique.

LLe travail contre la démocratie ?

Certains, qui ont la chance d’exercer des métiers intéressants et rémunérateurs semblent défendre la dimension émancipatrice du travail alors que, dans les faits, ce qu’ils défendent réellement c’est l’obligation faite à des personnes peu qualifiées d’accomplir des tâches pénibles et non porteuses de sens qu’ils ne veulent pas accomplir.

Homme triste avec cravate
Aujourd’hui, on assiste à une colonisation du temps consacré à l’activité économique sur les autres temps sociaux.
Andrea Picquadio/Pexels, CC BY-NC-ND

Ce phénomène, que le philosophe André Gorz nomme «dualisation salariale» est dangereux pour la démocratie car il éloigne l’horizon d’égalité. Cette dualisation salariale se couple avec l’idée de subordination propre à tout contrat salarial. Pour le dire autrement, on défend l’idée morale d’un travail émancipateur qui se traduit par un contrat salarial producteur d’inégalités et réducteur d’autonomie.

Or la démocratie est auto nomos (autonomie) la capacité à faire et défaire collectivement les normes qui nous gouvernent comme le rappelait Cornélius Castoriadis.

ÊÊtre libéré du travail pour participer à l’activité essentielle : la politique

En effet, la valorisation morale du travail semble une donnée intemporelle, naturelle, alors que dans la Grèce antique, quand on parlait de valeur on discutait du beau, du bien ou du vrai mais pas du travail. D’ailleurs, ainsi que le soulignait la philosophe Hannah Arendt, il fallait même être libéré du travail pour participer à l’activité essentielle : la politique

Aujourd’hui, au contraire, à travers le télétravail on assiste à une colonisation du temps consacré à l’activité économique sur les autres temps sociaux.

Ce temps consacré à l’économique est d’autant plus important que nous sommes rentrés dans une économie de l’attention qui occupe une large part de nos loisirs. Cette temporalité hégémonique du travail et de la consommation correspond à ce que Karl Polanyi (1983) nomme une société de marché, c’est-à-dire une société qui n’est plus régulée par des lois délibérées mais par les règles de l’échange marchand. De ce fait, nous avons de moins en moins de temps pour vérifier les informations, pour remettre en cause des évidences, pour construire sereinement dans la délibération des désaccords féconds. Cela dans une période où il nous faut pourtant prendre le temps d’inventer des solutions collectives pour aller vers une société plus résiliente et écologique.

VValeur travail ou soutenabilité écologique, il faut choisir

L’impératif moral d’avoir une activité productive rémunérée fait passer au second plan l’utilité sociale et écologique de la production. Autrement dit, nous sommes dans une société où on ne travaille plus pour produire plus mais où on produit plus pour pouvoir être en mesure de travailler plus.

Ainsi, produire plus d’automobiles ne permet pas d’aller plus vite et d’être plus libre, cela crée des embouteillages et de la pollution ce qui créera de nouveaux marchés nécessitant plus de travail dans l’invention et la production de véhicules plus rapides ou plus écologiques. Nous pouvons faire référence à Ivan Illich qui montrait dans La convivialité et cela dés 1973, que l’automobile ne permettait pas de se déplacer plus vite qu’en vélo mais qu’elle créait, au nom du progrès et la croissance, de la dépendance.

Mini-bus, van, bicyclette
Peut-on imaginer une société plus conviviale sur le modèle proposé par le penseur Ivan Illich?
Pexels/Elviss Railijs Bitāns, CC BY-NC-ND

Or ce paradoxe est catastrophique pour l’écologie. Il n’est pas possible d’avoir une croissance infinie sur une planète finie. Pour préserver les conditions d’habitabilité de la planète, il semble nécessaire de produire moins et donc accepter de travailler moins. Comment ? Dans quel secteur ?

RRemettre en question la place centrale du travail

Pour que ce débat ait lieu, il faudrait débattre de la valeur travail et remettre en cause sa centralité. Or ce débat n’est pas simple car il renvoie, tout d’abord, à des questions débattues mais qui n’ont pas, pour l’instant, trouvé de réponses consensuelles.

La première, mise en évidence à l’occasion de l’épisode de Covid-19, est celle de la juste rémunération des tâches. Les tâches socialement les plus utiles – celle du care notamment – sont pourtant parmi les moins rémunératrices.

La seconde, ouverte par les débats autour du RSA en France et plus généralement du revenu d’existence en Europe, est celle du découplage du lien entre emploi et revenu.

Cette seconde question entraîne une troisième, celle de la répartition des tâches collectives ingrates si elles ne sont plus assurées par des personnes soumises à des conditions de travail dégradées. Mais ce débat est complexe aussi parce qu’il renvoie à des thèmes non débattus dans l’espace public.

Le premier est celui de la justice distributive (à chacun selon ses mérites). Le droit de vivre doit-il découler de l’effort productif ou du respect de la dignité humaine ? Dans le premier cas, chacun doit apporter une contribution au collectif, dans le second chacun est libre de sa (non) participation. Le deuxième est celui de la valeur économique. Aujourd’hui, l’économie se fonde sur l’idée que la création de richesses repose sur la création de valeur qui elle-même repose sur l’utilité. C’est-à-dire en définitive sur les désirs des individus. Tant que quelque chose répond à un désir humain quelconque il doit être produit. Conception qui engendre de la croissance mais pas nécessairement de l’utilité sociale et de la soutenabilité écologique.

En réalité, le débat sur la valeur travail est à la fois nécessaire et difficile à mettre en place car il vise à remettre en cause la primauté de l’économique sur le politique, le social et l’écologique. Débattre de la valeur travail c’est, au fond, débattre de «ce à quoi nous tenons».

 

Article publié sur The Conversation le 13 juin 2023

Éric Dacheux, Professeur en information et communication, Université Clermont Auvergne (UCA) et Daniel Goujon, Maître de conférences en sciences économiques, Université Jean Monnet, Saint-Étienne

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.