LLes épidémies : le rôle des Etats et des institutions Connaissez-vous les épidémies zoonotiques ? Dans ce troisième et dernier podcast dont le triptyque est consacré aux épidémies zoonotiques, c’est à dire les épidémies dont l’origine est le passage d’un virus de l’animal à l’homme, nous allons nous questionner sur le rôle de l’Etat et des institutions. Pour en parler, nous sommes toujours avec Frédéric LE MARCIS, professeur d’anthropologie à TRIANGLE et à Trans VIHMI (à l’ Institut de recherches pour le développement)> Écoutez le podcast :https://popsciences.universite-lyon.fr/app/uploads/2025/04/tri7-3_frederic-lemarcis.wav> Lire la retranscription des propos de l’interview :Pourquoi pensez-vous qu’il est essentiel de se préparer à ces épidémies ?Frédéric le Marcis – Comme anthropologue, je ne prétends pas avoir un rôle « prescriptif » mais j’observe que la préparation aux épidémies est une démarche sociale et culturelle que l’on retrouve dans toutes les sociétés. J’en décrit les pratiques et les conséquences, j’essaie d’en interroger les logiques. Depuis toujours, les hommes ont cherché à se protéger des risques, tout en leur donnant un sens. Prenez les sacrifices, les prières, l’isolement, ou encore la quarantaine : ces pratiques mêlent souvent des logiques savantes et morales.La préparation à la gestion du risque épidémique ne concerne pas seulement tel ou tel État car nous vivons dans un monde interconnecté. Ton épidémie est mon épidémie pourrait-on dire. Ce n’est pas nouveau. : rappelez-vous la grippe espagnole de 1918 à 1921, qui a touché jusqu’à 5 % de la population mondiale, plus loin la peste dites justinienne qui touche l’empire romain au 6e siècle. Et que dire des virus apportés par les Occidentaux qui ont bouleversé les populations amérindiennes lors de la conquête des Amériques ?© PixabayQuel est le rôle des institutions internationales dans les crises épidémiques ? Et jouent-elles bien leur rôle ?F.L.M. – Aujourd’hui, la différence réside dans l’implication des institutions transnationales comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Center for Disease Control (CDC) d’Atlanta, ou encore des ONG comme Médecins Sans Frontières (MSF) et ALIMA.Elles sont engagées dans la preparedness dans un paradigme One Health et de santé globale. One Health (penser la santé dans ses dimensions humaines, animales et environnementales) et global Health : la gestion des problèmes de santé ne peut se limiter aux frontières des états. Par ce que les pathogènes circulent, parce que c’est moralement difficile de regarder nos voisins mourir sans rien faire, mais aussi parce que c’est un marché à conquérir (tests, machines diagnostiques, médicaments). D’ailleurs à ce sujet, comment peut-on évaluer économiquement, financièrement l’impact d’une épidémie au niveau mondial, au niveau d’un pays ?F.L.M. – Les économistes le font, ils disposent des outils pour cela, pas l’anthropologie. Mais les impacts sont massifs. Pour le VIH-Sida, dans les premiers temps de l’épidémie certains pays africains ne déclaraient pas leur cas pour ne pas impacter l’industrie touristique qui occupait une place importante dans leur économie, à l’époque coloniale en cas d’épidémie de fièvre jaune, l’administration fermait les frontières et interdisait la circulation des biens entre région. Déjà les commerçants s’élevaient contre ces mesures ! Par exemple j’ai retrouvé des courriers de commerçants français demandant la levée de l’interdiction de circulation de pinasses entre Bamako (Mali) et Kankan (Guinée) pendant une épidémie de fièvre jaune en raison de l’impact sur leur activité. Les mêmes problèmes se sont posés pendant Ebola ou pendant le COVID. Hervé Péléraux, Mathieu Plane, Raul Sampognaro, économistes estiment qu’en France, au premier semestre 2020, le confinement avait conduit à une baisse de 18,9 %. Mais à côté de l’impact direct sur l’économie, il faut également mesurer l’impact social et psychologique. On sait par exemple que les jeunes ont payé un lourd tribu psychologique au confinement… Il faut là aussi retenir que l’impact du covid n’est pas le même selon les pays et qu’au niveau des individus il diffère en fonction du statut socio-économique. Le confinement n’a pas le même impact selon que vous le vivez depuis votre maison secondaire ou dans un petit appartement, il est négociable si le télétravail vous est possible, etc…Et quel rôle jouent les États ?F.L.M. – Les États n’ont pas tous les mêmes moyens pour faire face aux crises. Prenons l’exemple de la France. L’Agence Nationale de Recherche sur le Sida (ANRS) fondée pour répondre aux enjeux de l’épidémie de sida en 1988 est devenue ANRS-MIE (Maladie Infectieuses Emergentes) dans la foulée de la première épidémie d’Ebola en 2021. Cette agence de l’INSERM structure et finance des recherches dans le monde entier dans le but de surveiller les risques, (par exemple les mutations du covid), pour développer des vaccins ou des molécules afin de traiter les maladies. Ces recherches s’accompagnent de formations dispensées aussi dans les pays moins avancés et de la mise en place de réseaux de laboratoires (et donc de la vente de machine, de la fourniture d’intrants, de SAV). Elles sont également suivi du soutien à la mise en place de structures opérationnelles pour organiser la surveillance. En Guinée, par exemple, des structures comme l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSS) ou les plateformes One Health regroupent des experts en santé humaine, animale et environnementale pour prévenir et répondre rapidement aux risques. Mais leur action dépend largement du financement de bailleurs internationaux.Des carrières scientifiques et politiques se construisent dans le cadre de cette industrie.Peut-on aussi voir une épidémie comme une épreuve pour le pouvoir ?F.L.M. – Une épidémie est aussi un test pour le pouvoir, qu’il soit politique ou médical. Gouverner dans un régime démocratique, c’est préserver la vie, et les crises épidémiques viennent menacer cette capacité.Que nous apprennent les épidémies sur la longue durée ?F.L.M. – D’abord, qu’elles ne sont pas uniquement une affaire de zoonoses. Elles prospèrent dans des contextes sociaux et politiques spécifiques : absence de systèmes de santé efficaces, inégalités, déplacements accrus de biens et de personnes. Au lieu d’accuser les victimes pour des pratiques jugées propice aux zoonoses (consommation de viande de brousse par exemple), ce que nous apprend l’étude dans la longue durée de la vie avec les virus c’est que les populations développent des savoirs et des pratiques, qu’elles ne sont pas ignorantes du risque mais qu’elles le négocient en fonction d’enjeux qui sont aussi sociaux et moraux. Il y a là une leçon à retenir quand nous sommes prompts à placer nos espoirs dans l’unique technologie vaccinale pour lutter contre une épidémie sans agir au préalable sur la faiblesse du système de santé et ses inégalités, sans se rappeler qu’on ne fait pas la guerre au virus mais qu’on négocie avec lui, y compris la possibilité de vivre avec lui comme des êtres sociaux. Dans ce contexte la preparedness ne peut se faire sans la population, encore moins contre elle. Se préparer c’est aussi apprendre à tenir compte des contextes spécifiques dans lesquels les zoonoses ont lieu et qui favorisent le développement des épidémiesEnfin une dernière leçon de l’expérience épidémique est celle d’une négociation.Plutôt que de déclarer la “guerre” au virus, peut-être faut-il envisager une négociation : apprendre à vivre avec, comme des êtres sociaux. Se préparer, ce n’est pas seulement développer des vaccins ou des médicaments. C’est aussi comprendre les contextes spécifiques qui favorisent les épidémies, agir sur les inégalités et impliquer les populations. Après tout, une épidémie, c’est une affaire collective. Alors, que pouvons-nous faire pour mieux nous préparer ensemble ?Précédemment : comment l’histoire peut aider à se préparer aux épidémies ?> À suivre…Notre triptyque concernant les épidémies s’achève …Rendez-vous jeudi prochain pour un tout nouveau sujet !>> Pour en savoir plus :Triptyque – Laboratoire Triangle
EEpidémies : comment la mémoire collective peut nous aider à mieux les gérer ? Connaissez-vous les épidémies zoonotiques ? Les épidémies zoonotiques sont des épidémies dont l’origine est le passage d’un virus de l’animal à l’homme et vice versa.Dans ce deuxième podcast, dont le triptyque aborde les épidémies zoonotiques, nous allons découvrir comment la perspective historique, la mémoire collective peuvent aider à mieux gérer les épidémies aujourd’hui. Pour en parler, nous sommes toujours avec Frédéric LE MARCIS, professeur d’anthropologie à TRIANGLE et à Trans VIHMI (à l’ Institut de recherches pour le développement)> Écoutez le podcast :https://popsciences.universite-lyon.fr/app/uploads/2025/04/tri7-2_frederic-lemarcis.wav> Lire la retranscription des propos de l’interview :Comment l’histoire influe dans notre rapport au virus ?Frédéric le Marcis – L’histoire nous rappelle qu’il ne suffit pas d’un virus pour créer une épidémie. Il faut des configurations sociales, biotiques (liées aux êtres vivants) et matérielles particulières. Merrill Singer a désigné cette articulation par le terme « écosyndémie ». En d’autres termes, les épidémies sont le produit de conditions systémiques complexes.L’histoire montre aussi que les humains vivent avec les virus depuis toujours. Ils négocient avec eux et en ont une mémoire. Cette mémoire, pourtant, est souvent ignorée dans le cadre de la « preparedness ». Elle pourrait pourtant enrichir notre manière de comprendre et de répondre aux risques épidémiques.Comment interroger cette histoire dans des contextes où les traces écrites manquent ?© PixabayF.L.M. – Cette question est très importante, surtout dans des contextes où comme en Guinée, l’absence de système de santé depuis l’époque coloniale jusqu’à une période récente, et plus largement les inégalités qui le caractérisent, ne permettent pas de documenter ces épidémies. En l’absence d’expansion (liée à la présence de circuits commerciaux, de moyens de transports accrus et plus rapides) ces épisodes épidémiques n’ont pas été diagnostiqués ni pris en charge par les systèmes de santé biomédicaux et sont restés inconnus aux yeux du reste du monde.Pourtant, différentes traces sont disponibles pour peu qu’on y prête attention. C’est ce que permet l’anthropologie. Comme anthropologue m’intéressant aux expériences épidémiques, à leur origine et aux moyens déployés pour y répondre je me suis intéressé à une épidémie qui a eu lieu dans les années 80 dans la région de Madina Oula. A l’époque pas de système de santé dans cette sous-préfecture pour diagnostiquer, soigner. 150 personnes décèdent. Nous sommes encore sous le régime du premier président Sékou Touré qui refuse à l’époque que l’on communique sur l’épidémie. Une équipe sovieto-guinéenne décrit après coup l’épidémie (à la suite d’une enquête rétrospective de séroprévalence permettant d’apprécier la présence d’anticorps au sein de la population) mais une seule publication aura lieu 7 ans après, soit après le décès de Sékou Touré. La publication rapporte que les chercheurs ont identifié des anticorps de Lassa et Ebola. A l’issue de ces premiers travaux, la région est devenue un haut lieu de la recherche sur les fièvres hémorragiques et sur les réservoirs. Une nouvelle épidémie de Lassa y a été décrite dans les années 2000, mais plus aucun cas d’Ebola n’y a été décrit, même lors de la première épidémie de 2014.A partir de ce constat j’ai cherché à collecter le souvenir de l’épidémie de 1980 avec deux objectifs :Comprendre les conditions d’émergence de cet épisode épidémiqueDécrire les modalités locales d’y faire faceEtudier la mémoire de cette épidémie et ses effets dans le présentPour ce faire j’ai puisé dans différentes sources :Dans les archives coloniales : j’y ai retrouvé la description de la signature du protectorat à la fin du 19e et sécurisation de routes commerciales et donc les conditions politiques et économiques de cette signature. J’y ai également retrouvé les traces de maladies épidémiques non identifiées et se répandant le long des routes nouvellement créé (et décrites succinctement par des infirmiers indigènes : peu formés, pas équipés.Dans les récits individuels et collectifs de l’épidémie de 1980 : dans les familles affectées par la maladie, chez des survivants qui décrivent des symptômes et désignent le mal mais aussi dans le paysage. Dans certains villages on peut encore voir en brousse les cimetières dédiés au traitement des morts dues aux épidémies qui sont considérées comme de mauvaises morts ; On se rappelle également des pratiques de protection contre le mal (prières, invocations, isolation). L’étude de ces modalités permet de comprendre sur quelles bases les populations s’appuient au présent face à une épidémie (et de sortir d’une lecture consistant à accuser les victimes pour leur ignorance).Dans les corps à l’échelle moléculaire : dans le cadre d’une collaboration avec des chercheurs de l’unité TransVHIMI de l’IRD et des chercheurs guinéens en santé publique et en virologie nous avons mis en place une enquête de séroprévalence qui a montré la présence importante d’anticorps contre les fièvres hémorragiques au sein de la population de Madina Oula.J’ai aussi travaillé sur l’expérience des recherches qui ont suivi l’épidémie de 1980. Pour ce faire j’ai retracé le travail d’un épidémiologiste de terrain, Kémoko Condé. C’est lui qui a collecté les données et interagit avec les habitants de Madina pour comprendre l’épidémie. Je ne l’ai jamais connu mais l’accès à ses archives personnels et le souvenir vivace qu’il a laissé dans la région m’ont permis de mieux matérialiser le fait que pour les habitants de Madina Oula, on vit avec les virus. Un film « A la recherche de Kémoko » relate cet aspect de mon travail. Il a été réalisé par Christian Lallier et Mélodie Drissia Tabita du Lab’af, le Laboratoire d’Anthropologie Filmée. Et concrètement, ces enquêtes peuvent aider à se préparer comment ?F.L.M. – En nous incitant à dépasser une réponse uniquement technologique par le regard posé sur la mémoire épidémique en population. Les populations ont une expérience épidémique, elles ont développé des manières d’y répondre, d’en faire du sens. Plutôt que de lutter contre les populations en « faisant la guerre au virus » comme aiment à le dire les politiques (on se souvient du discours martial des politiques imposant confinement et vaccination), ces enquêtes permettent de souligner les potentialités d’une collaboration avec les populations pour négocier avec les virus. Ce faisant on pourrait rendre plus démocratique la réponse aux épidémies et ce faisant réduire les résistances observées et la défiance des populations face aux autorités sanitaire en période de pandémie.Précédemment : comment se préparer aux épidémies ?> À suivre…Notre prochain podcast questionnera le rôle de l’Etat et des institutions …Rendez-vous donc jeudi prochain.>> Pour en savoir plus :Triptyque – Laboratoire Triangle
EEpidémies : peut-on s’y préparer ? Triptyque Connaissez-vous les épidémies zoonotiques ?Avec ce nouveau triptyque, nous allons essayer de comprendre les épidémies zoonotiques…sous le regard d’un anthropologue. Les épidémies zoonotiques sont des épidémies dont l’origine est le passage d’un virus de l’animal à l’homme et vice versa. C’est le cas par exemple de la COVID, de la grippe, des maladies à orthoebolavirus comme Ebola ou encore de la fièvre hémorragique Crimée-Congo dont le réservoir est la tique hyalomma marginatum qui d’ailleurs s’est répandue rapidement dernièrement dans le sud de l’Europe. Dans ce premier podcast, nous allons aborder la préparation à ces épidémies, comment aujourd’hui nous les traitons à la différence d’hier. Pour cela, nous partons en Afrique et Roumanie avec Frédéric le Marcis, professeur d’anthropologie à Triangle et à Trans VIHMI (à l’ Institut de recherches pour le développement)…Et vous allez découvrir pourquoi.> Écoutez le podcast :https://popsciences.universite-lyon.fr/app/uploads/2025/04/tri7-1_frederic-lemarcis.wav> Lire la retranscription des propos de l’interview :Vous avez mené des recherches de longue date en Guinée. Vous venez aussi d’entamer de nouvelles enquêtes dans le delta du Danube, en Roumanie. Pourquoi ? Qu’est-ce qui relie ces deux terrains et oriente vos recherches ?Fréderic le Marcis – Depuis la pandémie de Covid, nous avons pris conscience, à l’échelle planétaire, de la menace que représente pour nous, humains, le passage de virus depuis des réservoirs animaux vers l’homme. Cette réalité pourtant n’est pas nouvelle : nous vivons depuis toujours avec des maladies qui traversent les frontières entre espèces. Pensez, par exemple, au VIH, dont l’origine est un virus présent chez les primates, ou à la grippe, dont le réservoir animal sont les oiseaux et les cochons.Ce qui est nouveau, ce sont les dispositifs mis en place pour répondre à ces risques. Ils relèvent de ce qu’on appelle la « preparedness », ou préparation. Elle est fondée sur la certitude que de nouvelles zoonoses surviendront, et confiante dans les capacités technologiques pour y faire face.Pourquoi tant de confiance est accordée aux capacités technologiques pour y faire face ?F.L.M. – La science est appelée par le politique à l’éclairer, à lui permette de comprendre et de répondre aux problèmes posés par les épidémies. On parle de médecine et de politique fondés sur les preuves. Face aux incertitudes que sont les épidémies, les progrès technologiques sont rassurants et entretiennent l’espoir que les Humains peuvent maîtriser le vivant (et ce malgré les mises en causes de l’expertise scientifique associées à la circulation massive d’information sur les réseaux sociaux). On peut citer les avancées des technologies de diagnostique comme le test virologique RT-PCR (nous en avons tous fait lors de la Covid, l’analyse passait par un prélèvement nasopharyngé. Le test RT-PCR est un test sensible et spécifique qui permet d’exprimer le gêne ciblé même s’il est présent en petite quantité). Les progrès de la modélisation permettent d’anticiper le développement d’une épidémie et d’en comprendre la dynamique (et donc de légitimer l’action). Un autre aspect est le développement de réponses thérapeutiques et préventives comme les vaccins, extrêmement rapide pour la covid.En conséquence, la « preparedness » englobe des dispositifs de surveillance, de diagnostic et de réponse aux épisodes épidémiques. Cette notion remonte à la guerre froide aux États-Unis (cf. Andrew Lakoff). Elle inclut aussi des scénarios construits à partir d’épidémies passées, sur lesquels les États et les acteurs sanitaires basent leur préparation. C’est le cas, par exemple, de l’académie de l’OMS qui vient d’ouvrir ses portes à Lyon.Ce qui m’intéresse, en tant qu’anthropologue, c’est de comprendre ces dispositifs : qu’est-ce qu’ils disent de notre manière de comprendre le risque ? Comment y faisons-nous face ? En analysant ces dispositifs, j’examine leurs implications sociales et politiques, leurs implicites et leurs limites.© PixabayD’accord. Aussi, pourquoi avoir choisi d’étudier la Guinée et la Roumanie ?F.L.M. – Ces deux pays offrent des perspectives différentes mais complémentaires sur la « preparedness ». En Guinée, l’épidémie d’Ebola de 2014-2016 a été un moment charnière. Cette épidémie, la plus importante jamais enregistrée en Afrique de l’Ouest, a fait plus de 11 000 morts officiels dans la région (Guinée, Liberia, Sierra Leone). Elle a révélé aux pays du Nord qu’ils n’étaient pas à l’abri de ces maladies, et elle a profondément transformé la manière dont la Guinée gère les risques épidémiques.Quant à la Roumanie, elle constitue un cas différent. Ce pays est situé aux confins de l’Europe, une sorte de « buffer zone » ou zone tampon entre une Europe du Nord supposée à l’abri et un Sud où des maladies comme la fièvre hémorragique de Crimée-Congo (CCHF) sont actives. La tique « Hyalomma marginatum », réservoir de ce virus, est présente en Roumanie, et des traces d’anticorps ont été détectées chez les ovins. Pourtant, aucun cas humain n’y a encore été signalé.Cela permet d’observer des frictions entre les politiques de « preparedness » de l’Union européenne et les réalités locales.Lesquelles ?F.L.M.- Par exemple, en Guinée les programmes internationaux soutiennent le développement de réseaux de laboratoire de diagnostic et forment aux nouvelles technologies (ce qui dans l’absolu est très bien), mais le focus sur ces domaines de pointe se fait alors que le système de santé ordinaire (je pense par exemple à la qualité de la prise en charge des accouchements, à celle du diabète ou en général aux maladies non transmissibles) est défaillant. Cela crée de grandes inégalités. On peut également mentionner la pression exercée en Guinée pendant la pandémie de Covid à vacciner contre la maladie quand localement la population souffrait en premier lieu de la rougeole en raison de campagnes de vaccination insuffisantes. L’agenda vaccinal global vise à gérer le risque pour les pays occidentaux les plus développés plus qu’à répondre aux questions posées dans le domaine sanitaire dans les pays les moins avancés,En Roumanie, surveiller un risque pose des questions géopolitiques et de souveraineté nationale. Ici l’UE attend de la Roumanie qu’elle joue un rôle de rempart, d’alerte face au risque d’émergence. Cependant assumer ce rôle pour la Roumanie c’est accepter de prendre le risque de mettre à mal son économie. La Roumanie possède le troisième cheptel ovin de l’Europe. Elle est le 5e exportateur européen (elle exporte principalement vers les pays du golfe, le Maghreb puis l’Italie, la Bulgarie et la Grèce). Accentuer la surveillance d’un virus qui pour l’heure n’est pas visible, représente localement un risque plus grand que le virus lui-même. Par ailleurs cette invisibilité est aussi le produit d’inégalités sociales : les personnes les plus exposées sont les populations rurales, comme les bergers. Or elles ont peu accès au dépistage ou aux soins.Vous avez mentionné que les politiques de « preparedness » sont récentes. Pourtant, l’apparition de zoonoses n’est-elle pas un phénomène ancien ?F.L.M. – Absolument. Les zoonoses existent depuis toujours. Mais aujourd’hui, on fait le lien entre leur augmentation et des facteurs comme le réchauffement climatique, la déforestation ou la diminution de la biodiversité. Ces phénomènes favorisent les contacts entre humains et réservoirs animaux auparavant inaccessibles. Le changement climatique permet aussi à des réservoirs, comme les tiques, de coloniser de nouvelles zones. Il ne faut pas oublier non plus que les hommes eux-mêmes sont à l’origine de zoonoses. Les humains ont transmis le Covid à leur compagnons canins, la tuberculose passe des humains à nos cousins primates…Cependant, il ne faut pas délaisser la longue histoire des zoonoses et leur dimension politique. Par exemple, la peste Justinienne du 6e siècle, causée par « Yersinia pestis » (un virus dont le réservoir est la puce du rat), n’aurait pas touché toute l’Europe sans les routes commerciales liées à l’Empire romain. En Guinée, mes recherches montrent que les fièvres hémorragiques sont arrivées dans la région de Madina Oula il y a environ 150 ans, à la suite d’un protectorat signé entre la France et le royaume précolonial du Tamisso. Ce protectorat a facilité la circulation des caravanes et la construction d’une route, créant ainsi les conditions propices à la propagation virale. Cette longue histoire des expériences épidémiques constitue une mémoire collective à étudier.> À suivre…Notre prochain podcast abordera ce que l’histoire nous apprend pour ce qui concerne les épidémies…Rendez-vous donc jeudi prochain.>> Pour en savoir plus :Triptyque – Laboratoire Triangle
LLucie Etienne, médaillée du CNRS : décrypter les épidémies | Visages de la Science Lucie Etienne, chercheuse au Centre international de recherche en infectiologie, décrypte l’histoire évolutive et fonctionnelle des relations hôtes-pathogènes. En 2024, elle a été récompensée par la médaille de bronze du CNRS.L’objectif de son groupe de recherche est de comprendre comment certaines espèces résistent naturellement aux émergences ou aux infections virales. En plus des primates, l’équipe explore l’immunité antivirale des chauves-souris. Pour cela, elle combine des outils de bioinformatique évolutive avec des tests fonctionnels dans les cellules des hôtes.À l’occasion de cette distinction, elle revient sur son parcours et ses travaux de recherche. Découvrir les mÉDAILLES du CNRS 2024
LLes ateliers d’été du musée Docteur Mérieux Cet été, le Musée Docteur Mérieux propose des ateliers spécialement conçus pour les enfants ! C’est une excellente occasion pour eux de découvrir le monde fascinant de la science et de la médecine à travers des activités ludiques et éducatives.17 juillet | Sur la piste des microbes ! © musée BiomérieuxLes microbes sont partout autour de nous, sur nous et jusque dans notre corps. Certains sont ronds, d’autres ressemblent à des bâtonnets, mais ils sont tous microscopiques ! En véritables « pros » des microbes, découvrez leur forme, leur utilité, leur rôle dans la transmission des maladies et les bons réflexes pour vous protéger et protéger les autres !À 14h30 (durée : 1h) / De 6 à 8 ans >> Inscription24 Juillet | Moustiques et tiques, ça pique !©Musée BiomérieuxMoustiques, tiques et puces… Des petites bêtes qui peuvent être dangereuses pour notre santé.N’ayons pas peur et partons à leur recherche dans le musée.Tout public. 21 août | Paper toy virus !©musée BiomérieuxViens fabriquer au musée ton paper toy virus !À 14h30 (durée : 1h) / De 10 à 14 ans >> Inscription> Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site :Musée de sciences biologiques
SSciences en Bulles : la recherche en BD Cette collection Sciences en bulles offre une aventure inédite de vulgarisation scientifique pour (re)découvrir la recherche et se familiariser avec des sujets aussi divers que la biodiversité, la biomécanique chez les insectes, les propriétés de fragmentation du plastique, comment les poissons font face à l’invasion de bruits, etc.SSciences en bulles 2023Comment les prothèses des athlètes handisport peuvent-elles les aider à améliorer leurs performances ? Les romains vivaient-ils déjà les spectacles sportifs comme nous ? L’intelligence artificielle peut-elle aider les gymnastes à rester en bonne santé ? Le roller derby, une autre manière de penser le sport ? Qu’il s’agisse d’histoire, de biomécanique, de sociologie, de physique ou encore de neurosciences, ces 10 BD vous font découvrir de façon ludique les travaux de recherche fascinants de ces jeunes chercheurs !Pour la 32e édition de la Fête de la science, 10 doctorantes et doctorants ont mis en récit et en image leurs travaux de recherche dans le cinquième volume de Sciences en bulles sur le thème « Sport & Science ». Parmi eux, une doctorante de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Camille Savre (Université Savoie-Mont Blanc) a été sélectionné pour son travail de thèse en socio-anthropologie sur « Pratiquer la cohabitation : analyse des modes d’interrelations entre biodiversité et sportifs dans le cadre de la pratique du trail »… A découvrir en BD !Sport et scienceSSciences en bulles 2022Pour cette 31ᵉ édition de la Fête de la science, 11 doctorantes et doctorants ont croqué leurs thèses en BD dans un quatrième volume de « Sciences en bulles » intitulé « Réveil climatique : l’heure de l’action a sonné ! ».Les insectes peuvent-ils nous aider à mieux appréhender le changement climatique ? Surveiller notre planète grâce à l’intelligence artificielle ? Le jeu vidéo pour expérimenter catastrophes et reconstructions ? Du sel pour stocker l’énergie de demain ? Construire la justice climatique par le débat citoyen : une utopie ? Avec ces 10 BD, pénétrez dans le secret des travaux menés par de jeunes chercheurs, à la pointe de la recherche scientifique, de façon à la fois ludique et passionnante.Réveil ClimatiqueParmi les 11 doctorants sélectionnés pour cette édition, Camille Zoude, doctorante du Laboratoire de Science des Matériaux (MatéIS) pour l’Université de Lyon (Insa de Lyon). Son sujet de thèse ? Le stockage d’énergie thermochimique dans des composites architecturés géopolymères-sel hygroscopiques.SSciences en bulles 2021En 2021, la Fête de la science a trente ans ! Quel thème plus propice à leur réunion que celui de cette édition anniversaire :« Eurêka ! l’émotion de la découverte » ? En prenant le contrepied d’une science prétendument froide et désincarnée, en levant le voile sur la pluie de sentiments qui irrigue le travail de recherche, en amenant le grand public à goûter aux joies de la connaissance, cette Fête de la science invite chercheurs et citoyens à se retrouver autour du plaisir de résoudre les grandes énigmes de la nature, de l’homme et de la société.Euréka !SSciences en bulles 202010 BD pour pénétrer dans le secret des travaux menés à l’interface entre l’Homme et la Nature. La 2e édition de Sciences en bulles présente 10 sujets de recherche autour du thème : Planète nature. Ces sujets de recherches universitaires sont menés par des doctorants au cours de leurs thèses. La démarche scientifique et la diversité des disciplines scientifiques sont illustrées au travers de la BD.Mieux comprendre ce qui nous entoure, c’est ouvrir la voie vers une meilleure cohabitation avec notre planète. Comment le pollen peut-il nous aider à reconstituer l’histoire des écosystèmes et l’impact de l’Homme ? Comment l’ours peut-il nous aider à aller sur Mars ? Comment les animaux dans le discours littéraire d’antan peut nourrir les réflexions d’aujourd’hui ?… Découvrez-le en lisant ces BD :Planète nature[Portrait] Émilie Rojas, doctorante en 1re année au sein de l’Équipe de Neuro – Éthologie Sensorielle (ENES) de Saint-Etienne, a fait partie des 10 doctorants sélectionnés par la coordination nationale de la Fête de la Science afin de présenter sa thèse en bande dessinée dans l’édition Planète Nature de Sciences en bulles, 2020. Découvrez son portrait à la rubrique Visages de la science de Pop’Sciences : Les poissent à l’épreuve du bruit.SSciences en bulles 201912 sujets de recherche pour mettre les sciences en bulles | Fête de la science 2019Il n’y a pas une seule et unique science, mais bel et bien plusieurs sciences. Ce livre, spécialement édité pour la Fête de la Science 2019, propose à ce titre de mettre en lumière 12 sujets de recherches universitaires conduites par des doctorants au cours de leurs thèses. Ainsi, ce nouvel opus a choisi de représenter la démarche scientifique à travers une diversité de disciplines scientifiques sous une forme originale, accessible et distrayante : la bande dessinée.Ces sciences en bulles offrent une aventure inédite de vulgarisation scientifique pour (re)découvrir la recherche et se familiariser avec des sujets aussi divers que la biodiversité, la biomécanique chez les insectes, ou encore les propriétés de fragmentation du plastique.Sciences en bulles 2019Retrouvez notamment HBV, un virus bien caché par Fleur Chapus ou le rôle des hélicases DDX5 et DDX17 et du complexe protéique associé dans la régulation transcriptionnelle du minichromosome du virus de l’hépatite B – CRCL – Centre de recherche en cancérologie de Lyon, Université de Lyon.
PPerturber les communications immunitaires pour y échapper : quand le VIH déclare son indépendance Dans leur article paru en 2011, l’équipe du Dr. Marie Larsson a ajouté une importante pierre à l’édifice de la compréhension de la dépression du système immunitaire qui fait suite à l’infection par le VIH. Ces chercheurs ont mis en évidence un véritable scénario Hollywoodien, dans lequel des particules du VIH, à l’image des héros du film Independence Day, s’introduisent dans les cellules immunitaires pour saboter la coordination du système immunitaire, causant sa perte.>> À lire dans son intégralité sur :PAPIER-MÂCHÉ
PPodcast « Zootopique » | The Conversation « Zootopique » est une série de podcasts réalisés en partenariat avec l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) qui interroge nos relations avec les animaux au prisme de la santé. Après une première saison portant sur des thèmes aussi variés que le déclin des abeilles ou les maladies portées par les moustiques et les tiques, nous vous proposons une deuxième saison.Grippe, un virus du passé qui a de l’avenirPour ce premier épisode, Béatrice Grasland, chef d’unité virologie, immunologie, parasitologie aviaires et cunicoles à l’Anses et Bruno Lina, directeur du centre national de référence pour les virus des infections respiratoires (ENS de Lyon) font le point sur la grippe, ou plutôt les grippes.Depuis quand cette maladie existe ? Pourquoi cette maladie touche les humains, mais aussi les animaux ? Pourquoi revient-elle tous les ans ? Doit-on s’attendre à une prochaine pandémie ? Sommes-nous prêts ?Crédits : Conception : Anses et The Conversation France. Réalisation : Moustic Studio. Animation : Benoît Tonson.__________________________________________________________________________________________________La résistance aux antibiotiques, une pandémie silencieusePour ce troisième épisode, Jean-Yves Madec, directeur scientifique de l’axe antibiorésistance de l’Anses et Claire Harpet, anthropologue de la santé, ingénieur recherche à l’Université Jean-Moulin Lyon 3 nous éclairent sur un phénomène inquiétant : l’antibiorésistance. C’est le phénomène qui décrit la résistance des bactéries aux antibiotiques. En faisant reculer de nombreuses maladies bactériennes, les antibiotiques ont transformé les médecines humaine et animale. Mais leur utilisation s’est accompagnée de l’émergence de souches résistantes qui menacent aujourd’hui notre santé. Selon l’OMS, l’antibiorésistance sera à l’origine de 10 millions de morts par an dans le monde, à l’horizon 2050.Demain, pourrons-nous toujours nous soigner ? Des infections banales pourront-elles devenir de graves menaces ? Est-il possible de lutter contre ce phénomène ?Retrouvez notre entretien avec Claire Harpet dans le dossier Pop’Sciences – CNRS : « Résistance aux traitements :« L’antibiorésistance est une conséquence du rapport dévoyé qu’entretient notre espèce avec le reste du vivant »Crédits : Conception : Anses et The Conversation France. Réalisation : Moustic Studio. Animation : Benoît Tonson. Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.>> Retrouvez tous les épisode de Zootopique sur :THE CONVERSATION
UUn monde de virus ©PopcomIls sont présents dans tous les compartiments de la planète : les virus. On les retrouve dans l’eau douce, les milieux marins, les sols, au sein de toutes les espèces animales, végétales ou microbiennes. Grâce aux récentes techniques de séquençage et d’analyse ADN, on sait même qu’ils constituent la biomasse la plus abondante sur terre devant celle des bactéries et d’autres espèces microbiennes.Les virus ont d’abord été identifiés comme les agents responsables d’un grand nombre de maladies humaines et animales telles que la grippe, la rougeole, le sida et, plus récemment la COVID-19. Alors, pour s’en prémunir et développer les outils adéquats, médicaments antiviraux et vaccins, les scientifiques se sont efforcés d’élucider les mécanismes moléculaires à l’œuvre lors de la réplication virale et de comprendre les causes de leurs effets pathogènes.Non, les virus ne sont pas que des pathogènesMais, cette vision des virus, appréhendés avant tout comme une menace, est bien plus nuancée aujourd’hui. Tout un ensemble de travaux de recherche récents, visant à comprendre leur rôle dans la biosphère, convergent en effet pour donner aux virus un rôle fondamental dans le maintien de la biodiversité. Par la pression de sélection qu’ils imposent à leurs hôtes, les virus sont des acteurs majeurs de l’évolution. Et comme les autres microorganismes, ce sont des sources de biodiversité importantes. En cause ? Les nombreuses interactions et échanges génétiques qui ont lieu entre les virus et les cellules animales, végétales ou bactériennes.Suite à la pandémie de COVID-19, un grand nombre d’articles, de reportages et de vidéos ont été produits pour expliquer en détail le cycle infectieux des virus – en particulier celui du SARS-CoV2, agent responsable de la COVID-19 – et d’expliquer leurs effets pathogènes. Fondamentale, cette diffusion des connaissances a été remarquable par sa rapidité. Mais, elle a aussi renforcé la vision première et menaçante des virus auprès du grand public.Différents virus grossis au microscope : virus de la grippe, du VIH, du chikungunya et adénovirus. ©P. Roingeard Une revue pour comprendre le rôle des virus dans les écosystèmesÀ travers un recueil d’articles, publiés en décembre 2022 dans le numéro thématique « Un monde de virus » de la revue Médecine/Sciences*, deux virologistes du Centre international de recherche en infectiologie (CIRI) de Lyon ont voulu « sortir le nez » des mécanismes moléculaires et proposent de s’affranchir de la vision réductionniste des virus comme seuls agents pathogènes. Il est question d’envisager la diversité virale au sein des organismes et, plus largement, à l’échelle de la planète, et de considérer le rôle des virus dans l’équilibre des écosystèmes.Les articles, rédigés par des experts français de renommée internationale, décrivent les dernières découvertes sur la présence et le rôle des virus dans différents écosystèmes et les outils pour les étudier. Ils expliquent comment les pertes en biodiversité, dues entre autres à l’urbanisation excessive et aux élevages intensifs, favorisent l’émergence de nouvelles épidémies, voire de pandémies virales. Dans cette revue, on apprend aussi comment l’étude des virus a été à l’origine d’importants progrès techniques et d’un grand nombre de découvertes fondamentales en biologie cellulaire, et en immunologie. Sans oublier l’utilisation des virus en médecine, par exemple pour combattre les infections bactériennes ou comme outils de vaccination. À travers ce recueil d’articles, on comprend ainsi que la virologie doit nécessairement évoluer vers une approche plus interdisciplinaire de l’étude des virus qui intègre, notamment, l’épidémiologie, et l’écologie de la santé.Un article co-écrit par Caroline Depecker, journaliste scientifique, et Anna Salvetti, directrice de recherche au CIRI – 24 mai 2023.>>> Le mot des coordinatrices : cliquez ici.Pour consulter le dossier en ligne et en accès libre : Un monde de virus —————————-* La revue Médecine/Sciences est publiée par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) PPour aller plus loinDe la variole à la covid, les vaccins : entre peurs, espoir et raison | Un dossier Pop’Sciences – Juillet 2021.
NNos animaux de compagnie peuvent-ils contracter la COVID-19 ? Grâce à l’implication de différents chercheurs et partenaires, en particulier le soutien financier « action COVID-19 » de l’IDEX Lyon dans le cadre du Programme Investissements d’Avenir (ANR-16-IDEX-0005), un projet de recherche en épidémiologie et santé publique vétérinaire a pu voir le jour à VetAgro Sup, le projet COVIDAC (COVID-19 et Animaux de Compagnie).Le projet COVIDAC, coordonné par les Dr Vincent Legros, Emilie Krafft et Angeli Kodjo et rassemblant des médecins vétérinaires et des chercheurs du Centre International de Recherche en Infectiologie (CIRI), du laboratoire d’analyses vétérinaires (LAV) et de plusieurs services du Centre hospitalier Vétérinaire animaux de compagnie de VetAgro Sup, vise à clarifier le rôle potentiel des animaux de compagnie (chien, chat) vis-à-vis du SARS-CoV-2, l’agent responsable de la pandémie de COVID-19, dans un contexte épidémique massif observé aujourd’hui en Europe et particulièrement en France.La première étude publiée en 2020 par cette équipe pluridisciplinaire en santé humaine et animale dans la revue One Health, a montré qu’une proportion relativement élevée de chiens et de chats particulièrement exposés au virus avaient été infectés par le SARS-CoV-2 (i.e. possédant des anticorps mais sans avoir eu de symptômes). En effet, parmi les chiens et les chats vivant dans un foyer où au moins une personne avait été diagnostiquée COVID-19+, plus d’un animal sur cinq possédaient des anticorps anti SARS-CoV-2, ce qui représente un taux 8 fois plus important que celui retrouvé dans la population générale de chiens et de chats. Les conclusions de cette étude pionnières ont depuis été confirmées par d’autres travaux réalisés dans d’autres pays.Les animaux domestiques vivant au contact d’humains COVID-19 positifs ont 8 fois plus de risque de posséder des anticorps spécifiques du SARS-CoV-2.La question du rôle potentiel des animaux de compagnie dans l’épidémiologie du SARS-CoV-2 a en effet fait l’objet d’une attention très précoce suite à l’émergence du virus fin 2019, à la fois en raison de la probable origine animale du virus mais aussi de l’existence de coronavirus proches circulant déjà chez les animaux domestiques. L’absence de risque lié aux animaux domestiques a rapidement fait consensus, malgré la démonstration que ceux-ci (notamment les chats) pouvaient, en laboratoire, transmettre le virus à leurs congénères ainsi que l’identification sporadique d’animaux infectés à Hong-Kong et en Belgique puis dans de nombreux autres pays (France, États-Unis, Espagne, Italie, Irlande, Japon…).©VetAgro SupL’infection des animaux domestiques par le SARS-CoV-2 est largement asymptomatique.Afin d’évaluer l’intensité de la circulation du SARS-CoV-2 parmi les animaux domestiques, l’équipe de chercheurs a prélevé des échantillons sanguins sur deux groupes d’animaux : le premier groupe dont les 47 animaux (13 chiens et 34 chats) étaient considérés comme à risque élevé car issus d’un foyer dans lequel a minima un cas de COVID-19 humain avait été diagnostiqué. Le second, à risque modéré, était constitué de 38 animaux (16 chats et 22 chiens) dont le statut des propriétaires était inconnu. Les deux groupes d’animaux ont été prélevés entre les mois de mai et juin 2020. Parmi les animaux à risque modéré, seul un chat présentait des anticorps contre le SARSCoV-2. En revanche, dans le groupe à risque élevé, plus de 20 % des animaux (8 chats et 2 chiens sur les 47 animaux) se sont révélés positifs, ce qui suggère une circulation virale plus importante qu’anticipée initialement. Ces infections ne se sont pas traduites par la présence de signes cliniques, ce qui confirme que l’infection des animaux domestiques par le SARS-CoV-2 est largement asymptomatique en conditions naturelles.Le risque de transmission du SARS-CoV-2 d’un animal à l’humain est négligeable.Cette enquête sérologique ne permet pas d’identifier de manière catégorique l’origine de la contamination, mais le fait que le risque pour un carnivore domestique d’être infecté par le SARS-CoV-2 soit 8,1 fois plus élevé s’il réside chez une personne positive au COVID-19 constitue un fort argument de l’origine humaine de l’infection. Il est donc établi que les chiens et les chats peuvent être infectés par le SARS-CoV-2 dans des conditions naturelles mais il est très rare qu’ils tombent malades. L’une des inconnues qui persistait était le risque que ces animaux pouvaient représenter pour l’humain. Pour préciser cela, VetAgro Sup a travaillé avec le Centre International de Recherche en Infectiologie à Lyon, l’Institut de Recherche pour le Développement à Montpellier et le Centre Hospitalo-Universitaire de Caen. Entre avril 2020 et avril 2021, afin de rechercher des traces du virus, des échantillons de salive ont été prélevés chez les animaux reçus dans les cliniques de VetAgro Sup avec l’accord de leur propriétaire. Plusieurs centaines de prélèvements ont ainsi été analysés et ont montré que le risque de transmission du SARS-CoV-2 d’un animal à l’humain est négligeable.Article publié sur le site Viruses, Journal de virologie en « Open access », le 3 septembre 2021.>> Pour en savoir plus :Article Covidac Article en anglaisAuteurs de l’étude : Émilie Krafft, Solène Denolly, Bertrand Boson, Sophie Angelloz-Pessey, Sophie Levaltier, Nicolas Nesi, Sandrine Corbet, Bryce Leterrier, Matthieu Fritz, Eric M. Leroy, Meriadeg Ar Gouilh, François-Loïc Cosset, Angeli Kodjo et Vincent Legros.