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Grand Nord scandinave : les Samis, dernier peuple autochtone d’Europe

GGrand Nord scandinave : les Samis, dernier peuple autochtone d’Europe

Depuis une vingtaine d’années, le peuple Sami s’est levé pour reconquérir son identité culturelle, artistique et linguistique mise à mal par plusieurs siècles de colonisation et d’assimilation. Réparti sur un vaste territoire (le Sápmi) regroupant les régions septentrionales de Suède, Norvège, Finlande et de Sibérie, il lutte pour une reconnaissance politique et fait face aux menaces du réchauffement climatique, des expropriations, des destructions de la toundra et de l’exploitation industrielle des ressources naturelles.

Au programme :

  • Le 22 mars à 20h, concerts « Voix de l’Arctique et chants chamaniques »
  • Le 23 mars à 14h30, table ronde autour du thème: « Arctique : réchauffement climatique, enjeux géopolitiques et voix autochtones »
  • Le 23 mars à 16h30, projection du film Sami, une jeunesse en Laponie de Amanda Kernell (VOSTFR)

Plus d’informations sur le site du :

MUSÉE DES CONFLUENCES

Pourquoi la science des fluides est au cœur des défis du 21e siècle | The Conversation

PPourquoi la science des fluides est au cœur des défis du 21e siècle | The Conversation

Le sillage des éoliennes du parc offshore Horns Rev 1, à 14 km de la côte ouest du Danemark, en 2008.
Christian Steiness pour Vattenfall

 

Le monde dans lequel nous vivons, à commencer par l’air et l’eau qui nous entourent et le soleil qui nous éclaire et nous réchauffe, ainsi que l’écrasante majorité de la matière de l’univers sont fluides. La science des fluides permet d’y voir plus clair dans la plupart des phénomènes naturels ou vivants à la surface de la Terre, mais aussi dans la quasi-totalité des activités humaines, de la santé à l’industrie en passant par les transports et l’énergie… et de leur impact sur le climat et l’environnement.

Ainsi, une étude britannique réalisée en 2021 estime par exemple l’impact des avancées de la recherche sur la science des fluides à 16 milliards d’euros et 45 000 emplois directs et plus de 500 000 emplois indirects, dans plus de 2000 entreprises du Royaume-Uni.

Mais, alors que les équations qui gouvernent la dynamique des fluides sont connues depuis 200 ans, cette science achoppe encore sur leur complexité mathématique phénoménale. À ces équations très générales, on ne sait donner de solutions générales et on résout actuellement les problèmes au cas par cas. Mais les avancées en informatique et en imagerie ultra-résolue pourraient changer la donne dans la prochaine décennie.

LLa traînée aérodynamique, ou pourquoi rouler moins vite permet de faire des économies d’énergie (même si on roule plus longtemps)

Un exemple emblématique et quotidien de l’importance de la science des fluides est la traînée aérodynamique. Cette force qu’exerce un fluide sur tout objet s’y déplaçant, nous la ressentons pleinement lorsque nous sortons la main en roulant sur une route de campagne, ou lorsque nous pédalons face au vent. Elle s’oppose au mouvement : l’air « résiste » à notre passage. Elle représente l’une des principales causes de la consommation énergétique de nos véhicules, qu’ils soient terrestres, aériens ou maritimes.

schéma du corps d’un cycliste et de la trainée aérodynamique correspondante
Le sillage aérodynamique est un élément clef pour améliorer le rendement des moyens de transport. Les nouvelles techniques d’imagerie à haute résolution permettent aujourd’hui de visualiser la dynamique des écoulements tridimensionnelles complexes se développant dans les sillages.
Constantin Jux, Andrea Sciacchitano, Jan F. G. Schneiders et Fulvio Scarano dans la revue Experiments in Fluids, 2018, CC BY

En effet, un résultat majeur de la science des fluides dicte que la puissance instantanée dissipée par cette résistance aérodynamique (l’énergie que l’on doit dépenser à tout instant pour combattre la résistance de l’air) augmente très fortement avec la vitesse. Techniquement, elle augmente avec le cube de la vitesse. Donc réduire sa vitesse de moitié permet d’abaisser d’un facteur huit la consommation instantanée du véhicule. Ainsi, bien que rouler deux fois moins vite implique de rouler deux fois plus longtemps pour parcourir la même distance, la consommation totale intégrée sur la durée du trajet sera alors réduite d’un facteur quatre. Le simple fait de réduire de 10 % sa vitesse (par exemple en roulant à 117 km/h eu lieu de 130 km/h) permet de diminuer de 30 % les pertes aérodynamiques instantanées et de 20 % les pertes intégrées sur la totalité d’un trajet.

Les conséquences énergétiques (et donc écologiques et économiques) de cette simple « loi cubique » de l’aérodynamique sont sans appel : rouler moins vite permet de faire des économies d’énergie même si on roule plus longtemps.

La relation cubique entre la vitesse et la puissance est également à la base de l’efficacité de la production d’énergie éolienne et hydrolienne qui croît également comme le cube de la vitesse du vent ou du courant.

LLa turbulence des fluides : une mise en abîme tourbillonnaire

Cette loi cubique n’est qu’une des manifestations des écoulements dits turbulents. Bien qu’elle soit le plus souvent invisible, la turbulence est omniprésente, à cause de la très faible viscosité des fluides qui nous sont les plus familiers : l’eau et l’air.

imagerie de fluorescente de volutes
Le mélange de deux fluides implique des tourbillons d’échelles très différentes – comme avec volutes de fumée de tabac par exemple. Ici, grâce à l’imagerie de fluorescence, on ne visualise qu’une tranche laser d’un processus 3D, ce qui permet de mieux appréhender les structures imbriquées de la cascade.
Mickael Bourgoin, ENS Lyon, Fourni par l’auteur

Qui ne s’est jamais émerveillé devant des volutes de fumée, en observant les remous d’une rivière, en mélangeant des colorants en cuisine ou en contemplant les images des tourbillons à la surface de Jupiter ?

La prochaine fois que vous observerez l’un de ces phénomènes, soyez attentifs à la façon dont les tourbillons s’imbriquent les uns dans autres : les grands tourbillons transportent les plus petits tourbillons, dans une sorte de mise en abîme que les scientifiques appellent cascade turbulente.

chute d’eau dessinée par Léonard de Vinci
Études sur l’eau de Léonard de Vinci au début XVIᵉ siècle. Dessin de la chute d’eau d’une écluse dans un bassin, illustrant la cascade turbulente et l’imbrication des petits tourbillons dans les grands.
Royal Collection Trust Copyright Sa Majesté la Reine Elizabeth II 2018

Léonard de Vinci avait déjà remarqué l’universalité de cette organisation dans les écoulements turbulents, mais 500 ans plus tard, la compréhension de cette dynamique multiéchelle et aléatoire (mais non complètement désordonnée) de la turbulence reste l’un des plus grands mystères et l’un des principaux défis de la science contemporaine.

Malgré la complexité des phénomènes physiques sous-jacents, nous acquérons dès le plus jeune âge un savoir empirique nous incitant à « touiller » pour mélanger. Sans le savoir, nous déclenchons ainsi la turbulence. Nous lui devons aussi la dispersion et la dilution des polluants et des aérosols anthropiques dans l’atmosphère, sans lesquelles nos villes seraient irrespirables.

Nous ne sommes en revanche toujours pas capables de prédire comment les mouvements très intermittents de la turbulence (qu’elle soit atmosphérique, océanique, industrielle, etc.) sont capables de déclencher des événements extrêmes et des changements drastiques du comportement à grande échelle des écoulements.

Le détournement spontané du Gulf Stream (scénario du film Le Jour d’après), la modification du mouvement du noyau externe de la Terre (scénario du film Fusion), l’apparition soudaine d’une tornade, la perte soudaine de la portance d’une aile trop inclinée sont des exemples de ces transitions brutales et extrêmes, que les scientifiques observent également dans leurs expériences et simulations numériques, mais que nous n’arrivons pas à prédire.

Les enjeux liés à la compréhension de la turbulence sont donc de taille et conditionnent notre capacité à espérer un jour être en mesure de prédire l’imprévisible, d’anticiper plus finement le dérèglement climatique et ses conséquences, d’améliorer la sécurité de nos installations industrielles et énergétiques, et plus généralement d’innover dans tous les secteurs d’activités où interviennent les fluides, depuis les biotechnologies jusqu’au développement des industries, des énergies et des transports verts de demain.

LLes nanofluides : un immense potentiel aux plus petites échelles

flux expérimental
Expérience imitant le flux de fluide dans un sol avec des grains de tailles très différentes. Le flux est visualisé grâce à des particules fluorescentes.
Dorothee Luise Kurz, ETH Zurich, CC BY-NC-ND

La science des fluides est cruciale aussi pour maîtriser des écoulements confinés à très petite échelle, comme ceux qu’on rencontre dans nos vaisseaux sanguins, dans nos cellules, ou dans le sol.

La « microfluidique » a connu un essor fulgurant au tournant du XXIe siècle, révolutionnant la technologie des laboratoires sur puce, et de leurs applications à la chimie analytique, la biologie et la médecine, telle que l’étude de l’ADN et ses mutations par exemple.

L’heure est à présent à la « nanofluidique », étudiant les écoulements à l’échelle du millionième de millimètre. La maîtrise de ces écoulements est complexe, car la nanofluidique se trouve à la frontière d’une description continue des fluides et de la nature moléculaire et atomique, voire quantique, de la matière. Elle ouvre pourtant aujourd’hui des perspectives technologiques très prometteuses, par exemple vers des applications à la production d’énergie renouvelable par des flux osmotiques, entre des réservoirs d’eau douce et d’eau salée, à travers des nanopores dans des membranes spécialement conçues.

microscopie de flux à l’échelle micrométrique
Le fluide rouge est utilisé pour focaliser le flux de fluide vert (qui coule de droite à gauche), jusqu’à une épaisseur d’environ 20 micromètres.
Ihor Panas, Wikipedia, CC BY

LLe paradoxe de la théorie des fluides

Mais malgré ce rôle central des fluides dans notre vie et notre univers, et alors que nous célébrons cette année le bicentenaire de l’établissement des équations maîtresses de la dynamique des fluides (dites « de Navier-Stokes »), leur utilisation reste encore limitée en pratique. Pour certains fluides, comme les nanofluides ou les fluides dits complexes (rhéoépaississants, rhéofluidifiants, etc.), la théorie doit notamment être complétée par une compréhension raffinée de leurs propriétés physiques particulières (souvent passionnantes). Mais les limitations de la théorie des écoulements fluides sont avant tout mathématiques, même pour les fluides simples les plus courants comme l’eau et l’air.

En effet, les équations de Navier-Stokes sont réputées exactes pour décrire de manière très générale les écoulements des fluides simples dans presque toutes les situations, mais leur complexité mathématique est telle que leur résolution mathématique n’est possible en pratique que dans un nombre très restreint de situations. À tel point que les scientifiques se posent encore des questions profondes sur l’existence et la nature même de leurs solutions.

simulation numérique d’écoulement turbulent
Simulation numérique à toute petite échelle et dans des conditions idéalisées d’un écoulement turbulent de deux fluides de viscosité différente (bleu et rouge). Cette simulation, avec une précision d’environ 100 milliards de nœuds de maille, a nécessité l’utilisation de 80 millions de cœurs de CPU pendant 7 jours en continu, afin de simuler l’équivalent de quelques secondes d’écoulement.
M. Gauding

On pourrait croire que, disposant aujourd’hui d’ordinateurs ultra-puissants, nous sommes capables de résoudre numériquement ces équations à défaut de pouvoir la résoudre analytiquement. Mais on se heurte en fait à deux difficultés quasiment insurmontables, liées à deux propriétés fondamentales des équations de Navier-Stokes : leur nature non locale et non linéaire.

La non-localité implique qu’il n’est pas possible de connaître l’état d’un fluide à un endroit donné sans connaître sa dynamique partout ailleurs (du moins sur une étendue suffisamment vaste autour de la zone d’intérêt) : la météo au-dessus de l’hexagone est ainsi affectée par l’anticyclone des Açores. Prédire un écoulement à un endroit donné d’un système requiert donc de résoudre les équations sur l’ensemble du système.

La non-linéarité est à l’origine de la turbulence et de la formation de tourbillons erratiques de toute taille, la cascade turbulente. La gamme d’échelles entre les plus petits et les plus grands tourbillons peut s’avérer pharaonique : dans l’atmosphère par exemple, des tourbillons existent depuis les échelles millimétriques, jusqu’à des cyclones et anticyclones pouvant atteindre de milliers de kilomètres.

Pour ces raisons, pour simuler de nombreux écoulements (industriels et naturels) de façon réaliste, il faudrait des ordinateurs bien plus gros que ceux disponibles de nos jours. À titre d’exemple, une simulation directe de la basse atmosphère nécessiterait 5 milliards de milliards de milliards de nœuds de maille alors que les plus gros calculateurs au monde, comme le supercalculateur Jean Zay en France, ne sont capables de résoudre raisonnablement les équations de Navier-Stokes « que » sur un maillage comprenant de l’ordre de mille milliards de nœuds de maille).

Ainsi, bien qu’elle soit connue depuis deux siècles, la théorie du mouvement des fluides est en pratique difficilement exploitable en l’état.

UUne science amenée à se renouveler en permanence

Des approches alternatives sont donc indispensables. Elles sont basées sur l’expérimentation, sur l’observation, et plus récemment sur les méthodes d’intelligence artificielle.

Le développement d’outils prédictifs et préventifs, tractables sur nos calculateurs, passe par la mise au point de « modélisations réduites » pour lesquelles le nombre de points de maille nécessaires est considérablement réduit par rapport à ceux requis pour une simulation numérique directe des équations de Navier-Stokes. Ces modèles s’appuient sur ces équations maîtresses, mais ne résolvent explicitement que les plus grandes échelles de la cascade turbulente. La contribution des plus petites échelles est décrite de manière globale par à un nombre restreint de paramètres (par exemple sous la forme d’une viscosité, d’une diffusivité, d’un forçage… effectifs) qu’il s’agit de déterminer au cas par cas par des recherches approfondies sur les phénomènes physiques sous-mailles et de leur impact à grande échelle.

une modélisation des océans terrestres
Les modélisations du climat doivent inclure des échelles très différentes pour prendre en compte les mécanismes pertinents à la surface de la Terre – ici la température des océans et leur vorticité sont modélisées, mais seules les échelles supérieures à 100 kilomètres sont vraiment résolues et l’ensemble des processus se déroulant à une échelle plus fine sont décrits par des modèles approchés – convection, nuages, vagues, couplage avec le relief, couplage océan/atmosphère, etc.
Los Alamos National Lab, CC BY-NC-ND

Ces modélisations, par essence parcellaires, sont en permanence ajustées et améliorées à mesure que les besoins évoluent et que notre capacité à tester les modèles et décrire les phénomènes des petites échelles à partir de données expérimentales, observationnelles et numériques se perfectionne.

La révolution de l’imagerie numérique à haute cadence et à haute résolution de la dernière décennie, des technologies neuromorphiques, l’évolution constante des supercalculateurs (y compris la révolution attendue de l’ordinateur quantique) et les méthodes novatrices basées sur l’apprentissage et l’intelligence artificielle laissent entrevoir des avancées spectaculaires quant à nos capacités à mesurer, modéliser et prédire la dynamique des fluides, indispensables aux ruptures requises pour affronter les grands enjeux sociétaux du moment : la transition écologique et énergétique, le climat et la santé.The Conversation

 

Article publié sur The Conversation le 19 juin 2023

Mickael Bourgoin, Directeur de recherche CNRS en hydrodynamique au Laboratoire de Physique à l’ENS de Lyon, ENS de Lyon

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Conférence « Biodiversité un bien commun »

CConférence « Biodiversité un bien commun »

Image conférence

Effondrement de la faune, de la flore, épuisement des ressources naturelles, réchauffement climatique : l’état de la Planète nous alarme chaque jour.

Hugues Mouret, Directeur scientifique d’Arthropologia présentera quelques données clef sur ce sujet préoccupant et nous montrera comment il est encore possible d’agir. Habitudes de consommation, gestes responsables, aménagement des parcs et jardins… des pistes concrètes à appliquer dans notre vie quotidienne vous seront présentées.

PLUS D’INFORMATIONS ICI

 

Accessible depuis chez vous  : plus d’infos sur le site de la ville de Caluire et Cuire :

Ville de Caluire ET cuire

Les Limites à la croissance : rencontre-débat avec Dennis Meadows

LLes Limites à la croissance : rencontre-débat avec Dennis Meadows

L’École normale supérieure de Lyon a l’honneur de recevoir Dennis Meadows,analyste des systèmes, initiateur et co-rédacteur du rapport Limits to growth (Les limites à la croissance) remis en 1972 au Club de Rome.

La conférence se poursuivra par une table ronde sur les enjeux de la formation à la transition écologique, en présence de Jean Jouzel, paléoclimatologue. Cette table ronde sera animée par Yves Sciama, journaliste scientifique.

En amont de la conférence, Dennis Meadows se verra remettre les insignes de Docteur Honoris Causa.

> Les interventions auront lieu en anglais avec projection de la traduction simultanée en français. L’événement sera filmé pour une diffusion ultérieure.

Pour en savoir plus :

Les limites a la croissance

 

Risque climatique : quel avenir pour nos montagnes ?

RRisque climatique : quel avenir pour nos montagnes ?

Le territoire de montagne est en première ligne face au changement climatique. “Sentinelle” des effets de celui-ci, il est le témoin des changements à venir : la hausse des températures y est deux fois plus importante que la moyenne nationale.

Si les risques climatiques ont des effets sur la vie économique et sociale de ses populations, ils constituent une menace pour ses habitats naturels. Le cas le plus emblématique concerne les activités de tourisme hivernal qui sont menacées par le changement climatique alors qu’elles constituent une source primordiale de revenu pour ses habitants.
Nouveau mal des montagnes, ce phénomène nous oblige donc à repenser notre manière d’habiter la montagne.

Organisée par : Master 2 des risques environnementaux (Universités Lumière Lyon 2 et Jean Moulin Lyon 3, École Centrale de Lyon, ENTPE).

Pour en savoir plus :

Risque climatique

PPour aller plus loin

Scénarios pour le tourisme d’altitude de 2050

SScénarios pour le tourisme d’altitude de 2050

Projetez-vous dans le futur d’une montagne à +2°C, où l’enneigement s’amenuise, et qui réinvente son rapport au tourisme.

Anne Galienne et Laureline Chopard (agence Poprock) présentent certains résultats d’un travail de design fiction réalisé dans le cadre de la revue « Les Passeurs », pour imaginer ce que l’évolution de l’enneigement des domaines skiables changera pour l’aménagement du territoire et la vie en montagne. Chacun des trois scénarios sélectionnés est analysé et commenté :
  • La fin du tout skiLoïc Giaccone, journaliste environnement/science spécialisé montagne et adaptation au changement climatique ;
  • Les mobilités d’altitudes réinventéesÉtienne Faugier, historien, spécialiste des mobilités et du tourisme / Université Lumière Lyon 2, laboratoire d’études rurales ;
  • Le droit pour sauver l’environnement de montagneIsabelle Michallet, juriste en droit de l’environnement / Université Jean Moulin Lyon 3, laboratoire environnement – ville – société.

Pop’Sciences Forum, enregistré le 3 juin 2021 dans les jardins des Musées Gadagne.

 

Les réseaux sociaux réchauffent-ils les relations, mais aussi le climat ?

LLes réseaux sociaux réchauffent-ils les relations, mais aussi le climat ?

Les réseaux sociaux ont progressivement infusé nos vies personnelles mais aussi les stratégies de communication et marketing des entreprises.
Rares sont ceux qui s’en passent aujourd’hui.
À l’heure de la prise de conscience des impacts du numérique sur l’environnement, quelle est l’empreinte des réseaux sociaux sur l’environnement et sur les individus ?

Intervenants :

  • Romain Barrallon, membre du collectif Ouishare, explorateur des enjeux sociaux et environnementaux du numérique
  • Julie Cordier, Consultante en stratégie marketing & communication éco-responsable.

Une conférence proposée dans le cadre du Diplôme universitaire Transformation numérique par l’Université de Lyon et Métropole de Lyon.

>> A suivre en streaming sur YouTube

En savoir plus :

Disrupt Campus – Université de Lyon

 

Pour profiter de la fraîcheur des arbres : les aider à s’adapter au climat | Un article Pop’Sciences

PPour profiter de la fraîcheur des arbres : les aider à s’adapter au climat | Un article Pop’Sciences

©Pixabay

Faire un câlin aux arbres : cette pratique de la sylvothérapie, en vogue ces dernières années témoigne du bien-être émotionnel que nous procurent les arbres. Leur capacité à rafraîchir le climat de la cité et de moduler celui de notre planète, est un autre service, physique cette fois-ci, qu’ils nous rendent. Pour autant qu’ils puissent rester en vie face au changement climatique. Et c’est à l’Homme de les y accompagner. Explications avec, en guise d’exemple, le déploiement du Plan canopée de la ville de Lyon.

Un article rédigé par Caroline Depecker, journaliste, pour Pop’Sciences – 17 sept. 2020

 

Si effets positifs il y a eu du confinement sur les mentalités, l’un d’entre eux est sans doute le désir réaffirmé de reconnexion des citadins avec la nature. Pour les plus chanceux, un exil en campagne bienheureux. Pour les autres, la recherche, entre les pavés, du moindre petit coin de verdure.

« La question de la nature en ville a beaucoup évolué au cours du temps. Jusqu’aux années 80 où le béton était roi et la ville fonctionnelle, elle n’y avait pas sa place, commente Frédéric Ségur, du service du patrimoine végétal de la Métropole de Lyon. Mais depuis 1990, on redécouvre ses bienfaits sur la santé, autant physique que psychique, des habitants ».

Des effets si probants que l’OMS recommande, en 2016, un verdissement maximum des villes, insistant sur le rôle de la nature quant à la « réduction potentielle de l’exposition à la pollution de l’air, au bruit et à la chaleur excessive ». Et, dans ce registre, l’arbre tient une place importante : celui de régulateur de température.

Lors des coups de chaud estivaux, dans les métropoles, on étouffe. Pas de pause nocturne : les façades absorbent le rayonnement solaire et restituent la chaleur quand on tente de dormir. Les corps s’épuisent. Dans ces îlots de chaleur que constituent les villes, il n’est pas rare d’observer un écart de 2 à 4° C entre le centre urbain et la campagne avoisinante. « Cela peut monter jusqu’à 11 degrés en cas de canicule, comme en août dernier », ajoute Frédéric Ségur. En apportant de l’ombre aux bâtiments, les arbres diminuent la quantité de rayonnement solaire reçue et donc, d’énergie emmagasinée. Leur rôle positif ne s’arrête pas là. Comme l’Homme, lorsqu’il fait chaud, les arbres transpirent. Puisant l’eau du sol par leurs racines, à travers leur feuillage, ils rejettent une grande quantité d’humidité : ce phénomène, appelé évapotranspiration, occasionne un rafraîchissement de l’atmosphère. Un bon moyen de lutter contre les îlots de chaleur.

Une température de l’air abaissée de 1°C

On dénombre plus de trois millions d’arbres sur la métropole lyonnaise. « Qu’ils soient du domaine public ou privé, ceux-ci constituent « une forêt diffuse » dont on évalue la proportion par l’indice de canopée (pourcentage de surface ombragée par les arbres). Celui-ci est de 27 % sur la métropole lyonnaise, commente le responsable paysager, mais présente des disparités géographiques : il varie de 10 à 60 % selon les communes. Sur Lyon, il est de 23 %. Afin d’augmenter cet indice et d’adapter la métropole au réchauffement climatique, en 2017, notre service a initié le Plan canopée. Son objectif est ambitieux : planter 300 000 arbres d’ici 2030 ». Aujourd’hui, les acteurs de ce plan sont, pour la plupart, adhérents de la Charte de l’arbre. Une centaine. Reste encore à associer la population à ce vaste chantier. « Nous sommes en train de définir notre mode de gouvernance, de sorte à ce que chacun puisse s’emparer du projet. Mais nous avons déjà de belles réalisations derrière nous. »

 

©jleone/Lyon PartDieu

Rue Garibaldi à Lyon : sur cette ancienne autoroute urbaine qui vient d’être requalifiée, on a gardé quelques anciens platanes épargnés par le chancre coloré, remplacé les autres par des essences variées. Terminé l’alignement monospécifique de sujets du même âge. On limite ainsi le risque de contagion en cas de maladie. Dans les passages automobiles souterrains, datant des années 1960, ont été installés des réservoirs qui collectent l’eau de pluie. À l’été 2019, on a pu y puiser suffisamment pour simuler une forte averse. Résultat, la température a baissé de près de 1°C !

Un système d’arrosage automatique pour garantir la croissance des arbres

Cet exemple de réussite tient à la résolution d’une question, simple en apparence : comment créer un environnement propice à la croissance des arbres et à leur pérennité ? Outre de soleil, pour croître, le végétal a besoin d’eau en quantité, d’une terre de bonne qualité (riche en nutriments) et de suffisamment de place pour développer son système racinaire.

« Nous ne voyons que la face visible de l’arbre, ses feuilles. Mais, dans le sol, le volume développé par ses racines est tout aussi important,

fait remarquer Marc Saudreau, spécialiste en physiologie végétale au laboratoire de Physique et physiologie intégrative de l’arbre en environnement fluctuant de l’INRAE (Clermont-Ferrand). Grosso modo, si vous voulait faire pousser un arbre de huit mètres de haut, il faut que la fosse qui l’accueille soit de même taille. » Une sacrée contrainte en milieu urbain.

Capteur « pepipiaf » équipant un arbre / ©Thierry Améglio – INRAE

Avec l’équipe « Micro-Environnement et Arbres » du laboratoire, le chercheur étudie le rôle joué par les arbres sur le climat urbain en fonction de leur état physiologique. En ville, l’eau est la ressource qui fait le plus facilement défaut : la prédominance du bitume empêche l’infiltration de l’eau dans le sol, la collecte des eaux pluviales à des fins diverses est un manque à gagner. Alors, pour veiller à ce que les arbres de la rue Garibaldi ne meurent de soif, Marc Saudreau et ses collègues les ont équipés en 2013 de plusieurs capteurs sans fil « pépipiaf » capables de mesurer en continu leurs variations de diamètre et ainsi, indirectement, leur état hydrique. Associés à d’autres instruments de mesure, de température notamment, ces capteurs constituent un système d’arrosage automatique qui se met en route s’il fait chaud et si les arbres ont soif : les pompes couplées aux réservoirs entrent alors en action. Le suivi de croissance des arbres montre que ceux-ci poussent bien.

« Nos capteurs peuvent être dupliqués sur les autres plantations de la ville, explique Marc Saudreau. Mais ils nous permettent avant tout de collecter de précieuses données sur l’adaptation des arbres en milieu urbain : un environnement qui, par rapport aux forêts ou aux vergers, comporte des contraintes supplémentaires, comme la pollution, la pauvreté du sol et le volume de terre disponible pour ses racines. »

Adapter les arbres au changement climatique

Performant, le dispositif de la rue lyonnaise illustre comment les arbres peuvent constituer de précieux alliés contre des îlots de chaleur urbains. Mais, Il serait illusoire de penser qu’à eux seuls, ils résoudront ce problème.

« Les expérimentations menées dans d’autres pays (États-Unis, Australie, Nouvelle Zélande) montrent en effet que leur pouvoir rafraichissant, via le processus d’évapotranspiration, est, tout au plus, de 1,5 °C. »

Faire baisser la température de la ville de 5 °C ? Cela nécessiterait de couvrir d’arbres la quasi-totalité de sa surface ! Et tout ceci, en faisant l’hypothèse que les arbres soient suffisamment matures pour jouer pleinement leur rôle (soit une vingtaine d’années en moyenne) et qu’ils restent en bonne santé alors que climat évolue à vitesse grand V.

Comment choisir les essences à planter ? Les gestionnaires forestiers disposent d’abaques dans lesquels les essences sont classées selon certaines spécificités : résistance à la chaleur, à la sécheresse, aux maladies, capacité de résilience, etc. Afin d’anticiper le changement climatique, qui implique autant une hausse des températures qu’une augmentation de leur variabilité, ainsi qu’une modification importante du régime de précipitations, une stratégie consiste à substituer certaines essences par d’autres, plus adaptées au climat futur et moins consommatrices en eau. De plus, assurer le mélange des essences s’avère un facteur clé : pour un facteur de stress donné, si une espèce dépérit, ce ne sera pas forcément le cas des autres. A Lyon, ce paramètre est pris en compte autant que possible : les gestionnaires paysagers ont à leur disposition un catalogue contenant plus de 300 espèces différentes auxquelles s’ajoutent des variants génétiques quand ils existent.

Gestion forestière proche de la nature versus assistance à l’adaptation

Favoriser une plus grande biodiversité de la forêt pour garantir son bon fonctionnement et les services écosystémiques qu’elle rend (stockage du carbone, filtration de l’eau, protection des sols, ombrage…) est une question bien connue par les ingénieurs forestiers. Cette contrainte va de soi lorsqu’il s’agit de la forêt dite « récréative » – la forêt urbaine en est un bon exemple – et semble faire doucement son chemin, en ce qui concerne les plantations d’arbres destinées à la sylviculture. Alors que la forêt française est passé en « mode survie », du fait des sécheresses à répétition des dernières années, le message des chercheurs de l’INRAE est clair : la sélection des arbres voués aux plantations doit aller au-delà des critères de production basés sur la rapidité de croissance, leur longueur ou la densité de leur bois. Le mélange des espèces (au détriment de la monoculture) et des classes d’âges (sylviculture irrégulière) constitue un levier important pour rendre ces plantations plus résistantes au manque d’eau qui devrait se faire plus criant encore dans le futur.

Creative Commons CC0

L’adaptation des forêts est un sujet toutefois controversé. En effet, la mouvance actuelle est à la « gestion forestière proche de la nature » (close-to-nature forestry) qui préconise une intervention humaine minimale pour favoriser les processus biologiques naturels. Or, la réalité scientifique est tout autre : ne pas adapter les forêts au climat futur représente un pari sur l’avenir. Cela signifie que les forêts devront s’adapter d’elles-mêmes. Pourtant, la vitesse du réchauffement climatique est beaucoup plus rapide que la vitesse d’adaptation des processus biologiques.

Occupant 16,9 millions d’hectares en France métropolitaine, soit 31% du territoire, la forêt française (comprenant la forêt récréative, à visée protectrice et dédiée à la sylviculture, ndlr) gagne du terrain : sa superficie augmente de 100 000 hectares chaque année, soit une progression de 0,6 % par an. Véritable poumon vert, elle capte annuellement 70 millions de tonnes de CO2 dans notre pays, soit 14 % environ de nos émissions en gaz à effet de serre. Pour qu’elle puisse continuer à nous aider à faire face au réchauffement climatique, il semble qu’elle ait plus que jamais besoin de notre aide.

<Pour aller plus loin

A VOIR :

La saga du moustique tigre

LLa saga du moustique tigre

Les jeudis du musée

Le déjà célèbre moustique tigre – Aedes albopictus – et son cousin Aedes aegypti sont les vecteurs de maladies aujourd’hui largement répandues sur la planète : fièvre jaune, chikungunya, Dengue et Zika.
Le réchauffement climatique, la mondialisation, les surpopulations des grandes villes permettent leurs proliférations.

Intervenant : Dr Yves Moreau, Musée de sciences biologiques Dr Mérieux

Conférence enregistrée et diffusée sur le site internet du musée et sur la chaîne YouTube.

En savoir plus :

Musée de sciences biologiques Dr Mérieux

Les glaciers sont une des clés de voûte des écosystèmes terrestres : on peut les sauver | Un article Pop’Sciences

LLes glaciers sont une des clés de voûte des écosystèmes terrestres : on peut les sauver | Un article Pop’Sciences

« Les glaciers sont une des clés de voûte des écosystèmes terrestres : on peut les sauver  » – Jean-Baptiste Bosson

La décennie passée a été déclarée la plus chaude de l’histoire selon l’OMS. Sous les assauts climatiques, les glaciers fondent inexorablement, certains, disparus, ont même fait l’objet de funérailles. Les géants blancs sont-ils condamnés ?

Auteur d’une récente étude sur les glaciers classés au patrimoine mondial de l’humanité, le glaciologue franco-genevois Jean-Baptiste Bosson dresse un bilan de la situation actuelle et des conséquences pour les populations. Ses propos sont à la fois alarmants et volontaristes : il n’est pas trop tard pour agir. Au citoyen notamment de faire pression pour un changement des politiques climatiques à venir.

Un article rédigé par Caroline Depecker, journaliste, pour Pop’Sciences – 29 juin 2020

 

Août dernier, des glaciologues français ont envisagé d’ici 2100 la disparition complète du glacier d’Argentière ainsi qu’une diminution de 80% de la Mer de Glace, deux glaciers mythiques du massif du Mont-Blanc. Comment qualifier la situation des glaciers à l’échelle de la planète ?

Elle est alarmante ! La fonte des glaciers s’est accélérée partout dans le monde depuis cinquante ans et le dernier rapport du GIEC sur les océans et la cryosphère a enfoncé le clou. On peut rappeler deux valeurs : la banquise arctique a perdu en moyenne, en septembre, 13% de sa surface par décennie depuis 1979 – du jamais vu en 1000 ans – et les glaciers situés à basse altitude, comme en Europe centrale ou Asie du Nord devraient perdre plus de 80% de leur volume d’ici 2100. Nous l’avons documenté récemment dans une étude menée en collaboration avec Matthias Huss, un confrère de l’École polytechnique fédérale de Zurich : c’est plus de 30% du volume de glace contenu dans les glaciers mondiaux qui est condamné.

En quoi ont consisté vos travaux ?

En tant que glaciologue travaillant dans la protection de la nature, je me suis demandé quelle était la situation des glaciers inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco, aucune étude n’existant sur le sujet. Je les ai donc listés : il y en a plus de 19 000 répartis sur 46 sites de l’organisation onusienne. Soit 10% du nombre total de glaciers terrestres que l’humanité s’est engagée à protéger et à transmettre aux générations futures.

Qu’imaginer pour eux à l’avenir ? Pour le savoir, nous avons évalué leur réponse au réchauffement du climat en fonction de plusieurs scénarios, à l’aide du modèle GloGEM (Global glacier evolution model) de Matthias, l’un des plus performants dans ce domaine, et des données climatiques les plus récentes. Les résultats nous ont peu surpris… En adoptant le scénario RCP 2.6 du GIEC, soit l’application de politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle globale et ainsi une limite du réchauffement à 2°C d’ici 2100, le volume des glaciers pointés par l’étude diminue de 33%. Comme ce scénario est le plus optimiste, cette perte est inéluctable : il faut nous y préparer ! En considérant le scénario RCP 8.5 qui, de façon pessimiste envisage une trajectoire de nos émissions selon un modèle « business as usual », ce volume avoisine 60%. Pour l’instant, c’est le chemin que nous empruntons. Ces valeurs sont à peu près identiques pour l’ensemble des glaciers mondiaux.

En quoi cette fonte menace-t-elle nos sociétés ?

Les glaciers sont l’une des clés de voûte des écosystèmes terrestres, si elle s’effondre, alors le reste va profondément changer ! Les glaciers représentent une composante majeure du système climatique : ce sont 10% des terres émergées qui renvoient le rayonnement solaire, ils ont un rôle de « réfrigérateur » aussi bien sur terre qu’en mer. Leur fonte contribue donc à accentuer le réchauffement global et à modifier la circulation océanique. Elle mène encore à l’augmentation du niveau marin. En un siècle, celle-ci a été de 23 cm dont 90% associés aux glaciers ainsi qu’aux calottes antarctiques et groenlandaises. Cette hausse a un impact considérable : des îles disparaissent, les traits de côtes sont modifiés. Des déplacements massifs de population sont à prévoir, mais aussi de potentiels conflits liés à l’accès à l’eau.

Vue panoramique du glacier de Bionnassay bientôt protégé par arrêté préfectoral dans le massif du Mont-Blanc. / © J.-B. Bosson

Les ressources en eau devraient diminuer dans un futur proche, même à côté de chez nous…

Le « peak water », c’est-à-dire le moment où un glacier en cours de disparition délivre son débit d’eau maximal, n’a pas été atteint partout. Pour les Alpes, cependant, il a été dépassé dans les années quatre-vingt-dix. Depuis cette date, les flux libérés lors de l’été diminuent lentement, mais d’ici une vingtaine d’années, la chute pourrait-être brutale. Une alerte a déjà été observée dans le bassin lyonnais, en mai 2011 : pour préserver le Léman, alimenté en partie par les glaciers de la haute vallée du Rhône et dont le niveau était trop bas, la Suisse avait décidé de réduire de moitié le débit à la sortie du lac. Des perturbations en cascade s’en sont suivies : Lyon a dû réduire les prélèvements en eau potable dans sa principale nappe phréatique, ailleurs, la centrale du Bugey a dû tourner au ralenti pour préserver ses circuits de refroidissement, la riziculture en Camargue a été touchée par une remontée du « coin salé ». Les problèmes de gestion de la ressource en eau devraient nous toucher de plus en plus cruellement à l’avenir.

Malgré la situation, vous pensez qu’il est encore possible de sauver les glaciers. Par quel moyen ?

Pour sauver les deux tiers des glaciers de notre planète, la seule solution est de limiter le réchauffement global, et donc d’avoir des politiques climatiques plus ambitieuses. Pour ma part, je veux montrer que parmi les sites inscrits au patrimoine de l’Unesco et qui contiennent un ou plusieurs glaciers, certains pourraient se retrouver rapidement sur la liste des sites en péril du fait de leur fonte. Je pense à la zone suisse Jungfrau-Aletsch, au parc national argentin Los Glaciares ou bien à celui de Kluane en Alaska. Le « label Unesco » est un outil de communication touristique important que les états ont grand intérêt à conserver. Utiliser ce levier s’est révélé efficace par le passé. En 2014, alors que l’Union internationale pour la conservation de la nature – UICN – menaçait de déclarer « en danger » la Grande barrière de corail pour cause de son blanchiment, l’Australie a rapidement mis en place toute une série d’actions visant à diminuer les pressions locales (intrants chimiques, ancrages destructifs, transports polluants). Le gouvernement s’est aussi engagé à aller plus loin dans sa politique climatique nationale. Malheureusement, sur ce dernier point, suite à un changement de ce gouvernement, cela n’a pas suivi…

Glacier Perito Moreno, Los_Glaciares, Parc National Argentine/ ©Hiroki Ogawa

Limiter le réchauffement climatique, comment croire à l’action politique ?

Dans nos systèmes politiques, c’est surtout l’exécutif qui détient la clé pour accélérer les politiques climatiques. La signature de l’accord de Paris, en 2015, a été une première étape cruciale : la quasi-totalité des états de la planète a reconnu avoir pris conscience de la gravité de la situation. Cependant, aux prises avec les impératifs économiques de nos sociétés capitalistes, ils ne sont pas, ou très peu, passés à l’action. Je crois cependant au courage politique et au pouvoir régulateur de ce dernier. La crise du Covid en est un bon exemple. Elle nous a montré qu’en cas de danger imminent, celui-ci pouvait reprendre le contrôle sur l’économie pour mettre en place des mesures, certes drastiques, mais acceptées de tous. Avec le réchauffement climatique, nous sommes au bord d’un cataclysme beaucoup plus grave encore… Nous le vivons en temps réel et il ne fera que s’intensifier. La nature va nous imposer politiquement un changement de gouvernance mondiale. Soit nous le préparons dès aujourd’hui, dans l’intelligence et le calme, soit il nous sera imposé de façon violente dans les prochaines décennies, par des crises environnementales, sociales, politiques et économiques sans précédent. La problématique des millions de réfugiés climatiques à venir est un exemple parmi d’autres.

Quels signes vous permettent d’espérer un sursaut dans la transition climatique ?

J’en vois plusieurs. Le premier : la mobilisation de plus en plus importante des citoyens, la jeunesse notamment et ses grèves pour le climat. Inconnue il y a trois ans, Greta Thunberg a été élue, en décembre, personnalité de l’année 2019 par le Time. Puis invitée en janvier dernier au forum économique mondial de Davos avec neuf autres jeunes militants. Chez nos voisins suisses, à travers une « initiative populaire pour les glaciers », une association pour la protection du climat a exigé de son gouvernement de décarboner l’économie et d’inscrire les objectifs de l’accord de Paris dans la constitution du pays. Le texte devrait être voté par referendum citoyen d’ici à 2022. « L’affaire du siècle » a quant à elle récolté chez nous plus de deux millions de signatures en deux mois, un record absolu. Partout, les choses bougent, les citoyens sont prêts à s’emparer du problème, et les élus y sont fortement sensibilisés. C’est le cas de ceux avec qui j’échange lors de mes conférences sur les glaciers et le climat, par exemple. Les dernières campagnes électorales, municipales ou européennes, présentaient les questions environnementales et climatiques comme centrales.

Le glacier de Tré-la-Tête fait l’objet de collecte de données pour des évaluations de son bilan de masse. / © J.-B. Bosson

Aujourd’hui, si l’heure est à la mobilisation pour protéger les glaciers, en quoi les étudier est-il important ?

Bien sûr, nous connaissons déjà énormément de choses sur les glaciers, mais il nous reste encore beaucoup à découvrir. Les modèles qui permettent d’estimer leur évolution en fonction du climat doivent être affinés. La même chose pour la modélisation des flux hydrologiques qui, à l’échelle continentale, permet d’identifier et d’anticiper comment évolue la ressource en eau pour les populations. Seuls cinq cents glaciers sur les 200 000 existants font l’objet d’études actuellement et de bilans de masse sur le terrain, ce qui représente au final très peu de mesures. Même si les satellites ont révolutionné nos pratiques de recherche et facilité certains travaux, on a toujours besoin d’aller sur le terrain, pour observer, récolter des données et voir comment les glaciers réagissent en temps réel. Ils renferment encore de précieux secrets. C’est dans cet état d’esprit d’ailleurs qu’une équipe de glaciologues internationale récolte avec urgence des carottes de glace un peu partout dans le monde pour les enterrer en Antarctique. De sorte à, par ce biais, constituer une bibliothèque mondiale d’archives glaciaires. Un leg pour les scientifiques et les générations futures.

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