Pop’Sciences répond à tous ceux qui ont soif de savoirs, de rencontres, d’expériences en lien avec les sciences.

EN SAVOIR PLUS

Ressources

Biologie - santé

Dossier

Pop'Sciences - Université de Lyon

RRecourir au vaccin ? Les clés pour comprendre. Partie 2: des différentes techniques vaccinales à l’évaluation de leur efficacité

@Daniel Schludi

Article #2 du dossier Pop’Sciences « De la variole à la Covid, les vaccins…« 

Deux millions. Ce chiffre représente, d’après l’Organisation mondiale de la santé, le nombre de vies sauvées chaque année grâce la vaccination dans le monde. En protégeant chaque personne vaccinée contre une infection, l’administration d’un vaccin est bénéfique sur le plan individuel. Elle l’est aussi sur le plan collectif en réduisant le nombre de personnes susceptibles de disséminer la maladie.
Mais quels sont les différents techniques vaccinales existantes ? Et comment sait-on si elles fonctionnent ?

Hélène Dutartre, chercheuse au Centre International de Recherche en Infectiologie (CIRI) et Nathalie Davoust-Nataf, chercheuse au Laboratoire de Biologie et de Modélisation de la Cellule (LMBC) nous apportent leur éclairage. Toutes deux animent le groupe « Microbes, Immunité & Vaccination » associant scientifiques et enseignants lyonnais.

Un article de Caroline Depecker, journaliste scientifique
pour Pop’Sciences – 2 juin 2021

 

Les différents types de vaccins

Le vaccin cherche à stimuler l’immunité adaptative. Pour cela, l’astuce consiste à présenter la « carte d’identité » du pathogène, soit la partie de celui-ci que les défenses de l’organisme reconnaissent comme la signature de l’intrus : son antigène*. Celui-ci prend généralement l’aspect d’une protéine, parfois aussi celle d’un sucre complexe.

Il existe plusieurs méthodes pour présenter cette carte d’identité-antigène à l’organisme :
– les premières à avoir été mises au point, bien connues, dominent. Ce sont les vaccins vivants atténués et les vaccins entiers inactivés ;
tandis que d’autres sont plus novatrices. Elles comprennent les vaccins en sous-unités protéiques, les vaccins recombinants encore appelés « à particules pseudo-virales » et les vaccins à vecteur viral ;
la dernière génération de vaccins, apparue sur le marché de la santé humaine l’année dernière avec la pandémie Covid, comprennent les vaccins à base de matériel génétique, dits « à ARN* ».

En quoi cela consiste ?

 1. vaccin vivant atténué – Ou – vaccin inactivé 
– l’activité d’un virus est réduite grâce à l’insertion de mutations – Ou – le virus est rendu inerte grâce à des traitements  chimique ou thermique
– exemples : vaccin combiné contre la rougeole, oreillons et rubéole (ROR), vaccins Covid Sinovac et Sinopharm

2. vaccin à sous-unité protéique 
– il s’agit d’un antigène artificiel
– exemples : vaccin contre l’hépatite B, vaccin Covid Novavax

 

3. vaccin recombinant ou particule pseudo virale

– plusieurs protéines artificielles miment la forme du virus
– exemples : vaccin contre le papillomavirus humain

 

 

 


4. vaccin à vecteur viral 

– un virus vecteur non pathogène contient l’ADN* permettant la production de l’antigène
– exemples : vaccin contre Ebola, vaccins Covid Astrazeneca, Sputnik, Janssen

 

 

 

 


5. vaccin à ARNm

– l’ARN messager d’un antigène est mis dans une vésicule
– exemples : vaccins Covid Moderna et Pfizer

Note crédits : ces infographies ont été réalisées par Marine Tronchon, Emile Dorchies, Amandine Chantharath et Antonin Chenel, dans le cadre d’un projet d’étude en médiation scientifique (licence de biologie, ENS Lyon) portant sur réalisation d’un jeu de plateau (The Vaccinator) sensibilisant à la vaccination.

Toutes ces approches possèdent des inconvénients et des avantages en matière de coût, de sécurité ou de difficulté de mise en œuvre.

La composition d’un vaccin

Le vaccin est un médicament particulier. En effet, il s’adresse généralement à des gens en bonne santé pour un bénéfice individuel. Mais, comme pour tout médicament, la formulation d’un vaccin comprend des produits autres que le principe actif, qui ici est l’antigène. Dans la liste des ingrédients accompagnant l’antigène, outre de l’eau (ou une solution saline), on trouve en quantité limitée et très contrôlée :

– des traces d’antibiotique dans certains cas. Elles constituent des reliquats de l’antibiotique utilisé pendant la phase de production afin d’éviter les contaminations bactériennes et qui est normalement éliminé lors du processus de fabrication.

– des conservateurs et/ou des stabilisants (ex : saccharose, formaldéhyde, alcool…). Ces composés maintiennent la qualité du vaccin dans le temps et préviennent l’apparition de champignon ou bactérie indésirable

– un adjuvant. Cette substance n’est pas systématique. Elle est ajoutée pour augmenter l’efficacité de certains vaccins (exemple des vaccins protéiques) en stimulant la réponse immunitaire. Parmi les adjuvants connus, on retrouve le phosphate de calcium, le squalène (huile issue du foie des requins) et les sels d’aluminium. L’association entre les sels d’aluminium, utilisés depuis les années 1920, et la survenue d’une maladie rare, la « myofasciite à macrophages », chez des adultes prédisposés génétiquement a été suspectée à partir des années 2000. A ce jour, cette hypothèse n’a pas été confirmée.

Déterminer l’efficacité du vaccin à prévenir la maladie

L’expérimentation tient une part fondamentale dans l’approche vaccinale, aussi « quelles que soient les connaissances acquises au laboratoire sur le pathogène et sur les mécanismes cellulaires mis en jeu, quelle que soit la technique utilisée pour mettre au point le vaccin et ses promesses au laboratoire, on ne saura jamais sa véritable efficacité tant qu’on ne l’aura pas testé sur l’être humain, commente Nathalie Davoust-Nataf. Il faut vacciner un grand nombre d’individus pour le savoir …»

Avant qu’un vaccin puisse être mis sur le marché, il doit passer la phase cruciale des essais cliniques : ces derniers se déroulent en trois phases successives au cours desquelles des personnes, réparties dans des groupes de tailles croissantes (plusieurs dizaines de milliers pour la dernière phase), se font vacciner. Pendant ces essais, les cliniciens testent la bonne tolérance au vaccin (sa non toxicité), sa capacité à déclencher une réponse immunitaire efficace (par exemple la production d’anticorps), le dosage adéquat, le nombre de rappels éventuels, enfin, l’efficacité avec laquelle le vaccin prévient la maladie.

virus du Sida (VIH) @Flickr

Poliomyélite, rougeole, oreillons, fièvre jaune. Pour chacune de ces maladies infectieuses, invalidantes voire mortelles, il existe un vaccin. Pour d’autres, les recherches de solutions vaccinales semblent tourner court. « Si on prend l’exemple du HIV, force est de constater que l’effort de recherche énorme déployé depuis 30 ans pour mettre au point un vaccin préventif n’a pas abouti… pour l’instant, explique Hélène Dutartre. Toutes les technologies vaccinales connues ont été essayées, des combinaisons prometteuses tentées, mais la conclusion de chacun des essais vaccinaux s’est révélée négative. Nous en avons tiré des informations précieuses bien sûr, mais on semble avoir un temps de retard sur cette pathologie, à chaque fois ». Bien que n’ayant pas permis l’atteinte de son objectif premier, la recherche sur le vaccin HIV continue. Et s’il était besoin de remotiver les scientifiques arpentant ce domaine, les nombreuses retombées positives de leurs travaux, dans le cadre de la réponse à la Covid-19, sont autant de signes encourageants à persévérer.

Dans le cas de la Covid-19, les chercheurs associés à l’industrie pharmaceutique ignoraient dans quelle mesure la stratégie de vaccin qu’ils poursuivaient allait aboutir. Le développement du premier candidat-vaccin anti-Covid de Sanofi Pasteur, à base de protéine recombinante, a été ainsi retardé en raison « d’une réponse immunitaire insuffisante observée chez les personnes de plus de 50 ans », a annoncé l’industriel en décembre 2020. Pour lutter contre la Covid-19, la quinzaine de vaccins ayant reçu une autorisation de mise sur le marché, au cours du premier semestre 2021 à l’échelle de la planète, reposent sur quatre technologies différentes : « C’est une chance inespérée d’avoir pu bénéficier aussi rapidement de plusieurs vaccins pour lutter contre le SARS-Cov-2. Dans notre communauté de chercheurs, passionnés par la question vaccinale, un doute subsistait : et si la course au vaccin n’aboutissait pas ?  Pour notre bonheur, il en fut tout autre ! », concluent, souriantes, les deux scientifiques de Lyon.

PPour aller plus loin