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Université de Lyon

LLes promesses de l’IA en Santé

Domaine de recherche en plein essor, l’intelligence artificielle (IA) est au cœur de la médecine du futur, technologique et personnalisée. Traitement des données de santé telles celles issues de l’imagerie médicale ou des analyses biologiques (Big Data), opérations chirurgicales robotisées et assistées, prothèses intelligentes, applications santé mobiles personnalisées, etc… l’IA lève le voile sur une médecine complètement revisitée à l’aulne des algorithmes. En quoi les laboratoires de l’Université de Lyon Saint-Etienne participent à cet essor, et aussi quelles sont les limites de l’apport de l’IA au service de la santé ?

Un article rédigé par Nathaly Mermet, journaliste, Lyon, pour Pop’Sciences – 4-02-2020

Pop'Sciences Mag intelligence artificielle santé @J Richetti« Certains LabEx de l’Université de Lyon travaillant sur des projets scientifiques dans le domaine de la Santé, comme Cortex, Primes, DevWeCan, Ecofect, font usage de l’IA, soit comme un outil dans leur démarche de recherche, soit avec une visée thérapeutique » indique François Pellegrino, coordinateur scientifique des actions IDEXLYON et co-organisateur de la journée Inter-LabEx  IA, transformations et défis. Si à travers l’imagerie l’IA impacte tous les domaines de la santé (cancérologie en particulier), et est par conséquent présente dans tous les LabEx, elle revêt une dimension toute particulière dans le domaine des neurosciences, à l’interface du cerveau et de la machine.

Focus sur l’IA en neurosciences

« Comme dans les autres domaines, on peut entraîner des réseaux de neurones artificiels à devenir experts pour reconnaître certains signaux, extraire certaines informations afin de les classer, labelliser, catégoriser (etc.). Ceci trouve des applications concrètes en neurosciences, notamment pour interfacer un cerveau et une machine dont l’objet est de décoder l’activité neuronale » déclare Jérémie Mattout, chercheur INSERM au Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon (CRNL). « Et les intelligences artificielles apprenant seules, elles peuvent nous faire de précieuses révélations sur ce fameux code, autrement dit sur comment nos neurones expriment nos intentions, nos états mentaux… » explique-t-il. Mais il existe aussi un intérêt des neurosciences pour ces réseaux de neurones artificiels qui est propre à cette discipline. En effet, ces réseaux profonds présentent des similitudes avec l’organisation de notre cortex, notamment les systèmes sensoriels, spécialisés dans la reconnaissance des images ou des sons. « On peut dès lors utiliser le Deep Learning comme une métaphore de ce que fait le cerveau humain et ainsi peut-être en apprendre davantage sur le fonctionnement de notre propre cerveau » projette le chercheur.

Aussi, ces avancées font-elles l’objet de plusieurs projets ambitieux dans le fascinant domaine à l’interface du cerveau humain et des outils. Au premier rang desquels un projet soutenu par le LabEx Cortex destiné aux patients, plus précisément aux enfants, présentant des troubles de l’attention. « La vocation de ce projet, mené en collaboration avec les Hospices Civils de Lyon (en particulier HFME) et des associations de patients (réseau Dys/10, Hyper SUper, Atout Dys), est de rééduquer les capacités attentionnelles à travers la commande de jeux directement par l’activité cérébrale » indique Jérémie Mattout, précisant que ces jeux exigent la concentration du sujet. Après avoir mis au point 4 jeux pour l’interface cerveau/machine en collaboration avec BlackSheep Studio, le CRNL travaille à une seconde version intégrant la réalité virtuelle. « Nous avons terminé la phase d’acquisition des données de l’étude clinique auprès d’enfants âgés de 8 à 17 ans adressés par les services hospitaliers partenaires du projet, et sommes actuellement en phase d’exploitation de ces données pour in fine, nous l’espérons, proposer une aide à la thérapie des troubles attentionnels »  annonce-t-il.

Autre cas concret d’utilisation de résultats de la recherche académique (à savoir de l’équipe CNC de l’Institut des Sciences Cognitives Marc Jeannerod, ISC-MJ) : l’application e-santé développée par la startup SIBIUS, basée sur l’intelligence artificielle vise à améliorer la prise en charge des troubles neurocognitifs (autisme, troubles DYS, maladie d’Alzheimer, commotion cérébrale…).  Depuis le dépistage des troubles, fondé sur la mesure indirecte de l’attention visuelle via l’exploration tactile d’une image, jusqu’au suivi en passant par l’accompagnement et la rééducation, SIBIUS ambitionne de proposer le premier marqueur neurocognitif pour aider les professionnels à donner un avis clinique en pratique médicale courante. Créée en octobre 2017, la startup SameSame a quant à elle développé « GONG », une application mobile dédiée à la réadaptation des patients atteints de troubles sévères du langage, en complément des séances d’orthophonie. Elle bénéficie dans ses développements autour de l’IA des compétences du Laboratoire d’informatique en image et systèmes d’information (LIRIS) par ailleurs impliqué auprès de plusieurs start-ups en santé.

En quoi l’IA bouleverse les professions de santé ?

« L’IA est un outil, mais pas une finalité » rappelle Sébastien Rouzeau, manager stratégie et management de l’innovation, spécialisé dans le domaine de la santé, au sein du cabinet Wavestone qui se positionne au croisement du conseil en management et en numérique. « Aujourd’hui une grande quantité d’informations provient d’un bout à l’autre de la chaîne de valeur, et l’IA permet de traiter ces données afin de leur donner plus de valeur » affirme-t-il. Il en veut pour preuve le rachat de Fitbit, l’un des leaders mondiaux des objets connectés spécialisés dans le fitness, par Google pour 1,2 milliards de dollars en novembre 2019, qui en dit long sur l’intérêt de mettre la main sur de telles quantités de données. Pour autant, l’une des problématiques actuellement rencontrées reste, selon lui, la transposabilité des performances de l’IA à différents cas d’application. En effet, s’il existe des logiciels qui aujourd’hui ont démontré cliniquement des performances supérieures à l’Homme dans la détection de certaines pathologies, comme le mélanome, et s’avèrent donc d’une aide précieuse, l’apport de l’IA à d’autre cas d’étude, comme la sclérose en plaque, reste à démontrer.

L’IA a aussi fait son entrée au bloc opératoire, par exemple, avec le robot Da Vinci qui entre autres permet de corriger le tremblement éventuel de la main du chirurgien, ou encore l’assistance apporté par l’appli Max by MEDAE, dont la check-list au bloc s’apparente à celle utilisée par les pilotes en aéronautique. Au bloc, les robots assistant modifient également l’approche du chirurgien orthopédique : « pour une prothèse de genou par exemple, l’IA permet grâce à ses algorithmes d’indiquer les plans de coupe et la pose au 1/2 mm près » explique le Pr Sébastien Lustig, chef du service de chirurgie orthopédique à l’hôpital de la Croix-Rousse (HCL).

« L’adoption par les professionnels est un vrai sujet, car l’IA a souvent une connotation de boîte noire » observe Sébastien Rouzeau. Dès lors qu’interviennent le Deep Learning et les réseaux de neurones artificiels, on est en « zone d’opacité », où l’explicabilité des résultats n’est pas évidente et dans laquelle le médecin n’est pas toujours en mesure de comprendre comment l’outil a transformé les données en résultat. Or, cette étape étant pourtant essentielle, l’IA ne pourra pas remplacer la relation médecin-patient.

Parmi les autres difficultés rencontrées dans l’usage médical, il pointe également des changements technologiques et de nouvelles pratiques sur le plan diagnostic et thérapeutique qui requestionnent les organisations existantes. Notamment, l’exemple des nouveaux outils d’aide à la prise de décision thérapeutique dans les cas de cancers, reposant sur des données de génomique et de protéomique, implique de restructurer le parcours de soin et d’intégrer des équipes multidisciplinaires. Se pose également la question de la responsabilité en présence de ce type d’outil…

La médecine 4.0 est bien en marche et quelques règles éthiques s’imposent !

Des structures comme Hoomano innovent dans l’adoption des techniques d’IA développementale et des sciences cognitives au service des interactions hommes-machines. A méditer : la moyenne d’âge des médecins étant actuellement de 50 ans, on assistera d’ici 15 ans à un renouvellement massif par une génération « Digital Native » …qui permettra certainement de transformer l’essai de la médecine 4.0.

Parallèlement, à l’heure où s’ouvre un pan entier de nouvelles données avec le recueil de « traces » laissées lors d’un comportement (qui peut être simplement l’utilisation d’une appli), potentiellement utilisables par les assurances ou les banques, par exemple, quelles sont les limites éthiques ? « Ces limites sont à définir par la société, et les chercheurs, qui sont partie prenante et jouent leur rôle dans la définition de garde-fou » conclut François Pellegrino, rappelant que l’enjeu premier est de démystifier l’IA comme une palette d’outils pour en faire comprendre les mécanismes et de dialoguer avec la société civile en toute transparence.

 

Autres appli mobiles basées sur l’IA au service de notre santé

« BPI France a recensé 104 start-ups spécialisées en IA & santé sur 8 segments de marchés, et plus de 50% des Medtechs se seraient construites sur la base d’actifs venant de la recherche publique » note Sébastien Rouzeau. Parmi celles-ci :

  •  NovaDiscovery, qui s’attache à la modélisation à l’échelle cellulaire et vise l’échelle tissulaire puis humaine
  • NewClin dont l’ambition affichée est de transformer l’accès aux services de santé, en particulier l’accès aux études cliniques, via des solutions innovantes basées sur le langage, les technologies et les données. C’est notamment à l’appui des compétences en intelligence artificielle (analyse sémantique web, machine learning) du Laboratoire Hubert Curien (UJM, CNRS), objet d’un transfert de technologie opéré par PULSALYS, qu’est développée la solution GoClin®. « L’IA pour Newclin permet d’orienter le parcours santé d’un patient de manière personnalisée à partir d’un profil ou de symptômes » indique Pascal Deschaseaux, CEO précisant que l’outil permet la géolocalisation d’essais cliniques.
  • Santé Net spécialisée en e-santé qui a développé « My Intelligent Assistant » (MIA), une application apportant une assistance personnalisée en situation de douleur (chronique ou aigüe) …et qui lui a valu la bourse French Tech de la BPI en avril 2018! Vocation première de cette startup lyonnaise : améliorer la prise en charge de la douleur grâce à un assistant personnel intelligent. L’objectif affiché est double : d’une part aider le patient à mieux se prendre en charge à l’aide de l’application MIA qui va lui permettre de s’auto-évaluer et se constituer un véritable « carnet médical de la douleur ». Par ailleurs offrir au professionnel de santé un dispositif médical d’aide à la prise en charge thérapeutique, en lui permettant de mesurer l’évolution de l’état de son patient et en recevant également des alertes en temps réel.

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