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Centre de Recherche Astrophysique de Lyon - CRAL

LLe plus grand télescope spatial jamais lancé dans l’espace

Télescope JWST / ©Flickr

JWST, le télescope spatial, bijou de technologie

Le 24 décembre 2021, depuis Kourou, la fusée Ariane 5 emporte dans sa coiffe le James Webb Space Telescope (JWST) pour le mettre sur la route de son orbite lointaine.

Les reports des dates de lancement ont été nombreux depuis 2013 (!) et on sait que le budget a très largement été dépassé (10 milliards d’euros…) ; il n’empêche, ce successeur du télescope Hubble (HST) emporte les énormes attentes des astronomes du monde entier.

Si le HST a un diamètre de 2,4 m, le JWST est équipé d’un miroir segmenté de 6,50 m de diamètre, lui permettant de capter des astres encore beaucoup plus faibles. Mais ce miroir est trop grand pour rentrer dans une fusée Ariane 5.La solution a été de mettre au point un télescope pliable qui se déploiera, un peu à la manière d’une fleur, une fois dans l’espace. La technique est innovante, mais délicate et nous retiendrons tous notre souffle jusqu’à la fin du déploiement du miroir primaire qui s’échelonnera sur deux semaines après le lancement.

Lancement du télescope JWST / ©ESA – https://www.esa.int/Science_Exploration/Space_Science/Webb

Le JWST doit être mis en orbite au point de Lagrange L2, point de stabilité gravitationnel situé à 1,5 million de km de la Terre. Il lui faut plusieurs mois de voyage pour y arriver. Les observations scientifiques commenceront 6 mois après le lancement, précédée d’une période de tests intensifs de tous les instruments.

Point de Lagrange – https://www.jwst.fr

Ses missions

Les thèmes de recherche pour le JWST sont multiples. Ils couvrent la détection des premières phases de formation stellaire et galactique, l’étude des populations stellaires dans l’univers proche, l’imagerie et la spectroscopie des proto-étoiles et des disques proto-planétaires, la détection et la caractérisation des exo-planètes à la recherche de l’origine de la vie, ainsi que l’évolution des galaxies à très grands redshifts (décalage vers le rouge), la détection et le suivi des supernovae lointaines, les relevés de matière noire via des effets de lentilles gravitationnelles…

Le JWST n’observera pas dans le domaine visible. Son domaine est l’infrarouge, de 0,6 à 28 µm, une vaste portion du spectre électromagnétique particulièrement adapté pour étudier les objets froids, poussiéreux et obscurcis de l’Univers. C’est dans ce domaine également que l’on détecte les astres situés à des distances cosmologiques dont le spectre est décalé vers le rouge à cause de l’expansion de l’Univers.

Pour travailler à ces longueurs d’onde, la température du télescope et des instruments doit être très basse, sinon le télescope s’éblouit lui-même ! Dans le vide spatial et protégé par un pare-soleil maintenu en position à l’arrière du télescope par des bras, dépliables eux aussi, le JWST se refroidira progressivement jusqu’à atteindre la température de 40 K (soit -233 °C).

Pour obtenir ce bijou de technologie que représente le télescope et ses instruments, la NASA a travaillé en coopération avec l’Agence Spatiale Européenne (ESA) et l’Agence Spatiale Canadienne (ASC) qui se sont jointes au projet dès 1997. Les collaborations internationales sont fréquentes et fructueuses dans les programmes astronomiques spatiaux ; elles permettent, en tirant profit du meilleur des technologies de chacun des pays, de doter les instruments de performances inouïes.

Le JWST est équipé de 4 instruments qui bénéficient des développements en technologies de pointe réalisés sur les détecteurs, sur les systèmes de micro-électromécanique, sur les systèmes cryogéniques et bien d’autres encore :

  • NIRSpec : un spectrographe multi-objets travaillant entre 0,6 et 5 µm, qui pourra observer simultanément plus de 100 sources sur un champ de 3 arcmin par 3 arcmin. Le Centre de recherche Astrophysique de Lyon – CRAL a contribué au développement de NIRSpec. Il a été construit pour l’ESA par le consortium Astrium sous la direction de Pierre Ferruit, alors astronome au CRAL et qui est maintenant responsable scientifique du JWST à l’ESA.
  • NIRCam : une caméra fonctionnant dans le proche infrarouge (0,6 et 5 µm) est l’imageur principal du JWST. Elle a été construite à l’Université d’Arizona et le Centre de Technologie de Pointe Lockheed Martin. NIRCam sera également utilisée comme analyseur de front d’onde pour la délicate tâche de contrôle de l’alignement et du phasage du miroir primaire du JWST.
  • MIRI est l’instrument du JWST qui observera dans l’infrarouge thermique, c’est-à-dire entre 5 et 28 µm. MIRI a été réalisé par un consortium européen, sous l’égide de l’ESA, avec une participation française via le CNES. MIRI a quatre modes d’observation différents : imagerie, coronographie, spectroscopie à basse résolution et spectroscopie à intégrale de champ à moyenne résolution. La partie MIRIm (incluant imageur, coronographes et spectrographe de basse résolution) a été conçue et réalisée par le CEA-Saclay. L’autre partie MRS (spectrographie IFU de moyenne résolution) a été développée par UK Astronomy Technology Center et l’Université d’Arizona.

Pour fonctionner dans l’infrarouge thermique, MIRI doit être refroidi à une température encore plus basse que les autres instruments. Un système de cryo-refroidissement spécifique pour MIRI développé par la NASA permettra de descendre jusqu’à 6 K (soit -267.15 °C).

  • NIRiss est un spectrographe objet-unique, grand-champ, sans fente avec grisme fournissant deux résolutions spectrales différentes entre 0,6 et 3 microns. C’est aussi un imageur à large bandes, entre 1 et 5 µm, et un interféromètre avec un masque d’ouverture entre 3,8 et 4,8 microns. Cet instrument multi-fonctions a été développé par l’ASC et l’Université de Montréal.

L’ESA a porté la lourde responsabilité de réussir le lancement de ce satellite tant attendu par la communauté astronomique mondiale. La tension était grande pour toutes celles et ceux qui suivaient la retransmission en direct du départ du JWST. Chacun a pu suivre cet événement majeur pour l’astronomie en se connectant sur un des sites qui retransmettait le lancement en direct (ESA, CNES, NASA, ASC…).

Un article rédigé par Isabelle Vauglin, astronome, chercheuse au CRAL, pour Pop’Sciences