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UUn espoir pour percer les mystères de la pollution plastique à l’échelle moléculaire | Pop’Sciences Mag#11

Pour évaluer les effets cachés de la pollution plastique sur les écosystèmes aquatiques, il est nécessaire de s’intéresser à la structure moléculaire des micropolluants libérés dans l’eau lorsque le plastique se dégrade. Pour repérer ces substances, les chimistes mettent en œuvre des analyses chimiques ciblées qui permettent d’identifier des molécules déjà connues. En parallèle, ils ont recours à des techniques de pointe plus performantes, les analyses non ciblées, dans le but d’étudier de nouveaux contaminants encore inconnus et potentiellement toxiques.

Par Marie Privé,

Pop’Sciences Mag #11 | Déplastifier le monde ? | Novembre 2022.

Infographie analyses chimiques plastique milieux aquatiques - SBELAUD- BD

Dans quelle mesure les eaux sont-elles polluées par les substances chimiques issues des plastiques qui se désintègrent ? S’il est encore trop tôt pour apporter des réponses précises à cette question, celle-ci fait l’objet d’un intérêt grandissant afin de mieux comprendre l’impact de la pollution aux micro et nanoplastiques sur l’environnement. Dispersées par le vent, par les eaux de ruissellement ou directement rejetées par les stations d’épuration, les substances chimiques liées aux activités humaines se retrouvent en grande partie dans les milieux aquatiques. Fabriquées à l’origine par l’industrie chimique pour notre confort (médicaments, pesticides, colorants…), ces molécules, une fois rejetées dans la nature, se transforment en micropolluants organiques pour la faune et la flore. Les phtalates, par exemple, couramment utilisés pour assouplir les matières plastiques et reconnus comme perturbateurs endocriniens, sont des micropolluants omniprésents dans le milieu aquatique. D’après un rapport de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), ils ont été retrouvés dans 95 % des eaux de surfaces continentales évaluées[1].

On ne trouve que ce que l’on cherche

Pour détecter cette pollution au niveau moléculaire et ainsi évaluer l’état chimique d’une rivière ou d’un cours d’eau, les chercheurs utilisent habituellement la spectrométrie de masse[2] selon une approche dite “ciblée”. Cette technique d’analyse chimique permet de détecter et de quantifier des micropolluants dans un échantillon d’eau, de sédiment ou de boue. « Ça, c’est la partie visible de l’iceberg, observe Cécile Miège, chimiste et directrice adjointe de l’unité de recherche RiverLy (Centre Inrae Lyon-Grenoble Auvergne-Rhône-Alpes). On ne retrouve que des molécules déjà connues et que l’on a décidé de chercher. » Bien que performante, l’analyse ciblée ne permet de détecter qu’une minorité des micropolluants potentiellement toxiques. Avec cette méthode, l’état chimique d’une rivière est évalué sur la base d’une cinquantaine de substances préalablement connues. « En une seule analyse non-ciblée, on peut recueillir des informations sur plusieurs milliers de molécules, relève Cécile Miège. C’est une méthode d’exploration plus globale et sans a priori. » À terme, les chercheurs peuvent ainsi déterminer la formule brute d’un micropolluant inconnu. L’objectif ? Découvrir de nouveaux contaminants et identifier les plus préoccupants, afin d’œuvrer à leur réduction.

De nombreuses nanomolécules à passer au crible

Technique encore coûteuse et chronophage, l’analyse chimique non-ciblée n’est utilisée que depuis très récemment dans le cadre de la surveillance des milieux aquatiques. Si cette nouvelle méthode n’est pas encore directement appliquée aux matières plastiques, elle pourrait à l’avenir permettre de mieux décortiquer leurs structures moléculaires et leurs interactions avec l’environnement : « Aux polymères de base s’ajoutent une vaste gamme d’additifs et de colorants, ce qui rend la composition des plastiques très complexe, note la chimiste. On suspecte qu’ils regorgent d’un magma de nombreuses nanomolécules encore inconnues, d’où l’intérêt de développer l’exploration des matières plastiques en analyse non-ciblée»

[1] Institut national de l’environnement industriel et des risques. Résultats de l’étude prospective 2012 sur les contaminants émergents dans les eaux de surface continentales de la métropole et des DOM (2014).

[2] Technique physique d’analyse très puissante et sensible qui permet de détecter et d’identifier des structures moléculaires par mesure de leur masse.


PPour aller plus loin :

Les milieux aquatiques au bord de l’overdose