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EN SAVOIR PLUS

Publications clandestines et autoédition en RDA : tracts et samizdats

PPublications clandestines et autoédition en RDA : tracts et samizdats

Le séminaire du Centre Gabriel Naudé, laboratoire de recherche de l’Enssib, se propose d’inviter un jeudi par mois un chercheur ou une chercheuse à présenter ses travaux en cours ou tout juste achevées en histoire du livre et de l’imprimé, du Moyen Âge à nos jours.

Toutes les échelles, du micro au macro, toutes les approches, de l’histoire économique et sociale à l’histoire culturelle, de l’histoire politique à l’histoire religieuse, en passant par l’archéologie du livre et la bibliographie matérielle peuvent être mobilisées par les intervenants et intervenantes.

  • Séance du 4 avril 2024 : Hélène Camarade, professeure à l’université Bordeaux Montaigne : « Publications clandestines et autoédition en RDA : tracts et samizdats ».

Cette communication propose de revenir sur la production de tracts (feuilles volantes) et plus généralement de samizdats pendant la République démocratique allemande (RDA) entre 1949 et 1990. Le samizdat est une abréviation tirée du russe qui signifie « autoédition ». Il désigne les écrits autoédités en marge des circuits officiels de publication dans les pays d’Europe centrale et orientale à l’époque soviétique, notamment entre les années 1950 et 1990. Ces écrits paraissent en général dans la clandestinité ou la semi-clandestinité.
Nous verrons comment les samizdats permettent de contourner la censure et de faire entendre des voix dissidentes dans l’espace public contrôlé par le parti communiste, jusqu’à constituer un espace public oppositionnel de nature pluraliste qui prépare les bouleversements de 1989/1990. Nous évoquerons à cet égard la position particulièrement de la RDA en Europe centrale, située à côté de la République fédérale d’Allemagne, qui représente une véritable sphère publique de substitution en langue allemande.

Pour en savoir plus :

ENSSIB

 Pour en savoir plus sur le Centre Gabriel Naudé :

  Consultez le site web 

 

Quand le faible se rit du fort

QQuand le faible se rit du fort

Voilà une approche originale de la Résistance. Une histoire, racontée à travers le prisme du rire, agrémentée d’illustrations dont la plupart, méconnues, sont issues des fonds d’archives de la France Libre.

La bibliothèque aura le plaisir d’accueillir Alya Aglan qui nous parlera de son travail autour de son dernier livre : Le rire ou la vie.

L’auteure s’attache à mettre en avant le rôle de l’humour en temps de guerre, utilisé comme moyen de manifester son désaccord envers un régime autoritaire. Le rire rime alors avec liberté et fait exploser les discours de propagande de l’occupant : un travail captivant.

Podcast « Zootopique » | The Conversation

PPodcast « Zootopique » | The Conversation

« Zootopique » est une série de podcasts réalisés en partenariat avec l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) qui interroge nos relations avec les animaux au prisme de la santé. Après une première saison portant sur des thèmes aussi variés que le déclin des abeilles ou les maladies portées par les moustiques et les tiques, nous vous proposons une deuxième saison.

Grippe, un virus du passé qui a de l’avenir

Pour ce premier épisode, Béatrice Grasland, chef d’unité virologie, immunologie, parasitologie aviaires et cunicoles à l’Anses et Bruno Lina, directeur du centre national de référence pour les virus des infections respiratoires (ENS de Lyon) font le point sur la grippe, ou plutôt les grippes.

Depuis quand cette maladie existe ? Pourquoi cette maladie touche les humains, mais aussi les animaux ? Pourquoi revient-elle tous les ans ? Doit-on s’attendre à une prochaine pandémie ? Sommes-nous prêts ?

Crédits : Conception : Anses et The Conversation France. Réalisation : Moustic Studio. Animation : Benoît Tonson.The Conversation

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La résistance aux antibiotiques, une pandémie silencieuse

Pour ce troisième épisode, Jean-Yves Madec, directeur scientifique de l’axe antibiorésistance de l’Anses et Claire Harpet, anthropologue de la santé, ingénieur recherche à l’Université Jean-Moulin Lyon 3 nous éclairent sur un phénomène inquiétant : l’antibiorésistance. C’est le phénomène qui décrit la résistance des bactéries aux antibiotiques. En faisant reculer de nombreuses maladies bactériennes, les antibiotiques ont transformé les médecines humaine et animale. Mais leur utilisation s’est accompagnée de l’émergence de souches résistantes qui menacent aujourd’hui notre santé. Selon l’OMS, l’antibiorésistance sera à l’origine de 10 millions de morts par an dans le monde, à l’horizon 2050.

Demain, pourrons-nous toujours nous soigner ? Des infections banales pourront-elles devenir de graves menaces ? Est-il possible de lutter contre ce phénomène ?

Retrouvez notre entretien avec Claire Harpet dans le dossier Pop’Sciences – CNRS : « Résistance aux traitements :

« L’antibiorésistance est une conséquence du rapport dévoyé qu’entretient notre espèce avec le reste du vivant »

Crédits : Conception : Anses et The Conversation France. Réalisation : Moustic Studio. Animation : Benoît Tonson.The Conversation


 

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.

>> Retrouvez tous les épisode de Zootopique sur :

THE CONVERSATION

Résistances aux traitements : la recherche en quête de solutions | Un dossier Pop’Sciences et CNRS

RRésistances aux traitements : la recherche en quête de solutions | Un dossier Pop’Sciences et CNRS

En dépit des considérables avancées du domaine biomédical, les bactéries résistent et persistent à déjouer les méthodes thérapeutiques les plus avancées. Si la communauté scientifique continue d’étudier les mécanismes biochimiques de cette antibiorésistance, le champ de la recherche s’étend également aux sciences humaines et sociales et notamment à l’étude des conditions socio-écologiques dans lesquelles elle se développe. Une approche systémique qui ouvre la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques ainsi qu’à une meilleure  prévention.

En partenariat avec le CNRS, Pop’Sciences vous propose un tour d’horizon pluridisciplinaire des recherches qui participent à endiguer la crise sanitaire mondiale de l’antibiorésistance.

L’art de résister

Tous les micro-organismes sont dotés d’une capacité intrinsèque à naturellement s’adapter à leur environnement. Cette fonctionnalité permet aux plus virulents d’entre eux d’infecter massivement les populations humaines, et les nombreuses pandémies qui jalonnent notre histoire en sont les sombres témoignages. Les 25 millions de morts de la peste noire du 16e siècle, ou encore les 40 à 50 millions de personnes que la grippe espagnole a emportées à la fin de la Première Guerre mondiale, comptent parmi les nombreuses victimes de cet « art de résister » des bactéries et des virus.

Le premier antibiotique, la Pénicilline G,  a été découvert à la fin des années 1920 par Alexander Fleming, révolutionnant durablement la médecine et permettant de sauver de nombreuses vies grâce à leur capacité à inhiber la croissance des bactéries ou à les détruire. Dès le départ, cependant, le biologiste écossais  avertissait que les micro-organismes s’adapteraient inévitablement à ce type de molécules si elles étaient utilisées de façon inappropriée : « cela aboutirait à ce que, au lieu d’éliminer l’infection, on apprenne aux microbes à résister à la pénicilline et à ce que ces microbes soient transmis d’un individu à l’autre, jusqu’à ce qu’ils en atteignent un chez qui ils provoqueraient une pneumonie ou une septicémie que la pénicilline ne pourrait guérir. »

Il ne pensait sans doute pas si bien dire, puisque dès les années 1940, les premières bactéries résistantes à ces traitements novateurs étaient identifiées. L’antibiorésistance était alors déjà née, fruit de la fulgurante capacité d’adaptation des bactéries aux stress extérieurs et de la sélection progressive des plus résistantes d’entre elles. Ce phénomène a été en grande partie dopé par l’utilisation excessive et préventive d’antibiotiques chez les humains et les animaux d’élevages intensifs.

Au fil des années, l’antibiorésistance s’est ainsi propagée de façon continue dans le monde entier, au point que certaines bactéries développent désormais des résistances simultanées à différentes familles d’antibiotiques.

Une crise mondiale à bas bruit

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a lancé en 2015 un système mondial de surveillance de la résistance et de l’utilisation des antimicrobiens (GLASS), qui vise à standardiser la collecte et l’analyse des données épidémiologiques à l’échelle du globe. Le dernier rapport qui a été publié dans ce contexte, concerne près des 3⁄4 de la population mondiale et fait apparaître des niveaux de résistance à certains antibiotiques supérieurs à 50 % pour des bactéries telles que Klebsiella pneumoniae (entérobactérie qui peut provoquer pneumonies, septicémies, ou des infections urinaires), ou encore Neisseria gonorrhoeae (une maladie sexuellement transmissible courante).

© Morgane Velten / Cliquez sur l’illustration pour l’agrandir.

En dépit de campagnes de prévention massives (qui ne se souvient pas du martèlement « Les antibiotiques, c’est pas automatique » ?), ou d’autres mesures plus drastiques comme la récente interdiction européenne des usages préventifs en élevage, la résistance aux antibiotiques gagne irrémédiablement en vigueur.

Des infections bactériennes courantes deviennent de plus en plus difficiles à soigner, comme c’est le cas pour la tuberculose ou la salmonellose. Les traitements nécessitent alors des doses plus élevées sur une durée plus longue, ce qui augmente les risques d’effets secondaires chez les personnes malades. Préoccupée, l’OMS prévient que sans mesures d’urgence, « nous entrerons bientôt dans une ère post-antibiotique dans laquelle des infections courantes et de petites blessures seront à nouveau mortelles ».

En plus d’être inquiétante l’antibiorésistance est, en outre, une menace silencieuse et invisible. Elle implique en effet des pathogènes microscopiques – les bactéries – qui s’adaptent aux traitements avec autant de vélocité que de discrétion. La crise sanitaire qui en résulte est également plus difficile à concevoir et à identifier que pour une épidémie « classique » comme la Covid-19. Pourtant, en l’absence d’une inversion de tendance, l’antibiorésistance pourrait être associée aux décès de plus de 10 millions de personnes par an d’ici 2050 (OMS). C’est davantage que le nombre de décès causés par le cancer.

À menace globale, réponse globale

Pour être combattue, l’antibiorésistance exige désormais un investissement de l’ensemble des champs scientifiques ainsi qu’une approche systémique et combinée de la santé humaine, animale et environnementale.

Si les chimistes et les biologistes travaillent toujours d’arrache-pied à décrypter les mécanismes internes de résistance des bactéries et adapter les traitements en conséquence, il convient d’associer ces recherches avec celles menées en sciences humaines et sociales. L’antibiorésistance est un phénomène complexe qui, pour être combattu, requiert d’étudier simultanément les contextes microbiologiques, environnementaux, sociaux et écologiques dans lesquels il se développe.

C’est en adoptant une posture holistique, et en combinant les approches fondamentales, cliniques et sociales, que les scientifiques ouvrent la voie à des stratégies de prévention plus efficaces, des traitements mieux ciblés et de nouvelles thérapies. C’est également l’occasion de repenser  notre rapport aux soins et plus largement notre vision de la santé, à la lumière de l’approche intégrée “One Health” (Une seule santé).

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[1] Le niveau de résistance aux antibiotiques d’une bactérie est mesuré (en %) par un test de sensibilité : l’antibiogramme. Il consiste à exposer la bactérie à différents antibiotiques à des concentrations différentes pour déterminer la concentration minimale inhibitrice (CMI), c’est-à-dire la concentration d’antibiotique qui empêche la croissance de la bactérie.

 

lles RESSOURCES du dossier

Dans ce dossier, nous vous invitons à découvrir les travaux de scientifiques lyonnais, engagés à différents niveaux pour mieux répondre à la crise de l’antibiorésistance.

 

  • #1 : La résistance aux antibiotiques : une problématique environnementale ? Auteure : Amandine ChauviatPublié le 4 janvier 2023
    Comment expliquer que des bactéries, non exposées aux antibiotiques, puissent malgré tout développer des résistances à ces traitements ?

> Lire l’article

Pour aller plus loin :

À l’occasion d’une interview, Amandine Chauviat, doctorante en écologie microbienne, présente son parcours, son sujet de thèse, ses motivations et ses envies…> ÉCOUTER LE PODCAST

  • #2 : Antibiorésistance : comment éviter une crise mondiale ? – Publié le 23 mai 2023
    Si aucune action n’est prise, des millions de décès pourraient, chaque année, être imputés à des maladies causées par des bactéries résistantes aux antibiotiques d’ici 2050. Pour y remédier, des chercheurs ambitionnent de décrypter certains mécanismes de résistance encore énigmatiques, tandis que d’autres préparent le terrain pour de nouvelles stratégies de ciblage de ces médicaments.

> Lire l’article

  • #3 : Un bon en avant vers des médicaments plus performants – Publié le 23 mai 2023 
    Après dix années de travaux, un consortium de chercheurs est en passe de parfaire la compréhension des cibles médicamenteuses, ouvrant la voie à l’amélioration de nombreux traitements.

> Lire l’article

  • #4 : Un espoir pour éradiquer la Brucellose – Publié le 23 mai 2023
    De récentes recherches ont permis d’identifier une série de gènes impliqués dans la propagation de la Brucellose, maladie animale transmissible à l’humain et répandue sur l’ensemble de la planète. L’horizon se dégage pour le développement de traitements plus performants et susceptibles de contourner les mécanismes sophistiqués de défense de la bactérie.

> Lire l’article

  • #5 : Existe-t-il un lien entre la pollution aux métaux lourds et la résistance aux antibiotiques ? – Publié le 23 mai 2023
    Comprendre l’origine et l’évolution de la relation entre les métaux lourds et la résistance aux antibiotiques implique de retourner avant la période industrielle, depuis laquelle des métaux et des antibiotiques sont rejetés dans l’environnement.

> Écouter le podcast

  • #6 : Médicaments, biocides et nappes phréatiquesAuteur : Dir. Communication INSAPublié le 19 janvier 2023
    Jusqu’où peuvent s’infiltrer les molécules pharmaceutiques des médicaments que nous ingérons ? Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics et la communauté scientifique s’interrogent sur la présence de résidus de médicaments dans l’eau et, a fortiori, dans les nappes souterraines.

> Lire l’article

  • #7 : « L’antibiorésistance est une conséquence du rapport dévoyé qu’entretient notre espèce avec le reste du vivant » – Publié le 23 mai 2023
    Claire Harpet, anthropologue, étudie les relations qu’entretiennent les sociétés humaines avec le vivant et s’intéresse particulièrement à la résistance aux antibiotiques comme un fait social total.
    > Lire l’interview

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mmerci !

Ce dossier a été réalisé grâce à la collaboration de différents chercheur.e.s en sciences de l’Université de Lyon. Nous les remercions pour le temps qu’ils nous accordé.

  • Ahcène Boumedjel, professeur de chimie organique à la Faculté de Pharmacie de l’Université Grenoble Alpes et membre du Laboratoire des Radiopharmaceutiques Bioclinique (Université Grenoble Alpes, Inserm)
  • Amandine Chauviat, doctorante au laboratoire d’Écologie Microbienne (CNRS, Université Claude Bernard Lyon 1, INRAE)
  • Pierre Falson, directeur de recherche CNRS au laboratoire Microbiologie moléculaire et biochimie structurale (CNRS, Université Claude Bernard Lyon 1)
  • Christophe Greangeasse, directeur du laboratoire Microbiologie moléculaire et biochimie structurale (CNRS, Université Claude Bernard Lyon 1)
  • Claire Harpet, ingénieure de recherche au laboratoire Environnement, Ville et Société (CNRS, ENTPE, Lyon Lumière Lyon 2, Université Jean Moulin Lyon 3 Jean Moulin, ENSAL, ENS de Lyon, Université Jean Monnet)
  • Catherine Larose, chargée de recherche au laboratoire Ampère (CNRS, INSA de Lyon, École Centrale de Lyon, Université Claude Bernard Lyon 1)
  • Cédric Orelle, directeur de recherche CNRS au laboratoire Microbiologie moléculaire et biochimie structurale (CNRS, Université Claude Bernard Lyon 1)
  • Noémie Pernin, doctorante au laboratoire Déchets, Eaux, Environnement, Pollutions (INSA Lyon)
  • Suzana Salcedo, directrice de recherche INSERM au laboratoire Microbiologie moléculaire et biochimie structurale (CNRS, Université Claude Bernard Lyon 1)

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ppour aller plus loin :

Antibiorésistance : comment éviter une crise mondiale ? | #2

AAntibiorésistance : comment éviter une crise mondiale ? | #2

Ressource #2 du dossier Pop’Sciences – CNRS : « Résistances aux traitements : la recherche en quête de solutions »

Si aucune action n’est prise, des millions de décès pourraient, chaque année, être imputés à des maladies causées par des bactéries résistantes aux antibiotiques d’ici 2050. Pour y remédier, des chercheurs ambitionnent de décrypter certains mécanismes de résistance encore énigmatiques, tandis que d’autres préparent le terrain pour de nouvelles stratégies de ciblage de ces médicaments.

Plus silencieuse mais également plus ancienne que la Covid-19, l’antibiorésistance n’en est pas moins une menace majeure pour la santé mondiale. L’efficacité de nombreux traitements antibiotiques est en effet compromise en raison de la capacité croissante des bactéries pathogènes à échapper à ces stratégies thérapeutiques.

Christophe Grangeasse, Directeur de Recherche CNRS au laboratoire Microbiologie Moléculaire et Biochimie Structurale1 (MMSB), exprime son inquiétude en rappelant qu’en 2014, une étude britannique alertait déjà sur l’importance « de découvrir de nouvelles molécules capables d’échapper aux processus d’antibiorésistance, sans quoi le nombre de décès liés aux bactéries pourrait atteindre 10 millions de personnes et dépasserait celui des décès dus aux cancers d’ici 2050 ».

© Samuel Belaud

Le phénomène est d’autant plus alarmant que « contrairement aux cancers qui touchent majoritairement les personnes plus âgées, les infections bactériennes – elles – s’attaquent à l’ensemble de la population et notamment aux enfants » souligne le récent médaillé d’argent du CNRS.

Une pandémie silencieuse

Cédric Orelle, Directeur de Recherche CNRS dans la même unité, tient à rappeler que « les antibiotiques ont, avant toute chose, révolutionné la médecine moderne. Avant les années 1940, la moindre infection pouvait nous être fatale ! » Néanmoins, il relève aussi que depuis, leur utilisation inappropriée et abusive « y compris dans le contexte des élevages industriels a généré de graves problèmes ».

Des générations de bétail ont en effet été exposées à ces molécules, rendant certaines bactéries de plus en plus résistantes et contraignant les éleveurs à recourir à des doses d’antibiotiques encore plus élevées. En outre, près de la moitié des antibiotiques fabriqués à travers le monde sont destinés à l’élevage et ce chiffre grimpe à 80% aux États-Unis. Une surutilisation qui a entraîné la présence de traces résiduelles d’antibiotiques dans l’environnement : des eaux usées, jusque dans nos assiettes.

La recherche en ordre de bataille

« Par ailleurs, commente Cédric Orelle, les rejets de nombreuses autres molécules dans l’environnement (antiseptiques, pesticides, polluants, etc.) ont aussi pu contribuer à la sélection de bactéries résistantes à ces molécules ainsi qu’à certains antibiotiques ». Combinée avec une administration excessive chez l’humain, cette situation a favorisé la prolifération de bactéries résistantes et l’inefficacité d’un nombre croissant de traitements contre certaines infections.

Face à cette menace grandissante, « la recherche scientifique mondiale peine à trouver des molécules avec de nouveaux modes d’action » souligne Christophe Grangeasse. Les avancées les plus récentes en matière de traitements d’infection bactérienne consistent essentiellement en des modifications d’antibiotiques déjà existants. Dès lors, sous l’impulsion de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et des agences nationales de recherche, les scientifiques du monde entier se sont récemment remis en ordre de bataille pour trouver de nouvelles stratégies de lutte et prévenir une crise sanitaire mondiale. Un combat qui débute par une étape fondamentale : infiltrer les rangs de l’adversaire pour acquérir une connaissance approfondie de ses mécanismes de fonctionnement.

Infiltrer les rangs ennemis

On sait d’ores et déjà que les cellules bactériennes disposent de plusieurs moyens de défense qu’elles peuvent combiner avec une efficacité redoutable. Cédric Orelle les énumère : « elles peuvent acquérir des mutations sur les gènes codant la cible de l’antibiotique ; freiner l’entrée de l’antibiotique dans la bactérie ; exprimer une protéine qui inactive l’antibiotique ; ou enfin, mon sujet d’étude, utiliser certaines protéines membranaires pour rejeter les antibiotiques hors de la bactérie ».

Mécanismes de résistance des bactéries. / © Samuel Belaud

C’est par une analyse approfondie de tous ces facteurs de résistance que les scientifiques espèrent faire émerger de nouvelles solutions pour les contourner. Une des stratégies consiste à explorer de nouvelles voies de régulation des bactéries. Autrement dit, il s’agit de décrypter les mécanismes qui permettent aux cellules bactériennes de contrôler et d’ajuster leur réponse à différents signaux extérieurs.

Découvrir de nouvelles cibles

« C’est une approche novatrice, souligne Christophe Grangeasse, qui se souvient qu’au début des années 2000, un dogme scientifique prédominant soutenait que les bactéries – contrairement aux cellules eucaryotes* – étaient dépourvues d’un ensemble de protéines régulatrices que l’on appelle des sérine/thréonine protéines kinases (PK) ». Il est maintenant clairement établi que ces PK jouent un rôle central dans la capacité des bactéries à se multiplier et à s’adapter à leur environnement.  « Il s’agit d’une avancée fondamentale, insiste le chercheur, car ces protéines pourraient, à terme, être considérées comme de nouvelles cibles thérapeutiques ».

« En utilisant une approche interdisciplinaire alliant l’imagerie cellulaire, la génétique et la biochimie structurale, poursuit-il, nous nous sommes rendu compte que ces PK exerçaient une influence considérable sur l’intégrité de la cellule bactérienne, et donc sur leur survie ». Les travaux que mènent Christophe Grangeasse et son équipe visent donc à décrypter ces mécanismes de régulation pour, à terme, imaginer des traitements qui puissent directement cibler les PK. Ce nouveau type de médicament affecterait la viabilité de la bactérie et l’empêcherait de s’adapter à son environnement et donc de provoquer une infection.

Les pneumocoques, modèles de résistance

Parmi les bactéries particulièrement concernées par la résistance aux antibiotiques qu’étudie le chercheur, le pneumocoque tient une place de choix. Chaque année, malgré l’existence d’un vaccin et d’antibiotiques efficaces, plus d’1,5 million de personnes meurent des suites des conséquences d’une infection par la bactérie Streptococcus pneumoniae dans le monde. Ce pouvoir infectieux s’explique notamment par un des modes de survie du pneumocoque, qui consiste à “assimiler” de l’ADN exogène (qui peut provenir d’autres organismes) et de manipuler ensuite son propre génome de façon à pouvoir acquérir rapidement des mutations. Celles-ci lui permettent ensuite de résister aux traitements antibiotiques et même d’échapper aux vaccins.

Streptococcus pneumoniae observée en microscopie à contraste de phase (arrière-plan) ; et zoom sur une seule cellule observée en microscopie électronique à balayage / © Christophe Grangeasse

Christophe Grangeasse et son équipe étudient également l’ensemble du cycle cellulaire du pneumocoque, pour dénicher une faille dans son système de résistance. Grâce à leur expertise sur les protéines de régulation PK et à une large panoplie de techniques, ils se penchent par exemple sur un mécanisme qui se déroule lors de l’assemblage de la paroi de Streptococcus pneumoniae. Christophe Grangeasse rappelle que « la synthèse du peptidoglycane (élément essentiel de la structure de cette paroi) fait intervenir de nombreuses protéines parmi lesquelles, les PBP (penicillin-binding proteins). Ces enzymes sont la cible privilégiée d’antibiotiques largement utilisés, comme la pénicilline ». Or, ces PBP sont sujets à des mutations génétiques qui permettent aux bactéries de développer une résistance à ces antibiotiques.

Pour prendre la bactérie à son propre jeu, les chercheurs ont choisi de se concentrer sur des protéines régulatrices des PBP. En changeant de cible, leur ambition est de concevoir des traitements qui permettraient de re-sensibiliser les souches résistantes aux antibiotiques, comme c’est le cas pour la pénicilline.

Déceler de nouveaux points faibles

Un étage au-dessus, Jean-Michel Jault et Cédric Orelle s’intéressent à une autre famille de protéines impliquées dans la résistance aux antibiotiques : les pompes à efflux. « Il s’agît de protéines membranaires capables de reconnaître plusieurs types d’antibiotiques et de les rejeter à l’extérieur des bactéries » expose Cédric Orelle. Leur objectif est donc de comprendre comment ces protéines fonctionnent, et quels sont les facteurs qui leur permettent de reconnaître tant d’antibiotiques différents. Pour ce faire, « nous adoptons une approche à la fois biochimique et structurale, déclare-t-il, qui se manifeste concrètement par le recours à des techniques de pointe, comme la cryomicroscopie électronique. » 

Grâce à un travail collaboratif au sein d’un consortium de plusieurs équipes du MMSB, les chercheurs ont pu accéder à des images détaillées et inédites de la structure et révéler certains mouvements essentiels à l’activité de ces pompes à efflux. « Grâce à ces travaux, nous avons notamment pu obtenir de nouvelles informations sur le mécanisme de transport d’une pompe à efflux, poursuit Cédric Orelle, en mettant à jour ce qui favorise sa capacité à rejeter les antibiotiques et comment la protéine utilise l’énergie nécessaire à son fonctionnement ».

L’objectif est donc de comprendre les points forts et les points faibles de ces pompes à efflux, dans le but de faciliter la conception de traitements qui contournent leurs mécanismes de résistance. Les stratégies envisagées pourraient consister à les empêcher de capter de l’énergie, à bloquer leur mouvement pour qu’elles ne puissent plus expulser les médicaments hors de la bactérie, ou encore à contrarier leur capacité de reconnaissance des antibiotiques.

La bataille est encore longue, mais ces recherches prometteuses menées au laboratoire MMSB sont de nature à envisager sereinement l’avenir. Ces travaux très fondamentaux sont cruciaux pour décrire avec précision les mécanismes de régulation qui pourront être la clé de futurs traitements. Une perspective encourageante dans la lutte contre l’antibiorésistance.

Article rédigé par Samuel Belaud, journaliste scientifique, 23 mai 2023.

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[1] Unité CNRS / Université Claude Bernard Lyon 1

Ces recherches ont été financées en tout ou partie, par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) au titre des projets ANR-BIOTIFLUX et PEGASE -AAPG2019. Cette communication est réalisée et financée dans le cadre de l’appel à projet Sciences Avec et Pour la Société – Culture Scientifique Technique et Industrielle pour les projets JCJC et PPRC des appels à projets génériques 2018-2019 (SAPS-CSTI-JCJ et PRC AAPG 18/19).

Un bond en avant vers des médicaments plus performants | #3

UUn bond en avant vers des médicaments plus performants | #3

Ressource #3 du dossier Pop’Sciences – CNRS : « Résistances aux traitements : la recherche en quête de solutions »

Après dix années de travaux, un consortium de chercheurs est en passe de parfaire la compréhension des cibles médicamenteuses, ouvrant la voie à l’amélioration de nombreux traitements.

Près de 70% des médicaments, qu’ils soient administrés pour traiter une légère infection ou un cancer, ciblent des protéines localisées dans la membrane cellulaire, la zone qui entoure chaque cellule. Il est essentiel de parvenir à bien décrypter et décrire ces protéines membranaires (MPs) pour concevoir ensuite des médicaments qui les atteignent efficacement. Toutefois, cette étape a donné du fil à retordre à des générations de scientifiques, puisqu’elle nécessite d’extraire et d’isoler ces protéines à l’aide de détergents* qui peuvent parfois dégrader leur structure.

Des détergents qui brouillent l’analyse des cibles thérapeutiques

« Nous étions confrontés au fait que ces protéines devenaient instables dès lors qu’elles sortaient de leur contexte membranaire » précise Pierre Falson, directeur de Recherche CNRS au laboratoire Microbiologie Moléculaire et Biochimie Structurale1 (MMSB). Dès lors, certaines de leurs fonctions biochimiques observées en laboratoire étaient altérées et différentes de celles qui se produisent naturellement dans la membrane plasmique. Les données permettant d’améliorer la liaison des médicaments aux récepteurs qu’ils ciblent peuvent alors manquer de précision et, finalement, nuire à l’élaboration d’un médicament efficace.

Depuis près de 10 ans2, Pierre Falson a pris les rênes d’un groupement international de chimistes, biochimistes et biologistes pour tenter de résoudre ce problème grâce à la création et l’évaluation de détergents plus « doux ». L’objectif étant de former un milieu stabilisateur qui maintient et préserve la structure des MPs lors de leur analyse. Une fois les protéines intactes isolées, les scientifiques passent à l’étape de la cristallographie pour étudier précisément leur structure tridimensionnelle. Cette technique d’imagerie repose sur la capacité des molécules à se « cristalliser », c’est-à-dire à s’organiser de manière régulière dans l’espace pour former des cristaux. Les chercheurs utilisent alors la diffraction (déviation de rayons) obtenue par le « bombardement » du cristal avec des faisceaux de particules pour déterminer la position exacte (et en 3D) des atomes qui composent les protéines membranaires.

Structure ouverte vers l’extérieur du transporteur ABC BmrA de Bacillus subtilis en complexe avec son substrat, la rhodamine 6G. La structure présente une région cytoplasmique et une région membranaire en conformation ouverte vers l’extérieur de la cellule, avec 2 molécules de rhodamine 6G liées / © Pierre Falson

Une précision jamais atteinte dans la description des protéines membranaires

Ces recherches peuvent être comparées à l’évolution de la photographie pour mieux comprendre les avancées qu’elles ont permises. Les détergents classiques, similaires aux premières solutions de traitement et de développement photographiques, altèrent suffisamment les protéines membranaires pour que la structure de ces dernières soit peu précise. L’objectif était donc de développer une solution plus douce pour révéler la structure de la protéine dans ses moindres détails, tout comme les procédés optiques les plus récents permettent de révéler des images de haute résolution, allant jusqu’au GigaPixel, soit un milliard de pixels. Pierre Falson préfère filer la métaphore serrurière : « si le médicament est une clé, alors la serrure sera la structure moléculaire de la cible, ici les MPs. Notre recherche s’attache donc à mieux connaître ces serrures pour produire des clés sans défectuosité ».

Grâce à leurs travaux sans précédents, les chercheurs ont réussi à concevoir deux concepts de détergents qui ont été brevetés, parmi lesquels les DCODs (glycosyl-substituted dicarboxylate detergents) dont la structure chimique modifiée a considérablement amélioré l’extraction des MPs. L’efficacité du caractère « stabilisant » de ces détergents est mesurée en termes de décalage thermique, c’est-à-dire en comparant les températures à laquelle les MPs se dégradent en présence et en l’absence de détergent. Un décalage thermique considéré comme « positif » se produit lorsque la température à laquelle la protéine se dégrade est plus élevée en présence de détergent qu’en son absence ; on considère alors que son milieu est plus protecteur. Dans le cadre des expériences sur les DCODs, la protéine BmrA, qui aide la bactérie Bacillus subtilis à contrôler la résistance aux antibiotiques,  a ainsi toléré des températures plus élevées de 30°C grâce à ces stabilisants.

Un procédé nobélisé dans l’équation

Dans une nouvelle étape, les chercheurs tentent d’améliorer encore ce procédé d’analyse des protéines, grâce à une autre technique d’imagerie apportée par l’équipe suédoise associée au projet : la cryomicroscopie électronique.

Nobélisé en 2017, ce procédé utilise des échantillons cryogénisés (préservés à froid dans leur état natif) et permet de visualiser des structures complexes à des résolutions très élevées, allant jusqu’à 2-3 Ångströms (1 Ångström = 1 dixième de nanomètre, soit un dix-milliardième de mètre, l’échelle de taille d’un atome). Grâce à cette précision, les chercheurs peuvent déterminer la localisation exacte des domaines actifs et des sites d’interaction des protéines avec d’autres molécules ; une information cruciale pour identifier les sites cibles des médicaments.

Les chercheurs ont ainsi pu comprendre les mécanismes, jusqu’alors inconnus, par lesquels les transporteurs ABC (protéines transmembranaires*) permettent à certaines substances médicamenteuses de franchir la membrane plasmique. Une découverte majeure, qui a fait l’objet d’un article publié en 2022 dans le journal Science Advances.

Une innovation peut en cacher une autre

Pour Ahcène Boumendjel, Professeur des Universités rattaché au Laboratoire des Radiopharmaceutiques Biocliniques3 (LRB), le succès et la rapidité d’innovation de ce projet résident dans « la combinaison fructueuse des expertises en chimie médicinale, biochimie et biologie structurale ». Cette multidisciplinarité offre deux promesses pour le développement de nouveaux médicaments : tout d’abord, les chercheurs peuvent espérer concevoir des molécules qui se lient spécifiquement aux sites cibles identifiés, ce qui permet d’éviter des effets secondaires indésirables. Ensuite, le processus de développement des médicaments (habituellement long d’une quinzaine d’années) pourrait être considérablement réduit en disposant très tôt de données précises sur la structure des protéines cibles des futurs candidats médicaments.

Interrogé sur la possibilité de se passer de détergents pour isoler ces protéines, Pierre Falson répond avec prudence : « c’est envisageable, oui, mais pas tout de suite, loin de là ». Il anticipe d’ailleurs une véritable révolution de la biologie structurale dans les prochaines décennies avec le développement d’AlphaFold. Un outil basé sur de l’intelligence artificielle potentiellement capable de prédire les structures des protéines, mais qui est encore loin d’être pleinement efficace. D’ici là, les solutions apportées par ces chercheurs permettront à la communauté scientifique de parfaire leur compréhension des protéines membranaires et de lutter ainsi plus efficacement contre de nombreuses maladies.

 

Article rédigé par Samuel Belaud, journaliste scientifique, 23 mai 2023.

ppour aller plus loin

 

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[1] Unité CNRS / Université Claude Bernard Lyon 1

[2] Ces recherches ont été financées en tout ou partie, par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) au titre du projet ANR-CLAMP2-AAPG2018. Cette communication est réalisée et financée dans le cadre de l’appel à projet Sciences Avec et Pour la Société – Culture Scientifique Technique et Industrielle pour les projets JCJC et PPRC des appels à projets génériques 2018-2019 (SAPS-CSTI-JCJ et PRC AAPG 18/19).

[3] Unité INSERM / Université Grenoble Alpes

Un espoir pour éradiquer la Brucellose | #4

UUn espoir pour éradiquer la Brucellose | #4

Ressource #4 du dossier Pop’Sciences – CNRS : « Résistance aux traitements : la recherche en quête de solutions »

De récentes recherches ont permis d’identifier une série de gènes impliqués dans la propagation de la Brucellose, maladie animale transmissible à l’humain et répandue sur l’ensemble de la planète. L’horizon se dégage pour le développement de traitements plus performants et susceptibles de contourner les mécanismes sophistiqués de défense de la bactérie.

En France, fin 2022, la Brucellose refait parler d’elle après l’apparition d’un foyer infectieux dans un élevage bovin en Haute-Savoie, pour lequel les bouquetins du massif voisin du Bargy sont soupçonnés d’être les transmetteurs. Afin de se prémunir de nouvelles transmissions de cette maladie très contagieuse aux vaches d’alpages qui paissent non loin de là, les autorités préfectorales décident, en octobre, d’abattre préventivement 75 des ongulés sauvages. Cette méthode d’éradication a provoqué des critiques et exacerbé les tensions entre les éleveurs de la région et les défenseurs de la vie sauvage.

Loin des polémiques que ce type de décision provoque, des scientifiques mènent des recherches fondamentales à la racine du problème : la bactérie Brucella. Les travaux les plus récents ont permis de mieux la décrypter, de mieux comprendre ses mécanismes d’infection et ouvrent la voie à des méthodes innovantes pour mieux la combattre.

Les ravages ancestraux de la brucellose

Fléau du bétail depuis l’Antiquité, la Brucellose fait toujours des ravages dans les rangs des animaux sauvages et d’élevage de nombreuses régions du monde. La maladie n’épargne malheureusement pas non plus les humains et affecte chaque année des millions de personnes. « Elle demeure une des zoonoses (maladies dont l’origine est animale – ndlr) les plus prévalentes dans le monde » souligne Suzana Salcedo, directrice de recherche Inserm au laboratoire lyonnais Microbiologie Moléculaire et Biochimie Structurale (MMSB)1.

Dans ce contexte, la prudence est de mise en raison des risques sanitaires considérables qu’elle pose. La Brucellose peut en effet provoquer de graves troubles, allant de fortes fièvres à des douleurs articulaires et musculaires, ainsi que des complications hépato-biliaires (relatives au foie et aux voies biliaires). Dans certains cas plus sévères, si elle n’est pas diagnostiquée ou traitée à temps, la maladie peut devenir chronique et entraîner des atteintes neurologiques, des troubles cardiovasculaires, ou encore des infections des organes reproducteurs. « Sa nature hautement contagieuse et infectieuse nous oblige à travailler dans un laboratoire de niveau de sécurité biologique 3, avec un contrôle rigoureux de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé – ndlr) », souligne la chercheuse américano-portugaise. Brucella est d’ailleurs considérée comme un agent de bioterrorisme, en raison de son potentiel hautement infectieux par voie aérienne.

Image de macrophages (bleu) infectés par Brucella abortus (magenta) pendant 65 heures.

Image de macrophages (bleu) infectés par Brucella abortus (magenta) pendant 65 heures. L’image a été obtenue par microscopie confocale. / © Suzana Salcedo

Depuis sa découverte par le couple Mary Elizabeth et David Bruce à la fin du 19e siècle, la bactérie a été l’objet d’une attention constante de la part de la communauté scientifique, désireuse de percer les mystères de son processus infectieux. Les chercheurs ont ainsi progressivement élucidé ses voies de transmission, ses effets et ses origines, permettant l’émergence de traitements efficaces et de mesures préventives rigoureuses. Ainsi, la vaccination des animaux, les abattages préventifs de bêtes infectées et de leur entourage, ou encore la pasteurisation du lait ont permis de réduire considérablement la propagation de la Brucellose dans de nombreuses régions du monde.

Les mystères de sa propagation en passe d’être élucidés

Les progrès de la science n’ont cependant pas encore suffi à éradiquer cette menace pour la santé publique. Les traitements antibiotiques actuellement disponibles sont longs à suivre (plusieurs semaines), les rechutes fréquentes, les vaccins ne sont pas assez développés et les mécanismes d’infection restent encore largement méconnus. Malgré cela, Suzana Salcedo, qui a consacré l’essentiel de sa carrière de microbiologiste à l’étude de Brucella, se veut optimiste quant à l’émergence prochaine de solutions pour éradiquer ce fléau. Elle souligne d’ailleurs que ses recherches sur le sujet ont pris un tournant majeur il y a une quinzaine d’années lorsqu’elle était rattachée au Centre d’immunologie de Marseille-Luminy (CIML)2. « C’était un moment charnière où nous avons pu cribler (déchiffrer – ndlr) l’ensemble du génome de la bactérie » se rappelle la chercheuse, pour qui un champ des possibles s’ouvrait après des décennies d’incertitudes scientifiques quant aux mécanismes précis permettant à Brucella d’infecter et de se multiplier en contournant le système immunitaire.

Suzana Salcedo est alors parvenue « à identifier une série de gènes candidats qui codaient pour des protéines effectrices de la bactérie. » Elle a, en d’autres termes, établi une liste de gènes qui pourraient être impliqués dans la production de protéines (des effecteurs) capables de modifier la réponse immunitaire de l’hôte infecté et ainsi de créer un environnement favorable à la croissance bactérienne.

Une bactérie plus sournoise qu’il n’y paraît

La découverte de ces protéines (effecteurs) permettant à la bactérie de se faufiler dans les cellules et d’échapper au système immunitaire de l’hôte, a marqué la fin d’une période de stagnation dans la recherche sur Brucella . « Depuis quelques années, les travaux sont très dynamiques, précise-t-elle. On connaît désormais beaucoup de protéines impliquées, mais on décrypte surtout de plus en plus les mécanismes qui permettent aux bactéries de se “cacher” dans les cellules ». Au cœur de cette dynamique scientifique, les récents travaux de son équipe se distinguent particulièrement, en dévoilant le rôle crucial de deux de ces effecteurs dans la progression de l’infection. Une étape indispensable à l’élaboration de traitements innovants pour lutter contre celle-ci.

Pour comprendre cette avancée scientifique, il faut plonger au cœur des cellules – plus précisément dans le réticulum endoplasmique, repère favori de Brucella pour s’y répliquer. C’est à cet endroit que se déroulent la fabrication et la synthèse des protéines. Une fois infiltrée, la bactérie est en capacité de discrètement détourner les fonctions du réticulum endoplasmique, pour modifier la réponse immunitaire et pouvoir s’y répliquer sans peine. « Ce qui est incroyable avec Brucella et qu’on observe en laboratoire, c’est que cette bactérie peut complètement coloniser une cellule, la remplir, sans pour autant la tuer » s’exclame la chercheuse. C’est justement ce processus, par lequel la bactérie échappe aux processus de défense de cellules, auquel Suzana Salcedo et son équipe donnent aujourd’hui des clés de compréhension.

Un mécanisme resté trop longtemps caché

L’équipe de recherche a ainsi récemment dévoilé deux avancées majeures, publiées dans des revues prestigieuses et qui portent sur deux effecteurs de Brucella qu’elle est parvenue à décrypter. Le premier, BspL (pour Brucella-secreted protein L) est responsable d’un effet étonnant : en détournant une fonction du réticulum endoplasmique, il ralentit la sortie de la bactérie de la cellule, offrant ainsi plus de temps à Brucella pour se reproduire. Le second effecteur que les chercheurs ont identifié vient de faire l’objet d’une publication dans Nature Communications. « Nous l’avons surnommée Nyx, sourit la directrice de recherche, en référence à la personnification mythologique de la nuit, fille du Chaos, tant la fonction de cette protéine est restée longtemps dans l’ignorance ». Les chercheurs ont compris que Nyx empêche la mobilisation d’une protéine de la cellule hôte, SENP3, qui est importante pour la défense de la cellule.

La Nuit Auguste Raynaud © Artvee

Une nouvelle stratégie thérapeutique

Les chercheurs entrevoient désormais comment Brucella diminue la réponse immunitaire et peuvent désormais s’intéresser à comment développer de nouvelles approches anti virulentes. « L’objectif est de développer un traitement innovant qui, au lieu de tuer la bactérie, bloquerait sa capacité à se cacher dans les cellules et l’empêcherait de se reproduire » explique avec conviction la microbiologiste. Imaginez un projecteur qui mettrait en lumière la bactérie pour que le système immunitaire la repère et puisse la neutraliser efficacement.

Suzana Salcedo rappelle par ailleurs que « les traitements antibiotiques actuellement dispensés pour guérir d’une infection à Brucella sont très lourds : la prise se fait sur de longues semaines et l’infection risque de revenir si les patients ne les suivent pas dans leur totalité ». Or, une approche thérapeutique qui ne cherche pas à éliminer mais plutôt à prévenir la dissimulation d’une bactérie dans les cellules pourrait augmenter l’efficacité de nombreux traitements antibiotiques – d’autant plus que la communauté scientifique est de plus en plus préoccupée par les résistances croissantes à ces médicaments.

Une percée qui pourrait, à terme, contribuer à éliminer la brucellose et ainsi éviter l’éclosion de tensions sociales autour de la gestion des foyers infectieux, tout en offrant un nouvel horizon thérapeutique pour de nombreuses autres infections bactériennes, comme celles provoquées par Acinetobacter baumannii, que l’équipe de Suzana Salcedo étudie également.

Article rédigé par Samuel Belaud, journaliste scientifique – 23 mai 2023

 

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[1] Unité de recherche CNRS / Université Claude Bernard Lyon 1

[2] Unité de recherche CNRS / Aix-Marseille Université / Inserm

Ces recherches ont été financées en tout ou partie, par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) au titre du projet ANR-Charm-Ed-AAPG2018. Cette communication est réalisée et financée dans le cadre de l’appel à projet Sciences Avec et Pour la Société – Culture Scientifique Technique et Industrielle pour les projets JCJC et PRC des appels à projets génériques 2018-2019 (SAPS-CSTI-JCJ et PRC AAPG 18/19).

Existe-t-il un lien entre la pollution aux métaux lourds et la résistance aux antibiotiques ? | #5

EExiste-t-il un lien entre la pollution aux métaux lourds et la résistance aux antibiotiques ? | #5

Ressource #5 du dossier Pop’Sciences – CNRS : « Résistance aux traitements : la recherche en quête de solutions »
CHRONIQUE RADIO

Dans le cadre du projet Paleo-MARE, Catherine Larose, chargée de recherche CNRS au laboratoire Ampère, étudie le rôle de la pollution aux métaux lourds dans la propagation de la résistance aux antibiotiques.

© Vincent Moncorgé

Les gènes de résistance : un long processus d’évolution

La résistance aux antibiotiques existe depuis des millions, voire peut-être des milliards d’années. Les antibiotiques sont produits par les micro-organismes comme moyen de défense pour éliminer d’autres organismes : lors de la compétition pour l’accès aux ressources par exemple. S’ils produisent des antibiotiques, ils ont également besoin de développer des gènes de résistances aux antibiotiques pour se protéger. C’est un long processus de sélection évolutive.

Parallèlement, en libérant des métaux lourds dans l’environnement et en altérant les flux géochimiques, les humains ont perturbé l’équilibre naturel à l’échelle planétaire. Les micro-organismes, très vulnérables aux métaux lourds ont aussi développé des gènes de résistance spécifiques.

La présence simultanée de gènes de résistance aux métaux lourds et de gènes de résistance aux antibiotiques dans les génomes microbiens suggère une co-sélection.

Comprendre l’origine et l’évolution de la relation entre les métaux lourds et la résistance aux antibiotiques

Le projet Paleo-MARE consiste à comprendre l’origine et l’évolution de cette relation. Ceci implique de retourner avant la période industrielle, depuis laquelle des métaux et des antibiotiques sont rejetés dans l’environnement. Pour ce faire, Catherine Larose s’appuiera sur l’analyse de carottes glaciaires qui permettront d’étudier, grâce aux éléments qu’elles renferment, des environnements remontant à des milliers d’années.

>>> Catherine Larose est l’invitée de la chronique scientifique « Dis, pourquoi ? » du mois d’avril.
Écoutez son passage radio  en ligne.

Résistances au fil des siècles dans l’Empire russe, en URSS et dans les États post-soviétiques

RRésistances au fil des siècles dans l’Empire russe, en URSS et dans les États post-soviétiques

La Bibliothèque Diderot de Lyon (BDL) est heureuse d’apporter son concours à la tenue du congrès biennal de l’Association française des russisants (AFR). La manifestation est organisée par l’Association, avec la collaboration du département d’études slaves de l’université Jean Moulin Lyon 3 et par la BDL et l’ENS de Lyon.

Le 18 mars, de 10h à 20h, dans la Parenthèse, la BDL accueille le colloque scientifique « Résistances au fil des siècles dans l’Empire russe, en URSS et dans les États post-soviétiques » et propose à cette occasion, du 13 mars au 30 avril, une exposition en deux volets – une illustration des thèmes du colloque et une mise en lumière de la composition des fonds Russie et Europe médiane.

L’histoire de la Russie a été marquée par des régimes tyranniques et des gouvernances autocratiques et autoritaires. Lorsque les oppositions au pouvoir en place ne peuvent s’exprimer librement, se pose la question, réactualisée depuis le début de la guerre en Ukraine, de l’adhésion ou de la résistance, quelle que soit la manière dont elle se manifeste. Ce thème de l’opposition à un pouvoir politique et de diverses formes de mobilisations s’inscrit dans différents courants de la recherche, comme en témoigne en particulier la problématique choisie par le Centre d’études slaves contemporaines (CESC) de l’université Grenoble-Alpes : « Résistances, adaptations et contournements dans la société, la littérature et la culture de la Russie contemporaine ». Cette question des résistances convoque un vaste éventail de disciplines – la littérature, la linguistique, les arts, la sociologie, l’histoire, les sciences politiques, ou encore la géographie et la géopolitique.

 

>> Plus d’informations et inscription :

BIBLIOTHÈQUE DIDEROT

 

>> Retrouvez l’Association Française des Russisants :

Association française des russisants

 

 

1939-1944 | Antoine de Saint-Exupéry, un engagement singulier pour la liberté

11939-1944 | Antoine de Saint-Exupéry, un engagement singulier pour la liberté

Rencontre-débat organisée par les Bibliothèques Universitaires de l’Université Jean Moulin Lyon 3, et animé par Emmanuel Laurentin, producteur de « La Fabrique de l’Histoire » sur France Culture.

Résumé :

À l’occasion de son 40e anniversaire et après une grande exposition autour de Jean Moulin en décembre 2013, l’Université Jean Moulin Lyon 3 propose de poursuivre son exploration de l’engagement, en mettant en lumière le combat pour la liberté qu’a mené Antoine de Saint-Exupéry pendant la Seconde Guerre mondiale.

Les intervenants tentent de comprendre à partir de sa vie, son combat et ses œuvres, la réticence d’Antoine de Saint-Exupéry à rejoindre une organisation de résistance, et abordent les tensions qui s’en sont suivies…

 

Avec la participation de :

  • Laurent Douzou, Professeur des universités en histoire contemporaine à Sciences Po Lyon,
  • Alban Cerisier, Secrétaire général aux Éditions Gallimard,
  • Delphine Lacroix, Responsable culturelle pour la Succession Antoine de Saint-Exupéry d’Agay

 

Réalisation : Philippe Topalian

Images et son : Alexis Grattier

Date : Lundi 1er décembre 2014

 

Pour en savoir plus, consultez le site de :

Université Jean Moulin Lyon 3