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Vis ma vie d’élève-ingénieur.e agronome

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Vous êtes lycéen.ne en Terminale et passionné.e par les sciences, l’environnement ou l’alimentation durable ? L’École d’ingénieurs agronomes Isara Lyon vous ouvre ses portes pour une immersion unique, où chaque atelier scientifique vous propulsera dans des secteurs d’avenir !

> Au programme : des ateliers scientifiques captivants (40 min chacun)

  • Agronomie & Alimentation : Un petit pois pour la science, un grand pas pour la Planète

Explorez l’univers microscopique des sols et comprenez comment de minuscules organismes peuvent révolutionner la biodiversité et l’agriculture durable. Vous serez à l’avant-garde des solutions pour la préservation de nos écosystèmes.

  • Microbiologie alimentaire : Transformez une idée en révolution gustative !

Imaginez créer la prochaine tendance culinaire qui fera vibrer vos papilles. De la conception à la validation qualité, plongez dans l’univers des tests sensoriels et découvrez comment vos idées peuvent conquérir le monde alimentaire.

  • Chimie durable : Le secret d’une agriculture écoresponsable

Envie de contribuer à un avenir plus vert ? Explorez la chimie des sols pour inventer des modèles agricoles respectueux de l’environnement. Votre rôle ? Révéler les mystères de la terre pour proposer des solutions innovantes et durables. Un enjeu crucial pour la planète et pour vous, futur.e ingénieur.e !

  • Biochimie des aliments : Décodez les saveurs de demain

Partez à la découverte des saveurs ! La biochimie des aliments vous permettra de comprendre et sublimer les saveurs. Apprenez à créer, analyser et transformer les goûts à travers des expériences scientifiques fascinantes.

  • Élevage et biodiversité : L’incroyable voyage des saveurs animales

Saviez-vous que la biodiversité animale peut changer notre alimentation ? Venez percer les secrets du lien entre l’élevage, la biodiversité et nos assiettes. Découvrez comment un simple « meuh » peut se transformer en une explosion de saveurs fromagères !

> Les dates (sur inscription) :

>> Pour plus d’information, rendez-vous sur le site : 

ISARA Lyon

Sève et Sens

SSève et Sens

©Sève et Sens

Pour découvrir quelques petites histoires secrètes de plantes, viens donc écouter le podcast Sève et Sens. Traversant les âges et leurs mythes, passant par leurs usages médicaux, religieux, ou quotidiens, partons ensemble dans ce tour du monde quelque peu éthnobotanesque !
J’espère que tu y prendras goût !

Qu’est-ce que l’ethno-botanique ?

Le Museum d’Histoire Naturelle de Paris la définit comme « l’une des branches de l’ethnobiologie : elle correspond à la science de l’Homme étudiant les interrelations des sociétés humaines avec leur environnement, et se concentre sur les plantes connues, nommées et utilisées par les Hommes ».

L’origine de Sève et sens

Doctorante en 1e année en biologie végétale et passionnée par les plantes en tout genre, j’ai récolté au gré du vent et des voyages, une multitude d’anecdotes végétales croustillantes à partager.  J’ai traversé les terres tropicales de Thaïlande, puis du Laos où je me suis familiarisée avec l’éthno-botanique.

Ainsi, ces mois d’expédition, d’échanges et de réflexions ont porté leurs fruits (et leurs fleurs) pour aboutir à une série de podcasts qui parlent de plantes.

@evou_dessine

Avec ces podcasts, de 10 à 20 min, chacun explorant une plante, je partage des légendes, des symboles, des utilisations des plantes. Je fais également découvrir le travail de scientifiques en histoire, en art, en biologie, ce qui permet aussi de sensibiliser aux questions écologiques.

>> Les épisodes : 

>> Pour en savoir plus et écouter les podcasts :

Sève et sens

Écoute gratuite sur Spotify et Youtube.

Collaborateur.ice.s :

@bleu_bachir |Compositeur du jingle du podcast

@evou_dessine_unpeu | Illustratrice du podcast

 

Club de mathématiques discrètes

CClub de mathématiques discrètes

La Maison des mathématiques et de l’informatique de Lyon, Animath et l’IREM de Lyon en collaboration de l’ENS de Lyon et l’Institut Camille Jordan vous propose une nouvelle activité.

Tu aimes les mathématiques et les défis qu’elles posent ? Tu jubiles à résoudre des problèmes ? Tu cherches des énoncés, méthodes et solutions et tu souhaites aller plus loin dans cette voie ? Tu dois sûrement te demander : «Mais pourquoi n’y a-t-il pas des clubs, des conservatoires ou des classes de maths comme il y a des classes musicales ou sportives».

Rejoins-nous ! Rejoins le Club de Mathématiques Discrètes de Lyon. Tu peux commencer à tout moment, même en cours d’année. Notre club s’adresse surtout aux collégiens (à partir de la cinquième) et lycéens de l’Auvergne-Rhône-Alpes, mais tous les jeunes matheux sont les bienvenus. Il s’agit de pratiquer les mathématiques comme un loisir.

Trois niveaux sont en général proposer, permettant à toutes et à tous de commencer facilement, même en cours d’année :

  • Groupe débutant pour des collégiens | cinquième – troisième
  • Groupe intermédiaire
  • Groupe avancé

>> Pour plus d’information, rendez-vous sur le site :

Club de mathématiques

 

Physique : une recherche multimillénaire, sans cesse renouvelée | Un dossier Pop’Sciences et CNRS

PPhysique : une recherche multimillénaire, sans cesse renouvelée | Un dossier Pop’Sciences et CNRS

En son temps, Isaac Newton confiait « si j’ai pu voir plus loin, c’est que je me tenais sur les épaules de géants ». L’intellectuel britannique s’inscrit dans une immense lignée de physiciennes et de physiciens qui n’ont eu de cesse de bouleverser notre compréhension des phénomènes naturels. L’Année de la physique est l’occasion de revenir sur cette épopée scientifique et de découvrir certains des travaux les plus récents et innovants. 

© Emilie Josse

Poussée par sa curiosité et son désir de compréhension des phénomènes naturels, l’humanité s’est toujours efforcée de décrire et percer les mystères de l’Univers qui l’entoure. C’est ainsi qu’est née la physique, une discipline qui explore les lois fondamentales régissant la matière, l’énergie et les forces qui animent notre monde. L’histoire de la physique se lit comme un récit fascinant fait de découvertes, de théories révolutionnaires et de progrès scientifiques qui ont transformé notre perception du monde, et qui continuent à le faire. 

L’Année de la physique, qui prend forme tout au long de l’année scolaire 2023-2024, est l’occasion de mettre en lumière cette histoire, ainsi que les grandes avancées et les enjeux contemporains de la recherche en physique. Cet évènement est une occasion sans pareille pour découvrir ou redécouvrir l’intérêt de la discipline et l’étonnante diversité des sujets qu’elle explore. 

Une aventure scientifique multimillénaire 

La physique prend racine dès la Préhistoire, spécifiquement au cours du Néolithique entre 9 000 et 2 500 ans avant l’ère commune (AEC). Désireux de comprendre les phénomènes physiques de leur monde, les humains d’alors ont notamment scruté les astres, décrit leurs mouvements et créé les premiers instruments de mesure du temps. En mettant en œuvre l’élément constitutif de toute démarche scientifique – l’observation – ils ont pu suivre les saisons, rythmer les périodes agricoles et commencer à se sédentariser.  

Par la suite, les savants de l’Antiquité grecque ont magnifié cette « science des phénomènes naturels et de leurs évolutions ». Ainsi, Thalès de Milet (625 – 545 AEC), bien qu’il soit plus connu pour son théorème mathématique sur les triangles semblables, fut l’un des premiers penseurs à introduire la pensée rationnelle pour expliquer les causes des phénomènes naturels. On lui doit notamment le concept « l’eau est la cause matérielle de toute chose », qui démontre un détachement des explications mythologiques encore très prégnantes à l‘époque. Plus tard, Aristote (384 – 322 AEC) émit les premières théories du mouvement dans son traité La physique. Ses intuitions et ses méthodes ont jeté les bases de la pensée scientifique sur les phénomènes naturels et inspiré des dizaines de générations de scientifiques jusqu’à la Renaissance et l’émergence de la physique moderne. 

Une révolution peut en cacher une autre 

L’histoire de la physique est jalonnée de révolutions intellectuelles. Une des principales s’est déroulée entre le 16e et le 17e siècle avec les travaux des premiers grands noms de la physique moderne parmi lesquels Johannes Kepler, Nicolas Copernic, Galilée, ou Isaac Newton. À ces esprits visionnaires nous devons, en outre, de nouveaux paradigmes en mécanique céleste et en instrumentation astronomique (la lunette galiléenne), ainsi que la loi fondamentale de la gravitation universelle (la pomme qui chute sur la tête de Newton) et celles du mouvement. Leurs contributions ont permis des avancées spectaculaires dans les domaines de l’astronomie, de la mécanique et de l’optique. Dans le même temps, l’ère de la science moderne prenait forme dans le sillage des écrits de René Descartes sur la méthode (induction, déduction), tandis que Blaise Pascal esquissait les premières notions de pression atmosphérique (au sommet du Puy-de-Dôme).  

Sur les épaules de ces géants, des générations de scientifiques se sont succédées pour observer, décrire et modéliser une infinité de phénomènes physiques optiques, mécaniques, électriques, thermodynamiques, acoustique, jusqu’à l’essor de la physique moléculaire, puis celle de la radioactivité entre le 19e et le 20e siècle. Au tournant des grands conflits mondiaux, d’autres percées scientifiques ont à nouveau révolutionné notre perception de l’Univers et de la réalité. Les théories de la relativité générale d’Albert Einstein et de la mécanique quantique ont ainsi entraîné des bouleversements majeurs dans notre compréhension fondamentale de la matière, du cosmos et du temps, depuis l’infiniment petit jusqu’aux immensités des corps célestes. 

Eveiller la curiosité  

Aujourd’hui, la physique se révèle plus dynamique que jamais, portée par une communauté scientifique mondiale passionnée et engagée. Des tableaux des salles de classe jusqu’aux très grands instruments, elle participe à la résolution des grands défis de notre époque, qu’ils soient environnementaux, énergétiques, sanitaires ou technologiques. 

« Rien dans la vie n’est à craindre, tout doit être compris » proposait Marie Skłodowska-Curie, la première et seule physicienne doublement nobélisée ! Les femmes, aussi, ont marqué l’histoire de cette discipline. Lise Meitner (fission nucléaire), Maria Goeppert-Mayer (mécanique quantique, également nobélisée) ou encore Claudine Hermann (physique des solides), comptent parmi les nombreuses physiciennes qui perfectionnent notre compréhension du monde et encouragent les carrières scientifiques pour toutes et tous. C’est dans cet esprit que s’inscrit l’engagement de Pop’Sciences et de la délégation Rhône Auvergne du CNRS en cette Année de la Physique.  

Nous proposons une série de six articles reflétant la diversité et la richesse de la recherche en physique, menée à l’institut Lumière Matière (unité CNRS,  université Claude Bernard Lyon 1) et au Laboratoire de physique de l’ENS de Lyon (unité CNRS, ENS de Lyon). Ils offrent un aperçu des travaux en cours et des avancées les plus récentes en thermodynamique, en mécanique des fluides, en catalyse photochimique, ou encore sur l’étude de nouveaux états de la matière. À travers ce dossier, nous espérons inspirer les curieux de sciences, montrer la surprenante diversité des métiers de la physique et éveiller la curiosité des jeunes élèves. 

Article rédigé par Samuel Belaud, journaliste scientifique – mai 2024 

lles RESSOURCES du dossier

Dans ce dossier, nous vous invitons à découvrir un aperçu des travaux en cours et des avancés récentes de physiciennes et physiciens lyonnais. Pour chaque article, les liens avec les programmes scolaires sont proposés.

  • #1 : La nanofluidique : une physique pour la filtration et l’énergie – Publié le 13 mai 2024

© Pauline Petit

De récents travaux de physiciens révèlent des phénomènes surprenants dans la dynamique des fluides à l’échelle nanométrique. Certains des mécanismes découverts pourraient être utiles à la filtration des liquides et à la production d’électricité propre et durable.

LIRE L’ARTICLE

 

  • #2 : L’art de contrôler la chaleur à l’échelle nanométrique – Publié le 13 mai 2024

©courtesy of Elettra Sincrotrone Trieste

 

Dans le monde infiniment petit des nanomatériaux, la propagation de la chaleur suit sa propre logique. Des physiciens s’attèlent à comprendre et maîtriser cette drôle de dynamique thermique et ouvrent la voie à des avancées technologiques cruciales, notamment pour relever les défis de l’efficacité et de la transition énergétique. 

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  • #3 : Les stupéfiantes propriétés des bactéries magnétotactiques – Publié le 13 mai 2024

© Rémy Fulcrand

Si les ballets aériens des nuées d’oiseaux vous fascinent, vous serez certainement captivés par les comportements collectifs d’autres organismes, bien plus petits, mais non moins surprenants : les bactéries magnétotactiques (BMT). Récemment découvertes, les physiciens s’intéressent de près à leurs propriétés, notamment leur capacité à se déplacer en suivant les lignes du champ magnétique terrestre. 

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  • #4 : La nage bactérienne et la discrète révolution de la matière active – Publié le 13 mai 2024

© Raman Oza – Pixabay

Connues pour leur capacité de nage autonome et leurs intrigants comportements collectifs, les bactéries passionnent les physiciennes et physiciens. En décryptant leurs stratégies singulières de déplacement, une équipe de recherche ouvre des perspectives inédites pour l’utilisation de la matière et la conception de nouveaux matériaux. 

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  • #5 : La photocatalyse promet d’accélérer la transition énergétique – Publié le 13 mai 2024

© Jean-Claude MOSCHETTI / ISCR / CNRS Images

 

Un projet de recherche allie chimie et physique pour exploiter les propriétés de la lumière et du molybdène, métal abondant et peu coûteux, afin de catalyser des réactions chimiques clés dans le cadre de la transition énergétique. 

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  • #6 : Coup de froid sur le magnétisme : les glaces de spin– Publié le 21 novembre 2024

Générée par IA

L’étude à très petite échelle de certains matériaux ferromagnétiques montre que les atomes qui le composent se comportent comme de microscopiques aimants qui, à très basse température, s’agencent en une structure magnétique ordonnée et régulière. Dans certains de ces matériaux appelée « glace de spin », on ne trouve pas d’ordre ferromagnétique absolu, même aux plus basses températures. On parle alors de magnétisme frustré.
L’étude de ces matériaux permet de mieux comprendre les propriétés fondamentales de la matière, mais fait aussi émerger des phénomènes nouveaux qui laissent entrevoir de futures applications technologiques et industrielles.

LIRE L’ARTICLE

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mmerci !

Ce dossier a été réalisé grâce à la collaboration de différents scientifiques de l’Université de Lyon. Nous les remercions pour le temps qu’ils nous ont accordé.

ppour aller plus loin :

Nous vous proposons une sélection de ressources accessibles en ligne pour vous et vos élèves.

La nanofluidique : une physique pour la filtration et l’énergie | #1

LLa nanofluidique : une physique pour la filtration et l’énergie | #1

Ressource #1 du dossier Pop’Sciences – CNRS : « Physique : une recherche multimillénaire, sans cesse renouvelée »
ARTICLE 

De récents travaux de scientifiques révèlent des phénomènes surprenants dans la dynamique des fluides à l’échelle nanométrique. Certains des mécanismes découverts pourraient être utiles à la filtration des liquides et à la production d’électricité propre et durable.

Film de savon suspendu sur un cadre, d’épaisseur nanométrique. © Pauline Petit

Comment l’eau et les ions1 se comportent-ils lorsqu’ils sont confinés à l’échelle de quelques molécules ? Cette question est loin d’être anecdotique, puisqu’y répondre ouvre la voie à la conception de membranes d’échelle nanométrique, qui pourraient accélérer l’innovation dans des domaines aussi variés que la désalinisation, la filtration, ou la production d’énergie propre.

Anne-Laure Biance est une physicienne passionnée par la mécanique des fluides. À la tête de l’équipe Liquides et Interfaces de l’institut Lumière Matière2, elle explore avec ses collègues les propriétés étonnantes de films de liquide ultraminces. Il s’agit de couches de liquide de quelques nanomètres d’épaisseur qui recouvrent certaines surfaces solides, quand elles sont exposées à de la vapeur d’eau. À cette échelle, les interactions entre les molécules du liquide, du solide et de l’air, peuvent modifier la forme, la stabilité et le transport des ions dans le film de liquide, et ainsi créer des phénomènes intéressants pour la science et la technologie.

Des systèmes naturels qui s’auto-assemblent

Les scientifiques lyonnais ont récemment publié un article dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, qui révèle de surprenants phénomènes de couplage entre les molécules d’eau, les ions et la surface solide sur laquelle le film se forme. « Nous avons étudié les interactions que les molécules d’eau en circulation et les ions présents dans le milieu, ont avec les parois du solide », détaille la chercheuse. Leur objectif : comprendre ces interactions dans le détail, pour ensuite proposer des principes généraux pour développer une nouvelle génération de membranes aux capacités filtrantes ou électriques encore inégalées.

Pour mener à bien leur projet, les scientifiques ont adopté l’approche originale de la « soft nanofluidique” pour leurs expériences. Il s’agit d’étudier les écoulements de fluides à l’échelle nanométrique « en utilisant des systèmes naturels qui s’auto-assemblent, comme c’est le cas pour les films de savon3, ou pour nos films de mouillage », précise Anne-Laure Biance (voir le schéma ci-après). Ces derniers se forment spontanément par l’attraction de l’eau sur un solide (le substrat) hydrophile, en l’occurrence de la silice. Les chercheurs sont parvenus à former des films homogènes et extrêmement fins, dont ils peuvent varier l’épaisseur en contrôlant l’humidité de l’environnement

Au-delà des lois classiques de la physique

Une fois les films de mouillage constitués et stabilisés, l’équipe de physiciens s’est attaquée à l’étude du transport des ions à l’intérieur de ceux-ci, c’est-à-dire leur capacité à laisser passer le courant électrique. Pour ce faire, ils ont déposé des électrodes sur les substrats pour mesurer le courant induit par le déplacement des ions. Or, « dans ce type de système, les interactions entre la membrane et la paroi du substrat sont parfois originales » observe Anne-Laure Biance. En effet, en dessous d’un nanomètre d’épaisseur, les réactions physico-chimiques diffèrent de celles prévues par les lois classiques de la physique des fluides.

Conductance des films de mouillage

Conductance des films de mouillage. © Emilie Josse

Les scientifiques ont exploré ces comportements troublants et sont désormais en mesure de décrire les trois facteurs qui influencent la conductance des films de mouillage, c’est-à-dire leur aptitude à conduire le courant. Il s’agit de la nature du substrat sur lequel les films s’assemblent, de l’épaisseur de ces derniers et de la présence d’une couche moléculaire particulière entre les deux.

  • D’abord, la surface du substrat de silice qu’utilisent les physiciens se charge au contact de l’eau. Cette charge crée un potentiel électrostatique (une capacité à attirer d’autres charges) qui influence la distribution des ions dans la membrane.
  • Ensuite, la conductance des ions dépend de l’épaisseur du film de mouillage, que les scientifiques sont capables d’ajuster. Plus le film est épais, plus la conductance est élevée (jusqu’à un plateau haut autour de 1,2 nm).
  • Enfin, ce phénomène est également affecté par la présence d’une couche moléculaire près de la surface du substrat, dans laquelle les ions sont bloqués. Cette couche a une épaisseur d’environ 0,3 nm, correspondant à la taille d’une molécule d’eau. Anne-Laure Biance et son équipe ont constaté «qu’en dessous de cette épaisseur, les ions pouvaient littéralement se coller à la surface du substrat, pour ne jamais s’en détacher et inhiber ainsi le transport électrique ».

Offrir un avenir à l’énergie osmotique

En caractérisant précisément la dynamique des fluides à ces échelles, les physiciens ouvrent la voie à la conception de nouveaux systèmes de filtration ou de conversion d’énergie, comme la récupération d’énergie osmotique. Il s’agit de l’énergie générée en exploitant la différence de salinité entre deux milieux liquides qui se rencontrent, comme un fleuve qui se jette dans l’océan. Au moment de cette osmose, des charges positives et négatives sont transportées à travers des membranes séparant l’eau douce et l’eau salée, et produisent un courant ionique converti ensuite en un courant électrique.

Récupération de l'énergie osmotique

Récupération de l’énergie osmotique. © Emilie Josse

C’est ce que propose déjà la start-up Sweetch Energy, à laquelle s’est associée Anne-Laure Biance à son lancement. L’entreprise offre une « solution électrique zéro émission, permanente et rentable », à base d’eau, de sel, et de membranes INOD®.

Les récentes avancées du laboratoire en nanofluidique, que ce soit sur les films de mouillage ou sur des systèmes similaires comme des bulles de savon, font espérer les physiciens de pouvoir « encore mieux comprendre les mécanismes de récupération d’énergie osmotique», et contribuer ainsi à la montée en puissance de cette technologie dans le mix électrique mondial. Au regard du potentiel que cette source d’énergie représente sur terre (625TW par an4, soit l’équivalent de 3 % de la consommation mondiale d’électricité), force est de constater qu’aux grands maux du climat, les remèdes ne sont pas nécessairement grands par la taille.

Article rédigé par Samuel Belaud, journaliste scientifique – mai 2024

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1 Un ion est un atome qui a gagné ou perdu un ou plusieurs électrons, ce qui lui confère une charge électrique. Son déplacement dans l’eau provoque la conduction d’un courant électrique.

2 Unité CNRS, Université Claude Bernard Lyon 1

3 Un film de savon est le fin film liquide souvent coloré qui entoure une bulle de savon.

4 Potentiel énergétique pratique du gradient de salinité global – ScienceDirect

 

Ces recherches ont été financées en tout ou partie, par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) au titre du projet ANR-SoftNanoFlu-AAPG2020. Cette communication est réalisée et financée dans le cadre de l’appel à projet Sciences Avec et Pour la Société – Culture Scientifique Technique et Industrielle pour les projets JCJC et PRC des appels à projets génériques 2020 (SAPS-CSTI-JCJ et PRC AAPG 20).

L’art de contrôler la chaleur à l’échelle nanométrique | #2

LL’art de contrôler la chaleur à l’échelle nanométrique | #2

Ressource #2 du dossier Pop’Sciences – CNRS : « Physique : une recherche multimillénaire, sans cesse renouvelée »
ARTICLE 

Dans le monde infiniment petit des nanomatériaux, la propagation de la chaleur suit sa propre logique. Des physiciennes et physiciens s’attèlent à comprendre et maîtriser cette drôle de dynamique thermique et ouvrent la voie à des avancées technologiques cruciales, notamment pour relever les défis de l’efficacité et de la transition énergétique.

Salle expérimentale du laser à électrons libres FERMI à Trieste, vue du haut © Photo courtesy of Elettra Sincrotrone Trieste

Dans un contexte d’urgence climatique et de crises énergétiques à répétition, la maîtrise de la chaleur et l’efficacité des nouvelles technologies sont devenues des impératifs. « Seulement 34 % de l’énergie aujourd’hui produite dans le monde est réellement utilisée. Le reste est perdu, le plus souvent sous forme de chaleur », pointe Valentina Giordano, physicienne à l’institut Lumière Matière1. Les émanations d’air chaud, de vapeur ou de fumées comptent parmi les pertes industrielles de cette chaleur fatale, que de nouveaux procédés de thermoélectricité visent à récupérer et transformer en courant électrique. L’agence de la transition écologique (Ademe) estime, en outre, que ce gisement inexploité d’énergie représente, pour l’industrie française, « un peu plus de 1,66 million équivalents logements ».

Le défi de la gestion de la chaleur se pose aussi pour les structures d’échelle nanométrique, qui mesurent moins d’un milliardième de mètre. Selon l’application visée, il faut pouvoir maîtriser la façon dont la chaleur se propage à l’intérieur de ces nano-objets. Parfois, il faut la limiter, parfois l’augmenter, parfois l’empêcher de sortir ou d’entrer. Mais la course à la miniaturisation pour ces nouvelles technologies génère d’importants défis, et la dynamique thermique opérante à ces petites échelles n’est pas encore tout à fait comprise par les physiciens.

Les phonons, ou la danse vibratoire des atomes

Zoomons d’abord à l’échelle atomique, où la matière solide est loin d’être immobile. Les atomes qui la composent interagissent entre eux et provoquent des vibrations, appelées phonons. Lorsque la matière perd ou gagne de l’énergie, ce sont ces mêmes phonons qui assurent son transport. La compréhension de ces mouvements, qui jouent un rôle essentiel dans la propagation de la chaleur, est au cœur des travaux de Valentina Giordano.

Dynamique thermique et propagation des phonons

Dynamique thermique et propagation des phonons. © Emilie Josse

La physicienne s’est d’abord intéressée aux matériaux dits désordonnés. « Contrairement à un matériau ordonné où les atomes sont positionnés dans l’espace de façon régulière (par exemple sur les coins d’un cube) et connectés entre eux par des forces stables, un matériau désordonné comme un liquide, ou un verre, voit ses atomes éparpillés de façon aléatoire », explique-t-elle. Or, ces systèmes désordonnés, notamment les verres, sont connus pour avoir « une faible conductivité thermique, car le désordre atomique provoque une mauvaise propagation des phonons. Mais on ne connait pas encore très bien les raisons profondes de ce phénomène ».

Valentina Giordano cherche donc à comprendre le comportement des phonons dans ces compositions désordonnées de la matière. Elle s’intéresse notamment à leur fréquence, à leur durée de vie, ainsi qu’à leur libre parcours moyen, c’est-à-dire la distance qu’ils parcourent avant de rencontrer un obstacle.

Les nanostructures éclairent la circulation des phonons

Entourée d’un consortium de collègues nationaux et internationaux2, la physicienne a réalisé une expérience pionnière pour mesurer ces mouvements (ondes) de phonons, dans une membrane de nitrure de silicium (SiN), un matériau céramique très robuste utilisé dans de nombreuses applications technologiques. La membrane, d’une épaisseur de 55 nanomètres, est percée de trous (pores) régulièrement disposés en carré de côté de 377 nanomètres (A), avec une distance de 253 nanomètres entre les trous (N) et un diamètre (D) moyen de 124 nanomètres.

Effets d’une nanostructure sur le mouvement des phonons. © Emilie Josse

Pour comprendre le fonctionnement des ondes vibrationnelles, Valentina Giordano mobilise l’exemple du mouvement des vagues sur le rivage : « en se rapprochant de la terre ferme, les vagues peuvent rencontrer des rochers ou d’autres obstacles qui peuvent ralentir voire arrêter leur course ». L’effet de l’obstacle sur la propagation de la vague dépend donc de sa longueur d’onde ainsi que de sa taille initiale : un gros rocher n’arrêtera pas un rouleau de 5 mètres, mais viendra facilement casser une petite mousse de surfeur débutant.

« Si la longueur d’onde de la vague (la distance entre deux crêtes successives) est très importante par rapport à la taille du rocher, la vague pourra le « traverser » tranquillement, ce qui n’est pas le cas si les deux dimensions sont comparables » poursuit la chercheuse. Il en est de même pour les ondes vibrationnelles des phonons : un matériau nano-structuré est composé de barrières (trous) qui freinent ou empêchent la circulation des phonons avec des longueurs d’onde de dimensions comparables, c’est-à-dire nanométrique.

Leurs résultats, publiés dans la revue Nature Communications, démontrent que, si la fréquence des phonons est peu modifiée par la présence des trous, leur durée de vie est en revanche beaucoup plus courte « à cause des interférences causées par la réflexion des phonons sur les trous » précise la chercheuse. Cependant, les scientifiques ont aussi observé que, malgré une forte diminution des phonons individuels, la multiplication des réflexions permet au transport de la chaleur de demeurer efficace.

Pour explorer ces propriétés de propagation des phonons à l’échelle nanométrique, les chercheurs ont utilisé des lasers. Une première impulsion laser a été appliquée au matériau, provoquant une dilatation locale et un échauffement. Cela génère des ondes vibratoires, les phonons, qui se propagent ensuite dans le matériau avant qu’une seconde impulsion laser n’intervienne pour les mesurer. Cette technique est appelée pompe-sonde optique.

Mesure des comportements thermiques dans une nanostructure

Mesure des comportements thermiques dans une nanostructure. © Emilie Josse

Vers une nanothermique sur-mesure

En caractérisant comment les phonons interagissent entre eux et avec la surface, les scientifiques ouvrent la voie à la création de nanomatériaux façonnés « sur mesure ». Selon l’agencement et la taille des trous dans la membrane, la conductivité thermique peut ainsi être augmentée, diminuée, ou confinée et répondre à des besoins industriels spécifiques.

La thermoélectricité n’est pas le seul domaine pour lequel ces travaux présentent un intérêt. Valentina Giordano et ses collègues ont ainsi travaillé sur des structures nanométriques composées de particules de tellurure de germanium cristallin, entourées de carbone amorphe, qui pourraient améliorer l’efficacité énergétique des mémoires à changement de phase. Il s’agit d’une forme de mémoire informatique qui stocke des données en utilisant la différence de résistance électrique entre deux états d’un matériau, l’un cristallin et l’autre amorphe, par chauffage. Mais, comme le souligne Valentina Giordano, « ce type de mémoire consomme encore beaucoup d’énergie ». En créant cette nanostructure, ils sont parvenus à « faire baisser la conductivité thermique et éviter que la chaleur nécessaire au changement de phase ne se dissipe ».

Avec leurs travaux sur le transport thermique des nanostructures, les physiciens jouent un rôle essentiel face au défi énergétique mondial. En effet, celui-ci ne saurait être relevé sans un effort d’innovation à chacune des échelles de la matière.

Article rédigé par Samuel Belaud, journaliste scientifique – mai 2024

 

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1 Unité CNRS, Université Claude Bernard Lyon 1

2 Laboratoire de mécanique des contacts et des structures – Lamcos (unité CNRS, INSA Lyon), Centre d’énergétique et de thermique de Lyon – CETHIL (unité CNRS, INSA Lyon, Université Claude Bernard Lyon 1), CEA-Leti, Laboratoire des matériaux et du génie physique – LMGP (unité CNRS, Université Grenoble Alpes), Institut Néel Grenoble unité CNRS), Elettra Sincrotrone Trieste, Université de Liège

 

Ces recherches ont été financées en tout ou partie, par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) au titre du projet ANR-MAPS-AAPG2020. Cette communication est réalisée et financée dans le cadre de l’appel à projet Sciences Avec et Pour la Société – Culture Scientifique Technique et Industrielle pour les projets JCJC et PRC des appels à projets génériques 2020 (SAPS-CSTI-JCJ et PRC AAPG 20).

Les stupéfiantes propriétés des bactéries magnétotactiques | #3

LLes stupéfiantes propriétés des bactéries magnétotactiques | #3

Ressource #3 du dossier Pop’Sciences – CNRS : « Physique : une recherche multimillénaire, sans cesse renouvelée »
ARTICLE 

Si les ballets aériens des nuées d’oiseaux vous fascinent, vous serez certainement captivés par les comportements collectifs d’autres organismes, bien plus petits, mais non moins surprenants : les bactéries magnétotactiques (BMT). Récemment découvertes, les physiciennes et physiciens s’intéressent de près à leurs propriétés, notamment leur capacité à se déplacer en suivant les lignes du champ magnétique terrestre.

Les bactéries magnétotactiques (BMT) sont « des organismes que l’on rencontre dans les sédiments océaniques, marins ou lacustres sur toute la planète », décrit Cécile Cottin-Bizonne, physicienne à l’institut Lumière Matière1. Découvertes dans les années 1970, ces étonnantes bactéries comptent parmi les premiers éléments de vie sur Terre. Leur particularité ? « Elles synthétisent de petits aimants en leur sein, les magnétosomes », qui guident leur déplacement le long des lignes de champs magnétiques terrestres. Les BMT sont « comme des boussoles vivantes capable de s’autopropulser » précise la chercheuse.

Bactéries magnétotactiques observées au microscope optique © Valentin Poncet & Rémy Fulcrand

Des comportements collectifs fascinants

À l’instar des « nuées d’oiseaux ou des troupeaux de moutons chez lesquels on observe des effets collectifs fascinants », les BMT présentent également des comportement collectifs que Cécile Cottin-Bizone et ses collègues souhaitent modéliser et décrypter. « Si un mouton tire son énergie de l’herbe qu’il mange, une BMT est capable d’activer son petit moteur embarqué, un flagelle, et de se mouvoir en convertissant de l’énergie chimique en énergie mécanique ».

Bactérie magnétotactique. © Emilie Josse

Les scientifiques ne savent pas encore s’il existe des phénomènes universels entre les troupeaux d’herbivores, le vol d’oiseaux et ces bactéries ; ou bien si ces phénomènes ont des spécificités selon l’espèce. Pour éclairer le sujet, ils étudient les propriétés uniques des BMT lorsqu’elles sont organisées en groupes. L’objectif à long terme ? Obtenir des fluides originaux (composés de ces BMT), dont le mouvement et l’organisation pourraient être contrôlés à distance par des champs externes notamment magnétiques.

Notons que si les bactéries magnétotactiques se déplacent dans les sédiments, c’est pour rejoindre « une zone de concentration optimale en dioxygène » qui leur permet de survivre. Une des hypothèses initiales sur les BMT consistait à dire qu’elles suivaient des champs magnétiques verticaux pour trouver leur place et rejoindre cette zone de confort. Or, « on a aussi retrouvé des bactéries magnétotactiques au niveau de l’équateur… Là où les lignes du champ magnétique terrestre sont horizontales ! », souligne-t-elle. Les propriétés de ces organismes sont donc plus complexes qu’on pourrait le croire et les physiciens se donnent pour mission d’investiguer leurs comportements et leurs propriétés plus en détail.

Bactéries magnétotactiques dans leur environnement naturel. © Emilie Josse

Un panel d’expériences en micro-fluidique

Le mouvement des BMT peut-être contrôlé « en jouant à la fois sur l’orientation du champ magnétique (et) sur la concentration en dioxygène du milieu », détaille la physicienne lyonnaise. Avec son équipe et ses partenaires, ils ont mis en œuvre un panel d’expériences physiques différentes, qui visent à caractériser l’organisation des BMT selon plusieurs conditions. Il s’agit, en outre, de comprendre leurs propriétés rhéologiques (les déformations et écoulements sous l’influence d’une contrainte ou d’une force) et notamment le comportement de nage des BMT dans des milieux confinés et géométriquement complexes, comme ceux rencontrés dans les sédiments.

Pour ce faire, explique-t-elle, « nous conduisons des expériences en micro fluidique à partir de souches de BMT que nous fournissent des collègues biologistes du CEA2 ». Dans le détail, les scientifiques commencent par moduler le champ magnétique autour des bactéries, à l’aide de bobines de Helmholtz. Ce dispositif mobilise deux bobines circulaires identiques qui, placées de part et d’autre des bactéries, produisent un champ magnétique uniforme et constant entre elles.

Bactéries magnétotactiques au laboratoire. © Emilie Josse

Ils utilisent ensuite la microscopie optique pour observer le comportement des bactéries dans le milieu. Le travail fourni par les partenaires du Laboratoire de physique et mécanique des milieux hétérogènes3 permet de compléter ces travaux en suivant ces bactéries en 3 dimensions, afin de caractériser les statistiques de comportement individuel sur une longue durée.

Un « matériau intelligent » ?

À l’issu du projet, les scientifiques espèrent développer un matériau « intelligent » à partir de ces BMT. Il s’apparenterait à « un fluide aux propriétés de transport originales » à l’image de ce que des collaborateurs de Cécile Cottin-Bizonne sont récemment parvenus à faire sur une autre classe de bactéries (e.Coli). « Ils avaient démontré qu’on pouvait atteindre des viscosités négatives avec ces bactéries (…) et qu’il était possible de créer un superfluide à partir de ce changement de propriétés ». Par « superfluide », entendez un état de la matière qui présente des propriétés de transport exceptionnelles ! En perdant toute viscosité un superfluide peut s’écouler sans résistance, selon des conformités hors-normes et dans des directions singulières.

À terme, les chercheurs souhaitent voir si des propriétés surprenantes des BMT peuvent être contrôlées par un champ magnétique externe, pour ensuite concevoir des fluides « intelligents » (superfluides) capables de s’adapter à leur environnement, ou des systèmes de micro-transport manipulables à distance.

D’ici là, il reste à la communauté scientifique un travail fondamental de longue haleine à fournir, pour percer tous les secrets de ces fascinantes bactéries.

Article rédigé par Samuel Belaud, journaliste scientifique – mai 2024

ppour aller plus loin :

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1 Unité CNRS, Université Claude Bernard Lyon 1

2 Commissariat à l’énergie atomique (https://www.cea.fr/)

3 Unité CNRS, Sorbonne Université, École Supérieure de Physique et Chimie Industrielle – PSL, Université Paris-Cité

 

Ces recherches ont été financées en tout ou partie, par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) au titre du projet ANR-BACMAG-AAPG2020. Cette communication est réalisée et financée dans le cadre de l’appel à projet Sciences Avec et Pour la Société – Culture Scientifique Technique et Industrielle pour les projets JCJC et PRC des appels à projets génériques 2020 (SAPS-CSTI-JCJ et PRC AAPG 20).

La nage bactérienne et la discrète révolution de la matière active | #4

LLa nage bactérienne et la discrète révolution de la matière active | #4

Ressource #4 du dossier Pop’Sciences – CNRS : « Physique : une recherche multimillénaire, sans cesse renouvelée »
ARTICLE 

Connues pour leur capacité de nage autonome et leurs intrigants comportements collectifs, les bactéries passionnent les physiciennes et physiciens. En décryptant leurs stratégies singulières de déplacement, une équipe de recherche ouvre des perspectives inédites pour l’utilisation de la matière et la conception de nouveaux matériaux. 

Les bactéries pèsent pour près de 15 % de la masse totale des êtres vivants dans la biosphère. Où qu’elles agissent, depuis notre microbiote intestinal jusque dans le sous-sol océanique, elles explorent leur environnement à l’aide de leurs flagelles, comme un nageur qui usent du battement de ses jambes pour parfaire son déplacement dans une piscine.  

Cette nage, très spécifique, que les bactéries opèrent de manière autonome intéresse de nombreux scientifiques. Ces micro-organismes peuvent en effet se déplacer en ligne droite, en courbe, à contre-courant, et même faire des demi-tours. Lorsqu’elles forment un groupe, ces micronageuses adoptent des comportements collectifs tout aussi fascinants, qui restent mal compris et font l’objet d’investigations poussées dans le domaine de la physique de la matière active.  

© Raman Oza – Pixabay

Autonomie et sens du collectif 

Thomas Gibaud est physicien CNRS au Laboratoire de physique de l’ENS de Lyon1. Il appartient à la communauté des scientifiques qui travaillent sur des particules du vivant, dites ‘’actives’’ en opposition aux particules passives (comme des protéines ou des colloïdes) qui ne possèdent pas de capacité motrice intrinsèque. Son quotidien ? « Observer leurs mouvements, pour les modéliser et former des assemblages originaux ».  

Dans le cas de la matière non-active, « les scientifiques utilisent l’agitation thermique pour contrôler et dynamiser de petites particules dans des fluides à l’échelle nanométrique », rappelle-t-il. C’est le mouvement Brownien. Or, lorsqu’une colonie de bactéries est rassemblée dans ce fluide (on parle de suspension bactérienne), chaque organisme apporte une puissance mécanique autonome au milieu, qui est bien supérieure à l’agitation thermique. Des dynamiques collectives se mettent alors en place dans cette matière active, répondant à des lois de conservation encore parées de mystères.  

Les travaux menés par Thomas Gibaud et ses collègues consistent à étudier et décrypter les déplacements des bactéries Escherichia coli et leurs interactions avec d’autres petites particules colloïdales en suspension dans une solution liquide. Ces bactéries ont la particularité d’opérer des mouvements successifs de run and tumble. C’est-à-dire qu’elles se déplacent d’abord en ligne droite grâce au mouvement synchrone de leurs flagelles (run), puis ces flagelles se reconfigurent et font tourner la bactérie sur elle-même (tumble), avant de repartir dans une nouvelle direction (run).  

Bactéries nageuses. © Emilie Josse

Des footballeuses hors-pair 

Les scientifiques placent les bactéries « dans une cavité avec des parois perméables à l’oxygène pour les maintenir en vie et pour qu’elles puissent faire ces déplacements », précise Thomas Gibaud. Ils observent ensuite les bactéries et les colloïdes à l’aide de la microscopie par fluorescence et reconstruisent leurs trajectoires et leurs interactions grâce à un algorithme de suivi (tracking). 

« J’aime comparer mes expériences à une partie de football, sourit le chercheur lyonnais, où les bactéries jouent le rôle du joueur et les particules celui du ballon ». En l‘absence de joueurs, les ballons se déplacent aléatoirement dans le milieu du fait de l’agitation thermique. Mais dès que des bactéries actives entrent en jeu, les ‘’frappes’’ (les collisions) qu’elles opèrent sur les particules entrainent ces dernières dans « des déplacements rapides et erratiques, qui diffèrent de ceux dus à l’agitation thermique », souligne le physicien .  

Les particules colloïdales influencées par les bactéries nageuses. © Emilie Josse

Les scientifiques sont parvenus à caractériser les interactions dynamiques entre bactéries et particules, ainsi qu’à mesurer certains effets collectifs de nage bactérienne. Dans le détail, ils ont établi un modèle de prédiction de la géométrie de ces trajectoires et de la diffusion colloïdale à long terme. Leurs résultats ont été publiés dans la revue Soft Matter en février 2020. L’intérêt ? Ouvrir la voie à une nouvelle famille de matériaux « vivants », alimentés par le mouvement des bactéries, capables d’interagir avec leur environnement et de structurer de manière autonome les colloïdes qu’elles rencontrent. 

Vers des matériaux vivants ? 

« Les matériaux vivants ne sont pas encore près d’exister », pondère prudemment Thomas Gibaud. Ses travaux montrent, en outre, que ce type de système demeure fragile et « difficile à contrôler ». Néanmoins, les scientifiques ambitionnent d’aller plus loin dans la conception de systèmes actifs. « Nous savons désormais que les bactéries représentent de bons moteurs potentiels pour mettre en mouvement des colloïdes avec une dynamique différente de celle engendrée par l’agitation thermique», rappelle le chercheur.  

Alors, dans une nouvelle phase de travaux, son équipe souhaite capitaliser sur les déplacements provoqués par les bactéries « pour autoorganiser les colloïdes vers de nouveaux états de la matière ».  In fine, les scientifiques ambitionnent de créer des structures mésoscopiques autonomes, qui utilisent la synergie des bactéries, repoussant ainsi les limites de la matière active.  

À l’intersection de la physique, de la biologie et de l’ingénierie, ces travaux rendent envisageable l’exploitation de la puissance mécanique des bactéries et de leurs effets collectifs. Si cette phase fondamentale de recherche est concluante, il ne sera plus impossible d’imaginer des fluides se mélangeant d’eux-mêmes dans l’exiguïté de nanopuces ou de systèmes micro-fluidiques, le tout sans intervention extérieure. Ces perspectives, autrefois confinées aux pages de la science-fiction, pourraient bien transformer notre perception de la matière et bouleverser le champ disciplinaire de la physique de la matière active. 

Article rédigé par Samuel Belaud, journaliste scientifique – mai 2024

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1 Unité de recherche CNRS, ENS de Lyon

 

Ces recherches ont été financées en tout ou partie, par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) au titre du projet ANR-StruBaDy-AAPG2018. Cette communication est réalisée et financée dans le cadre de l’appel à projet Sciences Avec et Pour la Société – Culture Scientifique Technique et Industrielle pour les projets JCJC et PRC des appels à projets génériques 2018-19 (SAPS-CSTI-JCJ et PRC AAPG 18-19).

La photocatalyse promet d’accélérer la transition énergétique | #5

LLa photocatalyse promet d’accélérer la transition énergétique | #5

Ressource #5 du dossier Pop’Sciences – CNRS : « Physique : une recherche multimillénaire, sans cesse renouvelée »
ARTICLE 

Un projet de recherche allie chimie et physique pour exploiter les propriétés de la lumière et du molybdène, métal abondant et peu coûteux, afin de catalyser des réactions chimiques clés dans le cadre de la transition énergétique. 

Poudre de clusters métalliques de molybdène sous irradiation UV-A pour des applications dans le domaine de l’énergie (éclairage, affichage) © Jean-Claude MOSCHETTI / ISCR / CNRS Images

La photocatalyse est un procédé qui permet d’accélérer une réaction chimique grâce à l’absorption de lumière. Une technique qui peut être appliquée de manière intéressante dans le contexte de la transition énergétique, notamment dans l’optique de piéger chimiquement du CO2, un des gaz à effet de serre les plus notoires. Habituellement, le catalyseur utilisé est à base de dioxyde de titane (TiO2), auquel de l’or ou du platine peuvent être ajoutés pour doper le procédé de manière significative. Mais la classification du TiO2 comme « cancérogène possible » et le coût excessif ainsi que la rareté des deux autres métaux nobles incitent la communauté scientifique à chercher des alternatives.  

C’est le chemin que prend un consortium de chimistes et de physiciens de l’Institut lumière matière à Lyon1 et de l’Institut des sciences chimiques de Rennes2, avec leurs travaux sur des agrégats de molybdène, un métal blanc argenté peu onéreux, abondant et qui présente un potentiel de catalyse prometteur. 

Un matériau catalyseur joue le rôle d’intermédiaire dans une réaction entre deux réactifs, en facilitant la réaction sans besoin d’apporter trop d’énergie.

Dans le cas de la photocatalyse, l’apport d’énergie se fait par l’absorption de photons. 

L’originalité de ces recherches, auxquelles participe Luke MacAleese, chercheur à l’Institut lumière matière, réside dans une approche pluridisciplinaire du sujet à la frontière de la chimie et de la physique. Des scientifiques des deux disciplines se sont associés pour « explorer et comprendre les mécanismes réactionnels élémentaires associés à cette famille de catalyseurs ». Leur méthode fait intervenir différentes techniques de pointe : la spectrométrie de masse de type piège à ion – voir plus bas – en association avec des rayonnements laser induisant des photons dont les longueurs d’onde se situent dans les domaines de l’ultraviolet (100 nm – 400 nm), du visible (400 nm – 750 nm). 

La photocatalyse utile à la production d’énergie décarbonnée / © Émilie Josse

Tendre un piège à ion  

Le premier défi consiste à sélectionner et attirer les ions d’agrégats de molybdène dans un piège radiofréquence. Ce piège est rempli d’un gaz inerte (hélium) et d’une proportion parfaitement contrôlée d’un réactif à tester comme le dioxygène (O2) ou le dioxyde de carbone (CO2).  Cette approche permet à Luke MacAleese et ses collègues chimistes « d’observer les agrégats évoluer dans cet environnement très contrôlé, durant des temps de réaction longs, jusqu’à plusieurs dizaines de secondes ». Grâce à la spectrométrie de masse et aux lasers, les scientifiques peuvent sélectionner un ion à partir d’un mélange complexe, caractériser sa masse, puis « sonder sa réactivité spécifique ».  

Cette technique d’analyse repose sur la détection et la séparation d’ions en fonction de leur rapport masse/charge, comme un trieur de pièces de monnaie qui séparerait les pièces en fonction de leur poids. La spectrométrie de masse fournit des informations sur la composition élémentaire des différents ions présents dans l’échantillon et leur abondance relative. Ce faisant, elle révèle des informations cruciales sur les mécanismes réactionnels et le cycle catalytique de nouvelles espèces métalliques, telles que les agrégats de molybdène. 

La spectrométrie de masse pour caractériser les catalyseurs / © Émilie Josse

Comprendre et optimiser les processus catalytiques 

Pour Luke MacAleese, il est «beaucoup plus rationnel d’améliorer les propriétés d’un catalyseur en comprenant les étapes qui sous-tendent le procédé ». Les physiciens et les chimistes s’attachent donc à étudier comment un réactif se lie au catalyseur, ce qu’il provoque, comment il réagit, et quels sont les intermédiaires potentiels au processus chimique de catalyse. « Nous cherchons également à connaitre le spectre d’absorption des agrégats de molybdène », poursuit-il. Cette étape de la recherche est essentielle puisqu’elle permet d’évaluer leur capacité à absorber la lumière et à « atteindre des états excités ». C‘est seulement dans ces états que peuvent se déclencher des réactions chimiques avec d’autres réactifs présents dans leur environnement, comme le CO2 ou l’eau.  

Connaitre précisément ce spectre d’absorption permet d’étudier l’efficacité des agrégats de molybdène et d’optimiser leur activité catalytique. Par exemple, en ajustant la longueur d’onde de la lumière utilisée pour irradier les clusters, les scientifiques peuvent cibler spécifiquement les transitions électroniques qui mènent aux états excités les plus réactifs et améliorer ainsi les performances photocatalytiques. 

La transition énergétique en ligne de mire 

Ces travaux ouvrent la voie à des applications potentielles dans le domaine de l’énergie renouvelable et de la réduction des gaz à effet de serre. En effet, les résultats obtenus jusqu’à présent montrent que les clusters de molybdène pourraient être de bons candidats « photo-catalyseurs » pour deux réactions chimiques utiles à la production d’énergie décarbonée. Il s’agit de la production d’hydrogène par photolyse de l’eau et de la conversion (réduction) du CO2 en produit chimique de base comme le méthanol (CH3OH). Les scientifiques ont notamment observé une potentielle rupture de liaison carbone-oxygène pendant le processus d’irradiation d’agrégats réduits (riches en électrons) et très réactifs avec l’oxygène. Ces résultats prometteurs laissent espérer qu’il sera également possible de réduire le CO2 par liaison avec ces clusters photo-excités 

« D’autres expériences doivent être menées pour confirmer et approfondir ces résultats », tempère immédiatement le physicien lyonnais. À l’heure actuelle, ces agrégats de molybdène sont en effet faiblement catalytiques comparativement aux alternatives incorporant de l’or ou du platine. Cependant, les scientifiques sont déterminés à poursuivre leurs travaux fondamentaux afin de comprendre l’origine de la réactivité de ces clusters, d’optimiser leur composition et d’atteindre, à terme, des rendements exploitables 

La transition énergétique repose sur trois piliers : la sobriété, l’efficacité énergétique et la décarbonation des procédés techniques polluants. Les travaux du consortium lyonno-rennais s’inscrivent pleinement dans cette dernière catégorie. Ils témoignent de l’importance de la recherche fondamentale et des collaborations interdisciplinaires pour relever les défis énergétiques et environnementaux auxquels notre société est confrontée. 

Article rédigé par Samuel Belaud, journaliste scientifique – juin 2024

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[1] Unité de recherche CNRS, Université Claude Bernard Lyon 1.

[2] Unité de recherche CNRS, ENSC Rennes, Université Rennes.

 

Ces recherches ont été financées en tout ou partie, par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) au titre du projet ANR-Photocat-AAPG2020. Cette communication est réalisée et financée dans le cadre de l’appel à projet Sciences Avec et Pour la Société – Culture Scientifique Technique et Industrielle pour les projets JCJC et PRC des appels à projets génériques 2020 (SAPS-CSTI-JCJ et PRC AAPG 20).

Coup de froid sur le magnétisme : les glaces de spin | #6

CCoup de froid sur le magnétisme : les glaces de spin | #6

Ressource #6 du dossier Pop’Sciences – CNRS : « Physique : une recherche multimillénaire, sans cesse renouvelée »
ARTICLE 

L’étude à très petite échelle de certains matériaux ferromagnétiques montre que les atomes qui le composent se comportent comme de microscopiques aimants qui, à très basse température, s’agencent en une structure magnétique ordonnée et régulière. Dans certains de ces matériaux appelée « glace de spin1 2 », on ne trouve pas d’ordre ferromagnétique absolu, même aux plus basses températures. On parle alors de magnétisme frustré3.
L’étude de ces matériaux permet de mieux comprendre les propriétés fondamentales de la matière, mais fait aussi émerger des phénomènes nouveaux qui laissent entrevoir de futures applications technologiques et industrielles.

Une « glace » magnétique qui ressemble à la glace d’eau

Que se passe-t-il lorsque l’eau liquide passe à l’état de glace ?
Au niveau microscopique, les molécules d’eau (composées d’un atome d’oxygène et de deux atomes d’hydrogène) vont s’arranger en une configuration régulière et périodique : un cristal, stable, où toutes les molécules d’eau sont liées entre elles.

Dans un cristal de glace, les atomes d’oxygène forment les sommets de structures pyramidales appelées tétraèdres, dont le centre est lui aussi occupé par un atome d’oxygène.
Sur chaque ligne reliant deux atomes d’oxygène se trouve un atome d’hydrogène. Il existe différentes manières de lier les atomes d’oxygène et d’hydrogène ensemble : fortement ou faiblement. Les règles de la glace imposent que chaque atome d’oxygène soit lié fortement à deux hydrogènes, et faiblement à deux autres : c’est la règle du « Two In, Two Out » qui régit cet état de la matière.

Remarquons que, malgré l’ordre cristallin des atomes d’oxygène, les atomes d’hydrogène, eux, restent désordonnés. Même aux plus basses températures, ils changent en permanence de type de liaison (forte ou faible) avec les atomes d’oxygène.

Les matériaux solides de type glace de spin (comme, par exemple, le titanate de dysprosium) sont composés d’atomes fortement magnétiques disposés, eux aussi, en tétraèdres qui constituent la maille élémentaire de ce cristal. Ces atomes se comportent comme de minuscules aimants dont l’orientation est régie par une règle : deux doivent pointer leur côté Nord vers l’intérieur du tétraèdre et les deux autres doivent pointer leur côté Sud vers le centre : cette même règle « Two In Two Out » que la glace d’eau, d’où le nom de ces matériaux : les glaces de spin2.

L’étude de ces glaces de spin a commencé lors de la découverte, il y a un demi-siècle, des propriétés électriques et magnétiques extraordinaires des matériaux dits « supraconducteurs » (dont la résistance électrique est rigoureusement nulle, ce qui leur permet, par exemple, de transporter d’immenses quantités de courant électrique sans chauffer). Ils sont aujourd’hui largement utilisés, aussi bien dans le recherche fondamentale (au LHC – Large Hadron Collider – au CERN) que dans des applications quotidiennes comme l’IRM dans le domaine médical.
Le modèle de glace de spin qui a été développé à l’époque a permis de mieux comprendre certaines des propriétés des matériaux supraconducteurs, sans toutefois parvenir à en déverrouiller tous les mystères.

© Emilie Josse

La structure de la glace de spin (à droite) ressemble à celle de l’eau (à gauche).
Les atomes du réseau cristallin de la glace de spin forment une maille élémentaire en forme de tétraèdre et les spins obéissent à la même règle « Two In Two Out » que les hydrogènes dans la glace d’eau.

Des propriétés émergentes uniques…

Comme pour l’hydrogène dans la glace, chaque configuration  « Two-In-Two-Out » pour les spins possède la même énergie. En conséquence, les spins dans la glace de spin restent, eux aussi, désordonnés même à très basse température. C’est ce qu’on appelle la  « frustration » magnétique3.

« Cette frustration » , nous dit Peter Holdsworth, professeur et chercheur au Laboratoire de Physique de l’ENS de Lyon4, est une aubaine pour les physiciens. Ça oblige le système à garder beaucoup d’entropie5, même à basse température. Dans les systèmes classiques, lorsque la température diminue, l’agitation des particules diminue et les systèmes deviennent plus calmes et ordonnés.
La possibilité, ici, de maintenir un désordre élevé même à basse température (même au zéro absolu, la température la plus basse atteignable physiquement) force ces systèmes à avoir des comportements nouveaux et complexes, très intéressantes à étudier.
 »

La recherche expérimentale sur les propriétés de ces glaces de spin à ultra-basse température se fait, par exemple, à l’Institut Laue-Langevin à Grenoble, en bombardant les échantillons avec des neutrons. Comme cette particule, neutre électriquement, a un grand pouvoir de pénétration dans la matière et possède, elle aussi un moment magnétique, l’utiliser permet de sonder et de quantifier le désordre qui règne dans ces glaces de spin.

…et des applications intéressantes.

Une des applications envisagées aux glaces de spin est le désormais célèbre ordinateur quantique, technologie pour laquelle d’intenses recherches sont menées tout autour du globe. « Les fluctuations quantiques et la maîtrise de la physique nécessaire pour mettre au point des ordinateurs quantiques sont intimement liées à l’interface quantique/thermique de ce genre de systèmes (les glaces de spin), qui fluctuent à basse température. » confirme Peter Holdsworth.

« Mais en ce qui me concerne », nous dit-il, « j’ai beaucoup travaillé sur un sujet de recherche à l’interface entre la physique des matériaux et la physique des particules : les monopôles magnétiques. »

Ces monopôles sont d’hypothétiques particules imaginées par le célèbre Paul Dirac en 1931. Leur existence, si elle était prouvée, aurait des conséquences majeures sur notre représentation de l’Univers et sur les travaux d’unifications des lois fondamentales de la physique.
Ces particules théoriques ont une propriété unique : une charge magnétique ponctuelle.

De la même manière que l’électron possède une charge électrique négative unique, un « monopôle magnétique » aurait, lui aussi, une charge magnétique unique.

En pratique, un monopôle serait une  particule magnétique dont la polarité serait soit uniquement « Nord », soit uniquement « Sud », contrairement à tous les aimants classiques qui, eux, ont obligatoirement un pôle Nord et un pôle Sud, qu’on ne peut séparer l’une de l’autre.
Même si aucune de ces hypothétiques particules n’a encore été détectée aujourd’hui, il est possible de simuler des situations très similaires à des monopôles magnétiques… dans certaines glaces de spin.

Comment créer un monopôle magnétique ?

Lorsque la température augmente, les règles de la glace se brisent.

De nouvelles configurations apparaissent, comme par exemple trois spins Nord qui pointent au centre et seulement un spin Sud. Ce déséquilibre crée une « pseudo-particule » de charge magnétique nord. Par symétrie et conservation de charge, un autre site voisin se formera aussi avec, cette fois-ci, une charge Sud.

Ces  « quasi-particules », avec leur unique charge magnétique (soit Nord, soit Sud), sont très intéressantes, car elles sont très similaires à ces hypothétique « monopôles magnétiques », dont l’existence est postulée depuis longtemps en physique théorique, mais qui n’ont pour l’instant jamais été observées. Ces quasi-particules sont donc d’excellents modèles pour étudier les véritables monopôles magnétiques… en attendant qu’on les découvre un jour.

© Emilie Josse

Création de 2 monopôles magnétiques, un Nord (rouget) et un Sud (rouge) dans une glace de spin.
Ces 2 monopôles sont encore reliés par un « corde de Dirac » (pointillés bleus) mais peuvent être manipulés et détectés séparément (grâce à une boucle de Faraday).
Les flèches autour de chaque monopole représentant le champ magnétique émergent de ces monopoles.

Des paires de monopôles nord et sud se créent donc parfois dans les glaces de spin.
Contrairement aux aimant classiques, chaque monopôle magnétique peut s’éloigner l’un de l’autre, en créant une structure fine et molle qui les lie encore, appelée « corde de Dirac » (voir figure ci-dessus). On étudie donc expérimentalement la manière dont ces pseudo-particules magnétiques uniques en leur genre se forment, se séparent et interagissent entre elles.

Dans le cadre de ces recherches, l’objectif a été de comprendre les conséquences de l’existence de ces monopôles magnétiques sur les matériaux où ils se forment et de mieux définir et caractériser les champs magnétiques effectives que ces pseudo-particules créent et dans lesquels elles baignent. Pour mieux comprendre ces phénomènes, un procédé appelé « fragmentation » est utilisé, qui sépare le champ magnétique en deux parties : une partie décrivant les particules magnétiques et l’autre permettant d’étudier le champ magnétique résiduel, porteur de tout autant d’informations (en particulier la manière dont ces « cordes de Dirac » se forment, sans briser les lois fondamentales de l’électromagnétisme).

Les résultats de ces recherches sont multiples et couvrent aussi bien l’élaboration de nouveaux matériaux que des nouveaux modes de stockage de données dans des systèmes basés sur ces fameuses glaces de spin.

 

Article rédigé par Pierre Henriquet, médiateur scientifique – août 2024

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1 Le spin est une propriété intrinsèque des particules, au même titre que leur masse ou leur charge électrique. Il est associé au moment cinétique de la particule (comme si elle tournait sur elle-même) et à son moment magnétique (comme un minuscule aimant). Cette grandeur quantique est représentée par un vecteur, à la manière d’une petite boussole. Le magnétisme d’un atome est la conséquence du spin des particules qui le composent.

2 Une glace de spin est un matériau magnétique composé d’ions de terres rares. Ces éléments tirent leur magnétisme de leur configuration électronique, et sont disposés de manière régulière dans l’espace, similaire à la disposition des molécules d’eau dans la glace

3 Dans une glace de spin, le système cristallin présente une multitude de configurations pour les éléments magnétiques qui le constituent. Mais toutes ces configurations, qui satisfont les règles de la glace, ont la même énergie. Il n’y a pas de configuration de plus basse énergie où le système puisse être au repos. Même à très basse température les composés restent donc sans ordre magnétique. C’est ce qu’on appelle la « frustration magnétique ».

4 Unité CNRS | ENS de Lyon

5 L’entropie caractérise le niveau de désordre d’un milieu ou d’un ensemble de particules. Dans une « glace », cette entropie est aussi liée au nombre de configurations two-in two-out que peut prendre tous les éléments qui constituent le cristal.

 

Ces recherches ont été financées en tout ou partie, par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) au titre du projet ANR-FRAGMENT-AAPG2019. Cette communication est réalisée et financée dans le cadre de l’appel à projet Sciences Avec et Pour la Société – Culture Scientifique Technique et Industrielle pour les projets JCJC et PRC des appels à projets génériques 2020 (SAPS-CSTI-JCJC et PRC AAPG 20).