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LLa photocatalyse promet d’accélérer la transition énergétique | #5

© Jean-Claude MOSCHETTI / ISCR / CNRS Images

Ressource #5 du dossier Pop’Sciences – CNRS : « Physique : une recherche multimillénaire, sans cesse renouvelée »
ARTICLE 

Un projet de recherche allie chimie et physique pour exploiter les propriétés de la lumière et du molybdène, métal abondant et peu coûteux, afin de catalyser des réactions chimiques clés dans le cadre de la transition énergétique. 

Poudre de clusters métalliques de molybdène sous irradiation UV-A pour des applications dans le domaine de l’énergie (éclairage, affichage) © Jean-Claude MOSCHETTI / ISCR / CNRS Images

La photocatalyse est un procédé qui permet d’accélérer une réaction chimique grâce à l’absorption de lumière. Une technique qui peut être appliquée de manière intéressante dans le contexte de la transition énergétique, notamment dans l’optique de piéger chimiquement du CO2, un des gaz à effet de serre les plus notoires. Habituellement, le catalyseur utilisé est à base de dioxyde de titane (TiO2), auquel de l’or ou du platine peuvent être ajoutés pour doper le procédé de manière significative. Mais la classification du TiO2 comme « cancérogène possible » et le coût excessif ainsi que la rareté des deux autres métaux nobles incitent la communauté scientifique à chercher des alternatives.  

C’est le chemin que prend un consortium de chimistes et de physiciens de l’Institut lumière matière à Lyon1 et de l’Institut des sciences chimiques de Rennes2, avec leurs travaux sur des agrégats de molybdène, un métal blanc argenté peu onéreux, abondant et qui présente un potentiel de catalyse prometteur. 

Un matériau catalyseur joue le rôle d’intermédiaire dans une réaction entre deux réactifs, en facilitant la réaction sans besoin d’apporter trop d’énergie.

Dans le cas de la photocatalyse, l’apport d’énergie se fait par l’absorption de photons. 

L’originalité de ces recherches, auxquelles participe Luke MacAleese, chercheur à l’Institut lumière matière, réside dans une approche pluridisciplinaire du sujet à la frontière de la chimie et de la physique. Des scientifiques des deux disciplines se sont associés pour « explorer et comprendre les mécanismes réactionnels élémentaires associés à cette famille de catalyseurs ». Leur méthode fait intervenir différentes techniques de pointe : la spectrométrie de masse de type piège à ion – voir plus bas – en association avec des rayonnements laser induisant des photons dont les longueurs d’onde se situent dans les domaines de l’ultraviolet (100 nm – 400 nm), du visible (400 nm – 750 nm). 

La photocatalyse utile à la production d’énergie décarbonnée / © Émilie Josse

Tendre un piège à ion  

Le premier défi consiste à sélectionner et attirer les ions d’agrégats de molybdène dans un piège radiofréquence. Ce piège est rempli d’un gaz inerte (hélium) et d’une proportion parfaitement contrôlée d’un réactif à tester comme le dioxygène (O2) ou le dioxyde de carbone (CO2).  Cette approche permet à Luke MacAleese et ses collègues chimistes « d’observer les agrégats évoluer dans cet environnement très contrôlé, durant des temps de réaction longs, jusqu’à plusieurs dizaines de secondes ». Grâce à la spectrométrie de masse et aux lasers, les scientifiques peuvent sélectionner un ion à partir d’un mélange complexe, caractériser sa masse, puis « sonder sa réactivité spécifique ».  

Cette technique d’analyse repose sur la détection et la séparation d’ions en fonction de leur rapport masse/charge, comme un trieur de pièces de monnaie qui séparerait les pièces en fonction de leur poids. La spectrométrie de masse fournit des informations sur la composition élémentaire des différents ions présents dans l’échantillon et leur abondance relative. Ce faisant, elle révèle des informations cruciales sur les mécanismes réactionnels et le cycle catalytique de nouvelles espèces métalliques, telles que les agrégats de molybdène. 

La spectrométrie de masse pour caractériser les catalyseurs / © Émilie Josse

Comprendre et optimiser les processus catalytiques 

Pour Luke MacAleese, il est «beaucoup plus rationnel d’améliorer les propriétés d’un catalyseur en comprenant les étapes qui sous-tendent le procédé ». Les physiciens et les chimistes s’attachent donc à étudier comment un réactif se lie au catalyseur, ce qu’il provoque, comment il réagit, et quels sont les intermédiaires potentiels au processus chimique de catalyse. « Nous cherchons également à connaitre le spectre d’absorption des agrégats de molybdène », poursuit-il. Cette étape de la recherche est essentielle puisqu’elle permet d’évaluer leur capacité à absorber la lumière et à « atteindre des états excités ». C‘est seulement dans ces états que peuvent se déclencher des réactions chimiques avec d’autres réactifs présents dans leur environnement, comme le CO2 ou l’eau.  

Connaitre précisément ce spectre d’absorption permet d’étudier l’efficacité des agrégats de molybdène et d’optimiser leur activité catalytique. Par exemple, en ajustant la longueur d’onde de la lumière utilisée pour irradier les clusters, les scientifiques peuvent cibler spécifiquement les transitions électroniques qui mènent aux états excités les plus réactifs et améliorer ainsi les performances photocatalytiques. 

La transition énergétique en ligne de mire 

Ces travaux ouvrent la voie à des applications potentielles dans le domaine de l’énergie renouvelable et de la réduction des gaz à effet de serre. En effet, les résultats obtenus jusqu’à présent montrent que les clusters de molybdène pourraient être de bons candidats « photo-catalyseurs » pour deux réactions chimiques utiles à la production d’énergie décarbonée. Il s’agit de la production d’hydrogène par photolyse de l’eau et de la conversion (réduction) du CO2 en produit chimique de base comme le méthanol (CH3OH). Les scientifiques ont notamment observé une potentielle rupture de liaison carbone-oxygène pendant le processus d’irradiation d’agrégats réduits (riches en électrons) et très réactifs avec l’oxygène. Ces résultats prometteurs laissent espérer qu’il sera également possible de réduire le CO2 par liaison avec ces clusters photo-excités 

« D’autres expériences doivent être menées pour confirmer et approfondir ces résultats », tempère immédiatement le physicien lyonnais. À l’heure actuelle, ces agrégats de molybdène sont en effet faiblement catalytiques comparativement aux alternatives incorporant de l’or ou du platine. Cependant, les scientifiques sont déterminés à poursuivre leurs travaux fondamentaux afin de comprendre l’origine de la réactivité de ces clusters, d’optimiser leur composition et d’atteindre, à terme, des rendements exploitables 

La transition énergétique repose sur trois piliers : la sobriété, l’efficacité énergétique et la décarbonation des procédés techniques polluants. Les travaux du consortium lyonno-rennais s’inscrivent pleinement dans cette dernière catégorie. Ils témoignent de l’importance de la recherche fondamentale et des collaborations interdisciplinaires pour relever les défis énergétiques et environnementaux auxquels notre société est confrontée. 

Article rédigé par Samuel Belaud, journaliste scientifique – juin 2024

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[1] Unité de recherche CNRS, Université Claude Bernard Lyon 1.

[2] Unité de recherche CNRS, ENSC Rennes, Université Rennes.

 

Ces recherches ont été financées en tout ou partie, par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) au titre du projet ANR-Photocat-AAPG2020. Cette communication est réalisée et financée dans le cadre de l’appel à projet Sciences Avec et Pour la Société – Culture Scientifique Technique et Industrielle pour les projets JCJC et PRC des appels à projets génériques 2020 (SAPS-CSTI-JCJ et PRC AAPG 20).