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Pop'Sciences - Université de Lyon

LLe tourisme rattrapé par son gigantisme

Jamais le tourisme n’aurait pu autant éprouver l’expérience d’une introspection profonde sans la crise sanitaire, sociale et économique provoquée par la pandémie de Covid-19. Quels sont les scénarios d’un tourisme réinventé et les nouveaux imaginaires qui lui sont associés ?

1er juin 2021

Par Samuel Belaud, rédacteur en chef Pop’Sciences Mag

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©Visée-A

Le tourisme s’est industrialisé en rendant abordables et accueillantes des destinations aménagées, par et pour ce secteur économique. Cette démocratisation du tourisme a aussi été rendue possible en levant les barrières à la circulation et en dérégulant le secteur de l’aérien (dans les années 1970 aux États-Unis, puis 1990 en Europe)[1] avec l’irruption des compagnies low cost qui ont popularisé un moyen de transport auparavant très cher et donc socialement discriminant. Enfin, le succès du tourisme industrialisé s’explique aussi par le fait que les expériences de l’ailleurs ont été sécurisées : du départ jusqu’au retour au bercail, les opérateurs touristiques ont le souci du confort des touristes qu’ils accueillent. À tel point que la fluidité et la sûreté du voyage ont fini par primer sur l’effet de surprise et l’inattendu.

LLe monde à nos pieds

L’objectif depuis le début des « Trente Glorieuses » a donc été d’encourager à toujours plus voyager. En mobilisant de puissants imaginaires associés à l’exotisme, la parenthèse enchantée, la déconnexion, ou encore l’expérience originale, nous nous sommes accoutumés à ce tourisme, intensif certes, mais un tourisme qui nous fait du bien et que nous cherchons à pratiquer dès que l’occasion se présente. Nous prenons, d’ailleurs, autant de plaisir à concrétiser un projet de voyage qu’à le fantasmer. Autrement dit, nous avons développé une dépendance vis-à-vis du tourisme, à tel point qu’une part importante de notre temps libre est dédiée à sa consommation. En devenant désirable et incontournable, la machinerie touristique moderne n’était donc plus seulement alimentée par notre soif de découvrir quelque part, mais aussi la crainte de rater quelque chose. Nous serions devenus les sujets d’un tourisme industrialisé et ordonné de sorte qu’il rend le monde disponible, chaque recoin pouvant être facilement visité et connu.

LL’arroseur arrosé

Cet accroissement de la pression touristique sur le monde ne pouvait pas continuer éternellement sans conséquence. Ainsi, les années 2000 ont vu de plus en plus de voyageurs affluer vers des destinations qui ne parvenaient plus à faire face à leur popularité, c’est le surtourisme contre lequel les populations de certaines villes se sont levées à Barcelone ou Venise, par exemple. Des villes en crise d’identité, mais qui se demandent à quel point elles pourraient se détourner d’une source de revenus aussi importante. Du reste, la facture écologique de ce tourisme industrialisé se révèle très salée au fur et à mesure que des études scientifiques pointent le lourd bilan carbone du secteur.

C’est finalement la pandémie mondiale de Covid-19 qui a mis à terre le tourisme international, révélant au passage un paradoxe majeur d’un secteur économique qui, fort de sa capacité à faire massivement traverser les frontières, a lui-même participé à disséminer le virus qui a fini par l’étouffer. Jamais le tourisme n’aurait pu autant éprouver l’expérience d’une introspection profonde sans cette crise sanitaire – et ce magazine esquisse les scénarios d’un tourisme réinventé et les nouveaux imaginaires qui lui sont associés. Est-ce possible de baisser en intensité et de voyager de manière responsable ? Allons-nous réduire les frontières de l’exotisme et de l’aventure en bas de chez nous ? Comment anticiper les conséquences que le surtourisme et le réchauffement climatique auront sur les destinations touristiques sensibles ? La montagne en particulier, doit-elle se sortir du filon de l’or blanc et du tout-ski ?

56 pages pour concevoir le tourisme que nous souhaitons voir se développer et le touriste que nous imaginons devenir


[1] Voir à ce propos l’article « Le low cost dans le secteur aérien », rédigé par Louis-Marie Barnier, Chloé Calame et Jean Vandewattyne, dans La nouvelle revue du travail en 2018 : https://journals.openedition.org/nrt/3527